Publié par l’Institut C.D. Howe

De: Michael Gullo et Heather Exner-Pirot
A: Groupe de travail ministériel sur l’efficacité réglementaire des projets de croissance propre
Date: 25 janvier 2024 25 janvier 2024
Objet: Améliorer la compétitivité du Canada

Les travailleurs canadiens, l’industrie canadienne et le gouvernement fédéral partagent l’objectif commun d’une économie forte et d’un environnement sain. Il s’agit notamment de construire des infrastructures pour soutenir un système énergétique à faibles émissions de carbone et d’augmenter les exportations d’énergie et de minéraux produits de manière responsable par le Canada vers les marchés mondiaux.

Pour atteindre nos objectifs, nous devrons attirer beaucoup plus d’investissements privés dans les grands projets. Selon certaines estimations, le Canada doit investir environ 2 000 milliards de dollars pour atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Le niveau actuel des investissements est loin d’être suffisant. Comme l’a indiqué le gouvernement fédéral lui-même, les investissements annuels se situent actuellement entre 15 et 25 milliards de dollars, alors qu’ils devraient atteindre entre 125 et 140 milliards de dollars.

Un système plus souple et plus efficace d’approbation et de réglementation des grands projets est essentiel pour débloquer des niveaux d’investissement beaucoup plus élevés au Canada. Comme nous l’avons déjà souligné, ainsi que d’autres personnes comme Grant Bishop et Grant Sprague dans un récent document de l’Institut C.D. Howe, le système canadien de délivrance de permis est lent et fastidieux. Il freine le potentiel du pays.

Selon l’inventaire des grands projets (ceux qui sont planifiés et en cours de construction) de Ressources naturelles Canada, entre 2015 et 2023, la valeur réelle des grands projets en dollars constants de 2015 a chuté de 33,52 % (-231,3 milliards de dollars) ; le nombre de projets a diminué de 10,04 %, la valeur moyenne des projets a chuté de 6,1 %, et le nombre total de projets achevés a diminué de 36,36 %.

Loin de construire un avenir plus propre et plus prospère, nous prenons du retard.

Dans le Budget de 2023, le gouvernement s’est engagé à « d’ici la fin de 2023… présente [r] un plan concret visant à accroître l’efficacité des processus d’évaluation des répercussions environnementales et d’autorisation pour les grands projets, y compris en venant préciser les échéances et réduire les délais, remédier aux pratiques inefficaces et renforcer la concertation
et les partenariats », un plan qui n’a pas encore été mis en place.


Nous sommes conscients de la complexité introduite par l’arrêt de la Loi sur l’évaluation d’impact de la Cour Suprême qui a jugé inconstitutionnels certains aspects de la législation.

Néanmoins, il est nécessaire d’agir maintenant. Le manque de prévisibilité des politiques décourage les nouveaux investissements et nuit à la compétitivité du Canada. Un environnement réglementaire imprévisible retarde effectivement les décisions définitives d’investissement et compromet la capacité du Canada à passer à une économie à faibles émissions de carbone.

En septembre, le premier ministre vous a nommé au sein d’un groupe de travail spécial du cabinet chargé de veiller « à la mise en place d’un cadre réglementaire efficace pour soutenir l’élaboration de projets de croissance propre ».

Alors que vous vous attelez à cette tâche urgente, nous vous proposons quelques recommandations fondées sur ce que les principales entreprises et les entrepreneurs les plus éminents du Canada nous ont dit qui les inciterait à investir à nouveau à grande échelle au Canada.

  1. Soutenez publiquement l’investissement au lieu de le décourager. Les investisseurs ont besoin de messages clairs et positifs leur indiquant que les pays et les régions veulent faire des affaires avec eux.

Pour convaincre les investisseurs et les promoteurs que leur régulateur a un intérêt commun à faire avancer les projets en temps voulu, le gouvernement fédéral devrait publier une déclaration de politique pour faire clairement comprendre qu’il y a un « parti pris pour le oui » ; un engagement à ce que cela devienne la pratique au Canada d’examiner, d’approuver et de construire des projets qui sont dans l’intérêt national (par exemple, ceux qui font progresser la sécurité énergétique, la transition énergétique ou la réconciliation autochtone) en temps voulu.

  1. Respecter le principe « un projet et une évaluation ». L’arrêt de la Cour suprême plaide clairement en faveur de la reconnaissance de la compétence provinciale pour la plupart des projets relatifs aux ressources naturelles et aux infrastructures. Le Canada devrait clairement définir, dès que possible, les projets et les pouvoirs de décision qu’il confiera désormais aux provinces, ainsi que la manière dont il collaborera avec les gouvernements provinciaux pour répondre aux exigences imposées par les lois fédérales. Cela devrait inclure une « table de greffier à greffier » entre le greffier du Conseil privé et le Conseil exécutif des provinces et des territoires afin de favoriser une coordination disciplinée.

Le gouvernement devrait rendre permanentes ses orientations provisoires à la suite de l’arrêt de la Cour suprême qui a suspendu la capacité du ministre à désigner des projets pour un examen fédéral.

  1. Éliminer les considérations politiques du processus d’examen et d’approbation des projets. L’une des plus grandes sources de risque pour la construction au Canada est la menace d’un grand projet répondant à toutes les exigences juridiques et réglementaires, mais qui se heurte en fin de compte au veto des politiciens. Cela s’est produit tout récemment, le 4 décembre 2023, lorsque les gouvernements fédéral et de la Nouvelle-Écosse ont opposé leur veto à un permis d’exploration pétrolière et gazière accordée à Inceptio Limited par l’autorité de régulation.

Cela s’est produit à plusieurs reprises, au point que les investisseurs et les promoteurs s’inquiètent de la possibilité de retards ou de veto pour un projet donné. Le risque et le coût de cette démarche ont dissuadé de nombreux promoteurs potentiels de faire avancer leurs projets. Le gouvernement doit fixer des exigences claires et permettre aux projets qui répondent à toutes ces exigences d’aller de l’avant.

Ces dernières années, le Canada n’a pas bénéficié d’un environnement politique propice à attirer le niveau d’investissement dont nous avons besoin pour atteindre nos objectifs.

Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux doivent collaborer davantage, et de toute urgence, pour créer les conditions nécessaires à la prospérité des Canadiens. Le monde des affaires souhaite collaborer à la réalisation de ces objectifs communs.

Votre leadership est nécessaire pour donner le ton et ouvrir la voie à la réalisation de cet objectif. C’est dans cet esprit que nous vous proposons ces conseils.