Moderniser pour protéger les Canadiens des menaces à la sécurité économique
Lettre à l’honorable Dominic LeBlanc, C.P., M.P., ministre de la Sécurité publique, concernant la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité (Loi sur le SCRS).
Re: Améliorer l’échange de renseignements sur les menaces avec les entreprises canadiennes
Monsieur le Ministre,
Au nom des entreprises les plus innovantes et les plus prospères du Canada, j’ai le plaisir de vous faire part du point de vue du Conseil canadien des affaires (CCA) sur la consultation de votre ministère concernant la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité (Loi sur le SCRS).
Le CCA continue de croire que la Loi sur le SCRS devrait être revue en profondeur et modifiée afin d’aligner le mandat et les pouvoirs législatifs du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) sur les attentes croissantes en matière d’identification, d’analyse et d’interruption des menaces pesant sur la sécurité économique du Canada.
Toutefois, la présente communication se limite à la question qui relève de la consultation et qui concerne le plus directement les membres du CCA, à savoir s’il faut autoriser le SCRS à communiquer des informations aux intervenants extérieurs au gouvernement du Canada, afin d’accroître la sensibilisation et la résilience contre l’ingérence étrangère.
Les membres du CCA se retrouvent de plus en plus souvent dans la ligne de mire d’acteurs malveillants qui cherchent à compromettre la vie et les moyens de subsistance des Canadiens, que ce soit en sabotant des infrastructures essentielles, en perturbant des chaînes d’approvisionnement vitales ou en subtilisant des renseignements exclusifs d’une valeur inestimable.
Les méthodes néfastes employées par ces acteurs sont très variées, allant de l’utilisation d’officiers de renseignement étrangers et des initiés des entreprises aux pirates informatiques affiliés à l’État et aux coentreprises apparemment inoffensives.
Pourtant, les conséquences sont les mêmes : diminution de la croissance économique et de la compétitivité, entraînant la perte d’emplois de qualité et bien rémunérés ; perte de recettes fiscales pour financer des services publics essentiels ; et perte d’un avantage concurrentiel dans des industries de pointe essentielles à la puissance nationale du pays.
Les renseignements sur les menaces fournis par le gouvernement sont de plus en plus précieux pour les entreprises qui luttent contre les acteurs malveillants. Les organismes de sécurité nationaux de nos alliés internationaux du Groupe des cinq, comme le Federal Bureau of Investigation (FBI) des États-Unis, possèdent toutes des pouvoirs législatifs modernes leur permettant de partager de manière proactive des renseignements pertinents, opportuns et exploitables sur les menaces avec leurs communautés d’affaires respectives. Les entreprises disposent ainsi des renseignements dont elles ont besoin pour protéger leurs clients, leurs employés et leurs communautés contre les menaces nouvelles et émergentes qui pèsent sur la sécurité économique.
La Loi sur le SCRS ne confère pas au SCRS les mêmes pouvoirs législatifs. Au contraire, la Loi sur le SCRS interdit actuellement au SCRS de partager avec le secteur privé tous les renseignements, à l’exception des plus généraux.
La seule exception est lorsqu’une menace pour la sécurité nationale se concrétise par un événement de sécurité. À ce moment-là, si le SCRS peut satisfaire à des exigences juridiques strictes, il peut s’appuyer sur son mandat de réduction de la menace pour avertir une entreprise ciblée de l’événement.
Ce moyen de communication — un contournement législatif qui n’a pas été conçu pour l’échange de renseignements sur les menaces avec le secteur privé — est profondément défectueux. La nature restrictive du régime fait que ces autorités sont rarement utilisées. En outre, la nature réactive du régime limite considérablement l’utilité de la divulgation puisque l’alerte est adressée à une entreprise individuelle et n’arrive qu’après que la menace s’est concrétisée.
La législation désuète qui régit le SCRS représente donc une lacune considérable dans les défenses du Canada. Bien que le SCRS possède les connaissances et l’expertise nécessaires pour aider les entreprises canadiennes à faire face aux menaces croissantes en matière de sécurité, celles-ci sont laissées à elles-mêmes, ce qui met en péril la sécurité et la prospérité des Canadiens.
C’est pourquoi le CCA a été encouragé lorsque le gouvernement du Canada a lancé, à la fin de l’année dernière, des consultations qui envisagent d’accorder au SCRS de nouveaux pouvoirs en matière d’échange de renseignements sur les menaces.
Le CCA a maintes fois soutenu que le gouvernement du Canada devrait modifier la Loi sur le SCRS afin d’autoriser le SCRS à partager de manière proactive des renseignements pertinents, opportuns et exploitables sur les menaces avec des entreprises canadiennes lorsque cela est dans l’intérêt public et sous réserve de toutes les mesures de sécurité et de contrôle nécessaires.
Avec de nouveaux pouvoirs d’échange de renseignements sur les menaces, le SCRS pourrait communiquer des informations plus spécifiques et plus tangibles aux entreprises canadiennes. Cela permettrait aux chefs d’entreprise de mieux comprendre la nature de la menace, ainsi que les mesures de protection qui pourraient être prises pour mieux protéger leurs employés, leurs clients et leurs communautés.
Le recours à de nouveaux pouvoirs d’échange de renseignements sur les menaces profiterait également au gouvernement du Canada en aidant le SCRS à instaurer une plus grande confiance avec le secteur privé. Cela encouragerait les chefs d’entreprise à informer davantage le gouvernement du Canada des menaces qu’ils observent, ce qui permettrait de mieux éclairer la politique gouvernementale et d’améliorer la capacité du SCRS à enquêter, à analyser et à répondre aux menaces.
Toutefois, accorder au SCRS de nouveaux pouvoirs en matière d’échange de renseignements sur les menaces n’est que la première étape à franchir pour renforcer la résilience de l’économie canadienne. Les nouveaux pouvoirs du SCRS ne seront efficaces pour protéger la sécurité économique des Canadiens que s’ils sont associés à un nouvel organisme chargé de recevoir, de traduire et de diffuser en toute sécurité les renseignements sur les menaces du SCRS dans l’ensemble de l’économie canadienne.
Pour faciliter l’échange de renseignements sur les menaces avec le secteur privé canadien, le CCA demande au gouvernement du Canada de mettre en place un système formel d’échange de renseignements sur les menaces, à l’instar du Domestic Security Alliance Council (DSAC) du gouvernement des États-Unis.
Le DSAC est un partenariat entre 700 entreprises américaines d’importance stratégique, le FBI et le département de la Sécurité intérieure (DHS). Grâce à l’échange en temps utile de renseignements sur les menaces, le DSAC contribue à la mission du gouvernement des États-Unis de protéger la sécurité nationale et économique, tout en aidant le secteur privé américain à protéger ses employés, ses clients et ses communautés.
Les entreprises membres du DSAC bénéficient d’échanges directs avec les hauts responsables du FBI et du DHS, de renseignements sur les menaces fournis par le FBI et le DHS et d’un accès à un réseau réservé aux membres, où des représentants du secteur privé et du gouvernement collaborent, règlent des problèmes et échangent les meilleures pratiques.
Le SCRS, Sécurité publique Canada et le secteur privé canadien sont bien placés pour mettre en place et exploiter un système comparable d’échange de renseignements sur les menaces, afin que les renseignements sur les menaces fournis par le gouvernement soient communiqués de manière sûre et efficace aux entreprises qui, en première ligne, protègent les Canadiens contre les menaces croissantes pesant sur la sécurité économique.
Monsieur le Ministre, je vous remercie de nous avoir donné l’occasion de partager notre point de vue. Je reste disposé à poursuivre le dialogue avec vous sur les moyens de protéger les Canadiennes et les Canadiens, aujourd’hui et à l’avenir.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de ma considération respectueuse.
Sincèrement,
Goldy Hyder
c.c. David Vigneault
Directeur du Service canadien du renseignement de sécurité
Shawn Tupper
Vice-ministre de la sécurité publique du Canada
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