Rapports Archives | Business Council of Canada https://www.thebusinesscouncil.ca/fr/post_types/rapports/ Wed, 12 Feb 2025 21:47:30 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.6.2 https://www.thebusinesscouncil.ca/wp-content/uploads/2020/10/cropped-Icon-iOS-Store-1024x1024-1-32x32.png Rapports Archives | Business Council of Canada https://www.thebusinesscouncil.ca/fr/post_types/rapports/ 32 32 Ambition et Action https://www.thebusinesscouncil.ca/fr/rapport/ambition-et-action/ Thu, 13 Feb 2025 16:30:00 +0000 https://www.thebusinesscouncil.ca/?post_type=report&p=20544 La menace persistante de tarifs douaniers américains sur les exportations canadiennes remet en cause les fondements sur lesquels repose l’économie du Canada depuis des décennies. Ces tarifs mettent en péril la compétitivité industrielle de notre pays, sa stabilité économique et […]

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La menace persistante de tarifs douaniers américains sur les exportations canadiennes remet en cause les fondements sur lesquels repose l’économie du Canada depuis des décennies. Ces tarifs mettent en péril la compétitivité industrielle de notre pays, sa stabilité économique et ses perspectives de croissance à long terme. Si les États-Unis demeureront toujours notre principal partenaire économique, la nature de cette relation a changé, peut-être de manière irréversible.

L’incertitude persistante quant aux détails et au calendrier de ces tarifs dissuadera les investissements au Canada. Peu d’entreprises, qu’elles soient nationales ou étrangères, choisiront d’investir dans un pays aussi dépendant d’un accès préférentiel à un client unique, dominant et imprévisible. Les entreprises en souffriront, les emplois déclineront et le niveau de vie des Canadiens en pâtira.

Il est temps d’agir. Le Canada doit mettre de l’ordre dans ses propres affaires. Trop longtemps, nous avons manqué d’ambition et d’une vision à long terme pour assurer notre prospérité, nous contentant de notre voisinage avec la plus grande économie mondiale.

Nous ne pouvons plus nous permettre un tel confort ni une telle complaisance.

La bonne nouvelle, c’est que les Canadiens prennent conscience des défis qui se dressent devant nous. Ces dernières semaines, notre pays a fait preuve d’unité et d’un sentiment d’urgence face à la nécessité de prendre en main notre propre destin. Il ne s’agit pas de solutions temporaires ou superficielles. Nous devons saisir cette occasion pour apporter des changements substantiels et durables à notre façon de fonctionner en tant que nation.

Afin de contrer les risques économiques immédiats et de repositionner le Canada pour une prospérité future, ce document présente un plan en deux volets axés sur la croissance industrielle stratégique et l’énergie ainsi que les minéraux critiques.

Il propose une feuille de route visant à renforcer les industries canadiennes, à développer des secteurs à forte croissance et à tirer parti de l’avantage énergétique du Canada.

Bon nombre des recommandations formulées ici nécessiteront du temps pour être pleinement mises en œuvre. C’est pourquoi nous devons agir dès maintenant. Plus tôt nous entreprendrons ces réformes, mieux nous serons préparés à relever les défis à venir.

Plan de croissance industrielle stratégique

Objectif
Renforcer nos secteurs stratégiques, accélérer les investissements et améliorer la productivité et la résilience économiques.

Accélérer le développement des infrastructures stratégiques

L’investissement dans les infrastructures est essentiel à la résilience économique et à la compétitivité à long terme. Le Canada doit agir immédiatement pour prioriser et accélérer les projets clés en matière d’énergie, de transport et d’infrastructures numériques afin d’assurer sa stabilité économique:

  • Financement immédiat par réallocation budgétaire pour les infrastructures essentielles à la résilience économique, notamment dans l’énergie, le commerce et la recherche et développement (R&D) industrielle.
  • Accélération des processus d’approbation des projets, harmonisation des réglementations entre les différents niveaux de gouvernement et élimination des obstacles bureaucratiques retardant les investissements stratégiques.

Stimuler la R&D industrielle dans les secteurs à forte croissance

Pour bâtir une économie plus compétitive et innovante, le Canada doit prioriser la R&D et la commercialisation dans les industries où il possède un avantage concurrentiel. Une initiative public-privé ciblée doit être mise en place dans les secteurs stratégiques suivants:

  • Fabrication avancée: Investir dans la fabrication de précision, l’automatisation et la production pilotée par l’IA afin d’améliorer notre compétitivité.
  • Technologies agricoles (Ag-Tech): Moderniser la production alimentaire et promouvoir l’agriculture de précision pour accroître l’efficacité et la durabilité.
  • Technologies propres: Développer des solutions énergétiques de nouvelle génération, incluant les avancées en énergie nucléaire et en captage du carbone.
  • Biotechnologies: Accélérer la croissance en biologie synthétique et en biotechnologie agricole afin de renforcer la position du Canada en innovation mondiale.
  • Semi-conducteurs et matériaux avancés Développer des capacités de production de microprocesseurs et de nouveaux matériaux pour garantir la souveraineté industrielle.

Renforcer la base industrielle de défense

Le secteur de la défense est un pilier stratégique de la sécurité nationale et de la croissance économique. Le gouvernement fédéral doit :

  • Élaborer une stratégie nationale pour l’industrie de défense, visant à accroître les capacités de production domestiques et à renforcer les engagements internationaux.
  • Rationaliser les processus d’approvisionnement pour améliorer l’efficacité, soutenir les fournisseurs canadiens et stimuler l’innovation technologique.
  • Investir dans la R&D liée à la défense, notamment dans l’aérospatiale, la cybersécurité et les technologies militaires avancées.

Une politique d’approvisionnement « Canada d’abord »

Afin de réduire la dépendance aux chaînes d’approvisionnement américaines et de stimuler l’économie nationale, le Canada doit :

  • Prioriser la fabrication et les fournisseurs canadiens dans les contrats publics.
  • Étendre les programmes d’approvisionnement fédéraux et provinciaux pour garantir un accès préférentiel aux entreprises canadiennes.

Stimuler l’investissement des entreprises

Pour favoriser les investissements immédiats, le Canada devrait :

  • Mettre en place une déduction pour amortissement accéléré à 100 % sur cinq ans pour les investissements stratégiques dans la production domestique.
  • S’associer au secteur privé pour développer les talents en IA, en fabrication avancée et dans d’autres domaines à forte croissance.

Éliminer les barrières interprovinciales au commerce et à la mobilité de la main-d’œuvre

Les obstacles internes au commerce et à la mobilité du travail agissent comme des tarifs intérieurs et nuisent gravement à la compétitivité et à la croissance économique du Canada. Ces barrières doivent être supprimées immédiatement et entièrement.

Stratégie énergétique et minéraux critiques

Objectif
Développer la production énergétique, sécuriser de nouveaux marchés et renforcer l’indépendance énergétique nationale.

Accélérer le développement et maximiser la valeur des ressources naturelles

Le secteur énergétique canadien doit s’étendre rapidement pour garantir l’indépendance énergétique à long terme et conquérir de nouveaux marchés. Le gouvernement fédéral doit :

  • Accélérer l’approbation des projets énergétiques et miniers.
  • Renforcer le raffinage et la transformation des minéraux critiques pour les technologies avancées et les industries stratégiques.
  • Simplifier les processus d’évaluation et d’autorisation selon le principe « un projet, une évaluation, une décision ».
  • Assurer l’efficacité et la fiabilité des infrastructures portuaires et ferroviaires.

Développer des corridors d’exportation énergétique

Pour maximiser les exportations d’énergie et de minéraux critiques, le Canada doit :

  • Créer de nouvelles opportunités d’exportation pour contribuer à la sécurité énergétique de ses alliés.
  • Prioriser le développement de pipelines, de terminaux GNL et d’infrastructures portuaires adaptées.
  • Collaborer avec les provinces et les communautés autochtones pour assurer une mise en œuvre harmonieuse et inclusive des projets.

Investir dans l’énergie nucléaire

  • Développer des partenariats avec le secteur privé pour innover et créer des emplois hautement qualifiés.
  • Accélérer le déploiement de réacteurs modulaires petits et grands pour asseoir le leadership canadien dans le nucléaire de nouvelle génération.
  • Adapter la réglementation pour soutenir l’innovation tout en maintenant la confiance du public.
  • Développer les exportations de combustibles, technologies et services nucléaires canadiens.

Conclusion

La menace de tarifs américains sur les exportations canadiennes constitue un défi économique majeur, mais aussi une occasion unique de renforcer notre base industrielle et d’assurer notre sécurité énergétique pour les générations à venir.

En mettant en œuvre sans tarder ce plan de croissance industrielle stratégique et cette stratégie énergétique, le Canada pourra non seulement atténuer les risques économiques immédiats, mais aussi bâtir une prospérité durable.

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Moteurs de croissance https://www.thebusinesscouncil.ca/fr/rapport/moteurs-de-croissance/ Thu, 05 Sep 2024 09:00:00 +0000 https://www.thebusinesscouncil.ca/?post_type=report&p=19314 INTRODUCTION Le Canada s’est toujours classé parmi les meilleurs pays du monde pour sa qualité de vie élevée. Des ressources naturelles abondantes, une population très scolarisée et des liens internationaux solides ont contribué au niveau de vie enviable. Mais le […]

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INTRODUCTION

Le Canada s’est toujours classé parmi les meilleurs pays du monde pour sa qualité de vie élevée. Des ressources naturelles abondantes, une population très scolarisée et des liens internationaux solides ont contribué au niveau de vie enviable.

Mais le progrès a ralenti.

Selon les données provenant de diverses sources, dont Statistique Canada, l’OCDE et d’autres instituts de recherche économique, le Canada a connu une période de léthargie économique au cours des 15 dernières années.

Les Canadiens risquent de voir leur qualité de vie, y compris l’accès à des services publics essentiels, diminuer si le pays ne change pas de cap.

Le progrès est un choix, et les décideurs politiques ont la responsabilité de garantir que le niveau de vie et les salaires des Canadiens ne stagnent pas ou ne se détériorent pas. Il est urgent que les décideurs politiques mettent en place les conditions propices à l’édification d’une société tournée vers l’avenir, qui tire parti de l’innovation pour favoriser la prospérité économique.

Il y a moins d’un siècle, la Corée du Sud et Singapour figuraient parmi les nations les plus pauvres du monde. La Finlande était nettement sous-développée par rapport à ses homologues d’Europe occidentale. Aujourd’hui, grâce à des politiques économiques axées sur l’innovation technologique, les situations de ces trois pays se sont radicalement inversées, les classant parmi les économies les plus avancées du monde.

Le Canada peut faire de même.

Ce document présente une feuille de route et des recommandations pratiques et réalisables pour que le Canada alimente les moteurs de croissance à long terme, non seulement pour les prochains trimestres, mais aussi pour les décennies à venir, au bénéfice de tous les Canadiens.

La thèse est simple : l’adoption d’un programme économique favorable aux travailleurs signifie que l’économie canadienne doit devenir plus technologique. Au lieu d’être axée sur la consommation, l’économie canadienne devrait être animée par la production et la concurrence à grande échelle dans les industries les plus avancées sur le plan technologique. Une économie innovante, productive et compétitive se traduira par des salaires plus élevés et de meilleures possibilités d’emploi pour les travailleurs canadiens. Elle favorisera le développement des compétences et l’apprentissage continu, ce qui renforcera les capacités et les perspectives de carrière de chacun.

Cette transition économique entraînera une hausse de la productivité, stimulant la croissance économique globale et améliorant le niveau de vie, ce qui profitera à tous. Elle permettra au Canada d’exporter des produits et des services de haute technologie, ce qui entraînera une augmentation des recettes nationales et une économie plus résiliente. Une économie plus forte permettra également au Canada d’exercer une plus grande influence sur la scène internationale, en contribuant à l’élaboration de politiques et d’initiatives mondiales conformes aux intérêts et aux valeurs du Canada.

INNOVATION TECHNOLOGIQUE ET CROISSANCE ÉCONOMIQUE

Pendant des siècles, la prospérité économique a reflété les progrès technologiques. Avant les années 1800, la plupart des économies étaient agraires, fortement dépendantes de l’agriculture, et la croissance de la productivité était lente. Débutant au Royaume-Uni à la fin du XVIIIe siècle, la révolution industrielle est devenue le catalyseur d’une croissance exponentielle.

Des inventions importantes, telles que la machine à vapeur, la mécanisation de la fabrication des textiles et les progrès de la métallurgie, ont transformé les processus de production, conduisant à une fabrication de masse et à des gains de productivité considérables. Les innovations dans le domaine des transports, notamment la locomotive à vapeur et l’amélioration du transport maritime, ont permis d’accélérer et d’étendre les échanges commerciaux.

Dans la dernière moitié du XIXe siècle, la deuxième révolution industrielle s’est caractérisée par l’expansion d’industries telles que l’acier et les produits chimiques. L’avènement de l’électricité a révolutionné les processus de production en permettant une fabrication continue et efficace, ce qui a fait baisser le prix des marchandises. Des innovations telles que le télégraphe et le téléphone ont amélioré la communication, renforçant ainsi le commerce mondial.

La troisième révolution industrielle a débuté dans les années 1970. L’essor de la technologie numérique a transformé radicalement la manière dont l’information est traitée, stockée et communiquée. La diffusion des technologies de l’information et de la communication (TIC) a transformé de nombreux secteurs, notamment la finance, les soins de santé, l’éducation et les loisirs.

Au cours des dix dernières années, nous avons été témoins d’une nouvelle phase d’innovation technologique axée sur la robotique et l’automatisation avancées, l’intelligence artificielle (IA) et l’apprentissage automatique, les mégadonnées et l’analytique avancée, la biotechnologie et la génomique, ainsi que l’informatique quantique.

L’histoire compte. La raison pour laquelle la croissance économique est devenue exponentielle à la fin du XVIIIe siècle est principalement attribuable à l’innovation technologique. Les progrès technologiques continus ont entraîné une croissance exponentielle de la productivité et de la production. Chaque nouvelle invention s’appuyait sur les innovations précédentes, créant ainsi un effet cumulatif. De même, les connaissances scientifiques et techniques ont stimulé les investissements dans la recherche et le développement (R&D).

Avec l’arrivée de I’innovation technologique, les économies ont prospéré, entraînant des améliorations considérables du revenu par habitant et du niveau de vie. Cette évolution a été accompagnée de la montée de la classe moyenne, l’augmentation du temps de loisirs et l’amélioration des soins de santé.

LE DÉFI CANADIEN

Après la Seconde Guerre mondiale, le Canada a connu une croissance économique et des gains de productivité considérables grâce à une industrialisation rapide, aux avancées technologiques et à des niveaux élevés d’investissement dans les infrastructures et l’éducation. Cela s’est traduit par une augmentation du niveau de vie et des possibilités économiques pour les Canadiens d’origines et de régions diverses.

L’expansion du secteur manufacturier et des ressources naturelles a joué un rôle essentiel dans l’augmentation de la productivité. Toutefois, le Canada a connu un ralentissement de la croissance de la productivité dans les années 1970, en partie en raison des chocs pétroliers et des récessions économiques qui ont suivi. La hausse des coûts de l’énergie et l’inflation ont pesé sur les performances économiques du pays.

La mise en œuvre de l’Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis en 1989, suivie de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) en 1994, a contribué à stimuler la productivité en améliorant l’accès au marché et la concurrence. D’autres améliorations de la productivité ont été réalisées suite à l’adoption de nouvelles technologies et une réorientation vers des industries axées sur le savoir.

La fin des années 1990 et le début des années 2000 ont été marqués par une nouvelle poussée de la productivité, grâce à l’adoption généralisée des TIC et à la diversification dans les produits et services de haute technologie.

Les améliorations constantes n’ont toutefois pas duré. Les performances économiques du Canada depuis la dernière grande crise financière de 2008 ont été décevantes. La performance canadienne a continué de se dégrader depuis la pandémie, en particulier par rapport aux pays pairs.

Ce mauvais résultat économique n’est pas attribuable à l’augmentation des taux d’intérêt. La raison en est claire : le Canada connaît une stagnation de sa productivité, c’est-à-dire, une incapacité à générer des revenus supplémentaires pour chaque heure travaillée.

De plus en plus de voix crédibles expriment leur inquiétude face au défi de la productivité au Canada : le gouverneur actuel de la Banque du Canada Tiff Macklem et la première sous-gouverneure Carolyn Rogers, les anciens gouverneurs de la Banque du Canada David Dodge, Mark Carney et Stephen Poloz, l’ancien ministre des Finances Bill Morneau et l’ancienne première sous-gouverneure de la Banque du Canada Carolyn Wilkins, de nombreux décideurs et économistes en chef des banques, des groupes de réflexion, des associations industrielles, des sociétés de conseil, les chroniqueurs nationaux Andrew Coyne, John Ivison et Kevin Carmichael et des économistes, notamment Trevor Tombe et Mikal Skuterud.

Le Canada est passé de la 6e économie la plus productive au sein des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en 1970 à la 18e en 2022.

Hors récession, l’économie canadienne a rarement été aussi faible sur le plan structurel. Elle est maintenant moins imposante qu’elle ne l’était en 2019 lorsqu’ajustée en fonction de l’inflation et de la population, et elle n’a guère progressé depuis dix ans. En fait, le Canada vient de connaitre sept années sans croissance économique par habitant.

Les indicateurs clés tels que le PIB par habitant, les investissements privés et les dépenses en R&D témoignent tous d’une faiblesse économique persistante.

Le PIB réel par habitant a maintenant fléchi au cours de six des sept derniers trimestres et se situe actuellement près des niveaux observés en 2017. Selon Statistique Canada, pour revenir à sa tendance prépandémique au cours de la prochaine décennie, le PIB par habitant devrait croître à un taux annuel moyen de 1,7 % par an. Un changement de cette ampleur constituerait un changement important par rapport aux tendances récentes.

En 1984, la valeur générée par heure dans l’économie canadienne représentait 88 % de celle générée dans l’économie américaine. En 2022, ce chiffre est passé à 71 %. Sur la même période, le Canada s’est également fait dépasser par les autres pays du G7, et seule l’Italie a vu sa productivité régresser davantage relativement aux États-Unis.

Comme l’a souligné Carolyn Rogers, première sous-gouverneure de la Banque du Canada, dans un discours prononcé le mars 2024 : « L’amélioration de la productivité au Canada doit être prioritaire pour tout le monde, et il y a deux grandes stratégies pour y parvenir. La première est d’axer l’économie sur les secteurs qui apportent une plus-value par rapport aux activités moins productives. La seconde est de continuer à faire le même travail, mais de façon plus efficace. Idéalement, le Canada recourrait aux deux stratégies ; l’économie profiterait ainsi d’une solide croissance de la productivité et d’une forte concentration d’activités à grande valeur. »

Le niveau de vie du Canada est déterminé par la productivité de l’ensemble de l’économie. Celle-ci doit augmenter dans tous les domaines, mais surtout dans les secteurs à forte valeur ajoutée de l’économie.


La désindustrialisation de nombreuses régions du Canada a eu des conséquences importantes. Plusieurs régions du Canada — notamment l’Ontario — ont traditionnellement soutenu l’économie par le secteur manufacturier. Mais comme l’illustre un rapport récent de la  RBC, l’incidence économique de l’industrie manufacturière est la moitié de ce qu’il était en 2000, tandis que l’exploitation minière a également diminué. Le problème est qu’à mesure que l’industrie manufacturière s’est contractée, elle n’a pas été remplacée par des industries à forte valeur ajoutée. Qui plus est, les niveaux d’investissement dans le secteur du pétrole et du gaz restent inférieurs à ce qu’ils étaient il y a dix ans.

Si la composition industrielle ou sectorielle est inquiétante, la taille des entreprises l’est tout autant.

Le Canada est devenu essentiellement une économie de l’immobilier et de la consommation. Quatre-vingt-dix-huit pour cent des entreprises canadiennes sont des petites et moyennes entreprises (PME), ce qui explique en partie la faiblesse structurelle des investissements des entreprises. Dans une certaine mesure, cela est le cas pour de nombreuses économies avancées. Deux questions interdépendantes sont au cœur du problème :

  • le Canada compte trop peu de grandes entreprises (qui consacrent de manière disproportionnée plus d’argent à la R&D et à l’innovation) et
  • trop peu de PME se développent ou grandissent.

Ces problèmes sont liés, car ce sont les entreprises les plus efficaces et les plus productives qui se développent. Les PME non productives ont peu de chances de se développer.

Par ailleurs, les investissements dans les structures résidentielles représentent une part du PIB deux fois plus importante au Canada qu’aux États-Unis. Les entreprises canadiennes investissent davantage dans les structures non résidentielles et moins dans les produits de propriété intellectuelle (PI). Le Canada investit environ 40 % de moins (en pourcentage du PIB) dans les produits de propriété intellectuelle en général.

Une économie de la taille du Canada qui produit une faible part de biens et de services pouvant être exportés sur les marchés mondiaux aura du mal à accroître sa productivité. 

Parmi les autres facteurs qui contribuent aux problèmes de compétitivité du Canada, on peut citer la résurgence de l’économie politique, l’intensification des tensions géopolitiques technologiques (comme entre la Chine et les États-Unis), l’essor des biens immatériels (données, PI) et les nouvelles exigences en matière de sécurité nationale, qui ont tous transformé le paysage politique et stratégique, à l’échelle nationale et internationale.

En outre, il convient de noter que la surcapacité industrielle de la Chine et sa dépendance à l’égard de la demande étrangère pour soutenir la croissance ont des conséquences sur la politique commerciale mondiale. Comme l’a récemment expliqué Janet Yellen, secrétaire au Trésor américain, le problème n’est pas lié aux exportations ou au fait que les entreprises chinoises disposent d’un avantage comparatif dans certains secteurs. Il s’agit plutôt de l’important soutien du gouvernment chinois, qui fait que la production ne répond pas à la demande du marché mondial — un problème unique à l’économie chinoise.

Le Canada est également confronté à un défi démographique de taille. Les Canadiens vieillissent et vivent plus longtemps.

Le 1er juillet 2023, près d’un Canadien sur cinq (18,9 % de la population) était âgé d’au moins 65 ans. L’écart se creuse entre le nombre de personnes de ce groupe d’âge et celui des enfants âgés de 0 à 14 ans (15,4 % de la population).

En 2000, le Canada comptait 18 personnes âgées pour 100 personnes en âge de travailler. En 2022, ce ratio a grimpé à 29 personnes âgées pour 100 personnes en âge de travailler. De plus en plus de retraités dépendent des recettes fiscales générées par de moins en moins de travailleurs. La décision prise en 2016 d’abaisser l’âge d’admissibilité à la Sécurité de la vieillesse (SV) à 65 ans ajoutera, au fil du temps, une pression importante au cadre financier.

La façon dont nous réagissons — ou non — aux faiblesses du Canada en matière de productivité aura des conséquences profondes sur le niveau de vie des Canadiens aujourd’hui et dans les années à venir.


Si les décideurs politiques veulent réellement défendre les intérêts des travailleurs, ils doivent se poser la question suivante : pourquoi la croissance des revenus individuels s’est-elle arrêtée à des taux rarement observés au Canada en dehors des grandes récessions ?

La réponse est claire : il existe une corrélation directe entre la productivité et les revenus des Canadiens.

De 1945 à 1975, le salaire hebdomadaire moyen réel a doublé au Canada. Ceci est dû en grande partie grâce à l’amélioration de la productivité. Au rythme actuel, il faudrait environ quatre siècles pour réaliser cet objectif.

La croissance des salaires a largement décéléré en raison d’un ralentissement de la productivité du travail. Après ajustement à l’inflation, la rémunération hebdomadaire moyenne n’a augmenté que de 1,6 % entre janvier 2015 et janvier 2024, soit moins de 0,2 % par an. Il s’agit d’un changement considérable par rapport au taux de croissance de plus de 1,5 % par an dont les travailleurs canadiens ont bénéficié au cours des deux décennies précédentes.

Le Canada enregistre des excédents commerciaux dans les secteurs de l’agriculture, du bois, des minéraux, du pétrole et du gaz. En revanche, ses résultats sont médiocres dans les industries plus avancées sur le plan technologique. C’est là que les économies avancées rivalisent et innovent. C’est aussi là que les gains de productivité peuvent progresser rapidement et que les salaires sont plus élevés.

Les industries de pointe sont des secteurs caractérisés par des investissements importants dans la R&D, des niveaux élevés d’intégration technologique et une main-d’œuvre qualifiée. Elles comprennent généralement des industries — telles que l’énergie, l’aérospatiale, la biotechnologie, les technologies de l’information, la fabrication de pointe et la robotique — qui stimulent l’innovation et la croissance économique grâce à des technologies et des processus de pointe.

Comme le montre l’indice Hamilton de l’Information Technology and Innovation Foundation, basée aux États-Unis, le Canada est à la traîne dans les industries de pointe, derrière le Mexique en matière de production totale et de parts de marché mondiales, et la performance relative du pays est en baisse. Cette situation est le résultat d’une politique économique floue qui n’a pas réussi à établir un lien entre la recherche, l’innovation et l’amélioration de la productivité dans des secteurs particuliers où le Canada a la possibilité de devenir un chef de file mondial.

La compétitivité dans les industries de pointe — telles que la biotechnologie, l’aérospatiale, l’énergie et les technologies propres, ainsi que la fabrication de pointe — revêt une importance cruciale pour les économies modernes. Ces industries stimulent l’innovation et la productivité, ce qui favorise la croissance économique et la création d’emplois bien rémunérés. Elles garantissent la compétitivité mondiale en gagnant des parts de marché importantes et en attirant les investissements directs étrangers. En outre, elles renforcent la sécurité nationale en préservant l’autonomie stratégique et la résilience. Ces secteurs contribuent également à des avantages sociaux tels que les progrès en matière de soins de santé et l’amélioration des infrastructures, ce qui, en fin de compte, améliore la qualité de vie.

La piètre performance de l’économie canadienne ne peut être imputée à la mondialisation. Elle est plutôt le résultat d’un déficit d’innovation.

Le Canada dispose d’atouts considérables qui restent inexploités en cette période de concurrence accrue : il possède le capital humain et les ressources naturelles qui peuvent alimenter l’innovation et la croissance économique.

Si le Canada n’est pas compétitif à grande échelle dans les industries de pointe, il restera une économie peu innovante et, par conséquent, sa compétitivité mondiale continuera de s’affaiblir. Pour réussir, le pays doit se concentrer sur l’innovation dans les secteurs où il dispose d’un avantage comparatif, tels que l’énergie, l’agriculture, les infrastructures et la biotechnologie.


Le Canada peut être fier, à juste titre, de ses champions mondiaux dans les industries de pointe, mais ils ne sont tout simplement pas assez nombreux pour maximiser le potentiel économique du pays. Et rien n’indique que cela puisse changer de sitôt.

L’économie est trop dépendante de la consommation et souffre d’un manque d’investissements qui la rend beaucoup moins productive qu’elle ne devrait l’être.

L’approche politique actuelle favorise la recherche de rente et les secteurs manufacturiers à faible valeur ajoutée. La politique industrielle de recherche de rente mine la productivité et la compétitivité en encourageant les entreprises à rechercher des aides publiques au lieu de se concentrer sur l’innovation. Dans des industries comme le secteur automobile, le gouvernement fédéral a accordé d’importantes subventions aux entreprises étrangères, privilégiant souvent les usines de montage ou d,assemblage au détriment de la conception et du développement de technologies.. Cette manière de concevoir la politique industrielle, principalement par le biais de subventions, investit souvent dans des industries à la recherche de rente, et attire par inadvertance davantage de chercheurs de rente.

Les pays qui parviennent à améliorer leur performance économique le font généralement en se concentrant sur des avantages sectoriels — par exemple l’électronique en Corée du Sud, la fabrication manufacturière de pointe en Allemagne, les services financiers et la biotechnologie à Singapour, la cybersécurité en Israël, les produits pharmaceutiques en Suisse.

En revanche, la politique industrielle du Canada est mal définie et inefficace, accordant des subventions à des entreprises de divers secteurs et régions sans stratégie claire et ciblée. Ce manque d’orientation a par conséquent limité la productivité.

Plutôt que de poursuivre une approche fragmentée de la politique d’innovation, le Canada doit changer de cap et adopter un plan à long terme qui tire parti des atouts considérables du pays.

Une politique plus efficace consisterait à adopter une architecture scientifique et technologique moderne, conçue pour commercialiser les meilleures idées, tout en encourageant les talents et en finançant la recherche fondamentale et appliquée.

Une telle politique permettrait de promouvoir les secteurs du Canada qui présentent le plus grand potentiel, tels que l’énergie et les technologies énergétiques, les technologies agricoles, les infrastructures de pointe et la biotechnologie.

Elle permettrait également de tirer parti des avantages historiques d’un système d’immigration hautement qualifié. À l’heure actuelle, en accordant trop d’importance aux demandes immédiates du marché du travail et aux emplois faiblement rémunérés, le Canada risque de compromettre les avantages à long terme de l’attraction de talents hautement qualifiés.

La croissance économique est également entravée par un cadre réglementaire trop complexe et inefficace qui crée une imprévisibilité considérable, et par des obstacles au commerce intérieur qui étouffent les investissements et les capitaux. De plus, en privilégiant les petites entreprises et non les grandes, on limite le potentiel d’investissement à grande échelle des entreprises, y compris en matière de R&D.

Le pays perd du terrain en matière de compétitivité fiscale en raison de l’augmentation des impôts sur les sociétés et les particuliers, ce qui décourage les investissements productifs à long terme.

Le Canada a besoin d’un meilleur modèle de croissance.

ALIMENTER LES MOTEURS DE CROISSANCE

Le Canada dispose d’une occasion générationnelle de stimuler la productivité, les salaires et le niveau de vie pour les années à venir.

Il existe cinq pistons qui peuvent alimenter les moteurs de croissance économique :

  1. Devenir un chef de file mondial en matière de sécurité énergétique. Le Canada peut tirer parti de ses atouts en cette période d’incertitude géopolitique accrue et aider le monde à passer à une économie à faibles émissions de carbone. Le pays dispose de ressources naturelles abondantes et exploitées de manière responsable, d’une longueur d’avance dans le domaine de l’énergie nucléaire et de tous les éléments de la chaîne d’approvisionnement, ainsi que d’une possibilité réelle — mais pas indéfinie — dans le domaine des minéraux critiques.
  2. Tirer parti des atouts du Canada. La population, les capitaux et les idées du Canada peuvent faire du pays un acteur des principales industries de pointe — les prochaines frontières technologiques sur lesquelles les économies avancées se livreront une concurrence intense au cours des prochaines décennies. Le Canada devrait concevoir, et non assembler, les prochaines vagues de produits et de services dans les domaines de l’agriculture, de l’énergie, des infrastructures, des soins de santé, de l’informatique, de la microélectronique, de la biofabrication et de l’aérospatiale. L’innovation sera ainsi au cœur de la prospérité économique du pays.
  3. Supprimer les obstacles internes à la croissance. Le Canada doit cesser de se mettre des bâtons dans les roues en corrigeant un cadre réglementaire défaillant et en supprimant les obstacles au commerce intérieur. La réforme du processus réglementaire de délivrance des permis pour les projets d’énergie et d’infrastructure doit devenir une priorité urgente. Il est essentiel de construire les actifs physiques et la richesse qui rendront le pays plus prospère : produire plus d’électricité pour décarboniser et construire des projets de production d’énergie, y compris dans les domaines à fort potentiel tels que l’énergie nucléaire et géothermique.
  4. Élaborer un plan d’innovation coordonné. Le Canada peut choisir le pragmatisme économique plutôt que l’idéologie et se montrer stratégique dans l’utilisation des investissements publics. Les institutions doivent favoriser la croissance économique et les gouvernements doivent rejeter à la fois la politique industrielle axée sur la recherche de rente et la naïveté du marché libre. La planification économique pilotée par l’État des années 1970 et l’économie de l’offre des années 1980 ne sont pas la solution. Ces deux expériences ont échoué.
  5. S’associer au secteur privé. Le Canada peut choisir de mettre en place les partenariats public-privé nécessaires dans les industries de pointe pour stimuler l’innovation et la productivité. Le changement climatique et les impératifs de sécurité nationale ne disparaîtront pas. Le pays doit trouver le bon équilibre entre une intervention gouvernementale ciblée et le dynamisme du marché.

Mettre en place des assises solides

La réindustrialisation réintroduit le débat entre les capacités de production d’une économie et les prix à la consommation (laisser le marché produire un bien ou un service au moindre coût). La réindustrialisation vise à renforcer les capacités de production d’une économie, en mettant l’accent sur les capacités dynamiques telles que l’innovation, le progrès technologique et le développement d’une main-d’œuvre qualifiée. Cette approche vise à renforcer la sécurité économique et la compétitivité, et stimule la croissance économique en promouvant les secteurs de la fabrication et des services à forte valeur ajoutée.

En économie, une externalité positive est un effet secondaire bénéfique d’une activité économique qui profite à des tiers non liés, comme les gains sociaux résultant des progrès technologiques et médicaux. Les investissements dans la R&D, le développement des compétences et la conception des technologies procurent ces avantages, mais les entreprises sont confrontées à des risques et des coûts élevés. Pour compenser ces risques, une intervention ciblée des pouvoirs publics peut garantir des gains économiques généraux auxquels les entreprises individuelles ne donneraient peut-être pas la priorité. Les États-Unis utilisent ce modèle depuis des années avec l’approche DARPA, où le gouvernement finance des projets de recherche à haut risque et à haut rendement qui stimulent l’innovation technologique et la croissance économique, favorisant ainsi des avancées que les entreprises privées ne poursuivraient peut-être pas de manière indépendante.

Le Canada ne peut remédier à sa perte de compétitivité par le protectionnisme. L’imposition de tarifs douaniers entraînerait une perte supplémentaire de part de marché mondial.

En outre, des limitations importantes compliquent le rapatriement de la production dans des secteurs tels que l’automobile, où les décisions sont orientées par la réduction des coûts, l’expansion du marché et l’évolution des cycles de produits. En fin de compte, ces subventions énormes aboutissent à ce qui est essentiellement un « arbitrage » des coûts de main-d’œuvre.

Le seul domaine où l’arbitrage des coûts de main-d’œuvre est impossible est celui de la conception et du développement de la technologie. Contrairement à l’industrie manufacturière ou à d’autres industries à forte intensité de main-d’œuvre, la conception et le développement technologique ne peuvent pas être facilement externalisés à des marchés du travail à faible coût ou subventionnés afin de réaliser des économies. En effet, la conception et le développement de la technologie requièrent des compétences hautement spécialisées, de l’expertise et souvent un environnement de collaboration qui ne sont pas aussi facilement reproductibles dans les régions où le coût de la main-d’œuvre est moins élevé. La conception et le développement de technologies de haute qualité dépendent de l’accès à des talents de premier plan, à une recherche de pointe et à des écosystèmes d’innovation solides.

Il est évident que l’économie politique du moment dicte en partie les choix de politique industrielle. Le marché ne garantira pas à lui seul l’approvisionnement en biens stratégiques liés à la sécurité nationale. Les semi-conducteurs (puces électroniques) en sont un bon exemple. Aujourd’hui, nous sommes confrontés à d’importantes conséquences géopolitiques et économiques du fait d’avoir permis que 60% de la production mondiale de semi-conducteurs — un atout indispensable pour les économies nationales — soit concentrée entre les mains d’une seule entreprise à Taïwan, TSMC. De même, il est peu probable que les forces du marché permettent à elles seules de réaliser la décarbonation rapide de l’économie dont nous avons besoin. C’est pourquoi le gouvernement doit mettre en œuvre des incitations stratégiques et ciblées pour accélérer l’investissement privé dans les secteurs clés.


Au-delà des enjeux cruciaux que constituent la sécurité nationale et le changement climatique, le Canada est confronté à des obstacles croissants sur le plan du déploiement du capital privé. Au cours des dernières décennies, ces obstacles se sont intensifiés en raison d’un environnement réglementaire défaillant, marqué par l’imprévisibilité et l’incertitude, en particulier pour les grands projets. En outre, les investissements dans les infrastructures stratégiques telles que la production et la distribution d’énergie et le transport de marchandises dans les ports ont été insuffisants.

Le régime fiscal de moins en moins compétitif pour les investisseurs et les entreprises, associé à une politique industrielle inefficace qui soutient les secteurs non compétitifs, ne fait qu’aggraver le problème. Les obstacles internes au commerce restent très problématiques et entravent la croissance économique.

Les investissements des entreprises alimentent les gains de productivité et, sans réformes importantes visant à rendre les systèmes réglementaires et fiscaux plus efficaces et plus compétitifs, il sera difficile de faire bouger les choses.

Les récents changements apportés au régime fiscal canadien le rendent moins compétitif lorsqu’il s’agit d’encourager les investissements. Selon l’OCDE, si l’on tient compte de l’impôt sur les dividendes de sociétés appliqué au revenu des particuliers, l’impôt total sur les bénéfices distribués par les entreprises canadiennes est le plus élevé parmi les pays du G7.

La compétitivité fiscale est un élément clé pour retenir les talents au Canada et stimuler la prospérité économique. Un plan détaillé de réforme fiscale dépasse le cadre du présent document, mais il est primordial que la politique fiscale soit utilisée comme un outil pour favoriser l’innovation et la productivité. Cela signifie qu’il faut utiliser les incitations fiscales pour encourager les entreprises à investir dans la machinerie, l’équipement, la R&D et la PI.

Le Programme de la recherche scientifique et le développement expérimental (RS&DE), conçu pour inciter les entreprises à mener des activités de recherche et développement, présente de graves lacunes et doit être réformé. Le budget de 2018 a annoncé l’introduction de mesures d’amortissement accéléré, permettant aux entreprises d’amortir immédiatement le coût intégral de la machinerie et de l’équipement utilisés dans la fabrication et la transformation, ainsi que des investissements dans l’énergie propre, afin de stimuler l’investissement et la croissance économique. Le problème est que ces changements sont temporaires et qu’à partir de 2024, ils seront progressivement supprimés et complètement éliminés après 2027. Cela se traduira par une augmentation considérable des impôts sur les nouveaux investissements des entreprises.

Innovation, productivité et compétitivité

Même si les assises économiques sont mieux établies, elles ne suffiront pas nécessairement à insuffler un dynamisme économique.

Le ralentissement économique des dernières décennies ne doit pas se poursuivre. Pour changer de cap, l’économie canadienne doit devenir plus axée sur la technologie.

À cet égard, nous pouvons nous inspirer de l’économie schumpétérienne, nommée d’après feu l’économiste Joseph Schumpeter, qui met l’accent sur le rôle de l’innovation, de l’esprit d’entreprise et du changement technologique en tant que principaux moteurs de la croissance économique.

Les théories de Schumpeter sont résumées dans son concept de « destruction créatrice », qui décrit comment les nouvelles innovations remplacent les technologies et les modèles d’entreprise dépassés, stimulant ainsi le progrès économique.

L’évolution du modèle de la croissance exogène de Robert Solow vers la théorie de la croissance endogène de Paul Romer représente un changement important dans la compréhension de la croissance économique. Le modèle de Solow, introduit dans les années 1950, mettait l’accent sur l’accumulation du capital et le travail comme principaux moteurs de croissance, le progrès technologique étant considéré comme un facteur externe et inexpliqué nécessaire pour soutenir la croissance à long terme.

En revanche, la théorie de la croissance endogène de Paul Romer, élaborée à la fin des années 1980 et conforme au cadre schumpétérien, a placé l’innovation technologique et la création de connaissances au cœur du modèle, en affirmant que la croissance économique est principalement due à des facteurs internes à l’économie, tels que l’investissement en capital humain, la R&D et les politiques favorisant l’innovation. Ce changement a souligné que la croissance peut être soutenue par une innovation continue et des améliorations de la productivité.

Il est important de comprendre l’interaction entre l’innovation, la productivité et la compétitivité économique. L’innovation entraîne des gains de productivité qui, à leur tour, renforcent la compétitivité économique. Les nouvelles technologies et les nouveaux processus améliorent la productivité et créent de nouvelles industries. La croissance économique résulte d’innovations de produits (nouveaux biens et services), d’innovations de procédés (nouvelles façons de produire des biens et des services de manière plus efficace) et d’innovations de modèles d’entreprise (par exemple, Amazon transformant le commerce de détail par le biais du commerce électronique).

Les pressions concurrentielles favorisent l’innovation, créant ainsi un cycle d’amélioration et de croissance continues.

L’innovation et l’adoption de la technologie sont toutes deux essentielles au progrès économique. L’innovation stimule la création de nouvelles technologies et solutions, tandis que l’adoption garantit que ces innovations ont une incidence généralisée et significative. L’équilibre entre les deux est essentiel pour favoriser le développement durable et améliorer la qualité de vie.

L’application moderne de la science et de la technologie est la nouvelle frontière de la compétitivité économique. À l’avenir, les principaux moteurs de la compétitivité économique mondiale seront un ensemble d’innovations technologiques, de développement du capital humain, d’écosystèmes d’innovation solides et d’infrastructures de pointe. Les pays et les entreprises qui sauront exploiter efficacement ces moteurs et s’adapter à l’évolution de la dynamique mondiale seront les mieux placés pour prospérer dans l’économie mondiale compétitive de demain.

Comment le Canada peut s’imposer dans les industries de pointe

En fin de compte, le niveau de vie des Canadiens dépend de la capacité des entreprises canadiennes à vendre de manière compétitive des biens et des services aux autres pays, tout en payant des salaires plus élevés à leurs employés et en apportant des revenus importants aux gouvernements.

En termes simples, si le Canada ne produit pas suffisamment de biens et de services que les personnes à I’étranger veulent acheter, il lui sera plus difficile de maintenir un niveau de vie élevé et d’être compétitif à l’échelle mondiale.

La crise financière mondiale de 2008 a entraîné un grave ralentissement du commerce international. Les exportations du Canada ont fortement chuté et le pays a connu des déficits commerciaux en raison de la contraction de l’économie mondiale et de la baisse des prix des produits de base.

Le pétrole et le gaz ont joué un rôle crucial dans l’atténuation des déficits commerciaux du Canada. Sans ces exportations, le Canada aurait accusé des déficits commerciaux beaucoup plus importants, surtout lors des chutes des prix des produits de base et des ralentissements économiques.

Le Canada doit améliorer ses performances dans les industries de pointe, c’est-à-dire dans les secteurs où les principales économies sont à la fois compétitives et innovantes. Cet impératif s’étend au-delà de la fabrication de pointe pour inclure les services, d’autant plus que l’économie est de plus en plus alimentée par des biens immatériels tels que les données et la PI.

Les concurrents du Canada ne cessent de progresser, et il est donc essentiel que les décideurs politiques se concentrent sur l’efficacité des interventions gouvernementales et favorisent les partenariats public-privé qui permettront d’assurer la prospérité économique des générations futures.

La Information Technology and Innovation Foundation (ITIF), un groupe de réflexion américain, a soutenu à juste titre que les « capacités dynamiques » des entreprises sont essentielles pour stimuler la productivité :

« Les marchés ne conçoivent pas et ne produisent pas de voitures, ce sont les constructeurs automobiles qui le font. Les marchés n’ont pas inventé et commercialisé la biotechnologie ; ce sont les chercheurs universitaires et les entrepreneurs qui l’ont fait… Ce sont les capacités des entreprises qui permettent de réaliser ce que la société demande et ce dont elle a besoin : des augmentations rapides et importantes de la productivité, de l’innovation et de la compétitivité. C’est pourquoi une approche fondée sur les capacités est nécessaire. Mais il doit s’agir d’une approche dynamique des capacités, car les résultats économiques nécessaires à la société sont de nature dynamique. De nouvelles entreprises. De nouveaux produits. De nouveaux modèles d’entreprise. De nouveaux processus de production ».


La bonne nouvelle pour le Canada, c’est que d’autres pays ont réussi : Grâce au modèle d’innovation de la DARPA, les États-Unis sont une puissance technologique. Les Pays-Bas sont devenus une superpuissance agricole grâce à des investissements ciblés dans la R&D et l’innovation technologique. Taïwan a mis en place une feuille de route en matière d’innovation technologique qui lui a permis de dominer la conception et la production de semi-conducteurs sur les marchés mondiaux. L’Allemagne a joué un rôle de premier plan dans la transformation numérique de l’industrie manufacturière en adoptant des technologies telles que l’Internet des objets et l’IA.

Ce qui ressort clairement de tous ces exemples, c’est la nécessité d’une stratégie à long terme qui va au-delà d’un cycle électoral.    

Voici cinq mesures essentielles pour améliorer les performances du Canada dans les industries stratégiques de pointe :

1. En tant qu’économie de taille moyenne, le Canada doit être conscient des secteurs dans lesquels il peut être compétitif et disposer d’avantages comparatifs.

Pour mesurer le potentiel de l’avantage comparatif d’un pays dans un secteur particulier, il convient d’évaluer plusieurs mesures prospectives. Il s’agit notamment des tendances de croissance, des niveaux d’investissement, de la capacité d’innovation et de R&D, du développement du capital humain, des possibilités de marché, du paysage concurrentiel, de l’infrastructure et de l’environnement réglementaire. L’ensemble de ces mesures permet d’identifier les possibilités de croissance, la compétitivité future et la capacité à maintenir et à renforcer l’avantage comparatif au fil du temps.

Sur la base de ces mesures, le Canada dispose d’atouts, mais d’un potentiel inexploité dans les principaux secteurs de pointe.

Le Canada peut s’imposer dans le domaine de l’énergie et des technologies énergétiques grâce à ses atouts :

  • Des ressources énergétiques diversifiées : Le Canada est riche d’une variété de ressources énergétiques produites de manière responsable, notamment le pétrole, le gaz naturel, l’hydroélectricité, le nucléaire, l’éolien, le solaire et la biomasse. Cette diversité permet au Canada de maintenir un portefeuille énergétique équilibré et résilient.
  • L’énergie nucléaire : Chef de file mondial dans le domaine de la technologie nucléaire, le Canada dispose de vastes ressources en uranium, principalement situées en Saskatchewan, qui lui permettent de fournir du combustible à la fois pour la consommation nationale et pour l’exportation internationale. Alors que le Canada cherche à atteindre ses objectifs en matière d’énergie propre, les progrès de la technologie nucléaire, tels que les petits réacteurs modulaires (PRM), offrent de nouvelles possibilités.
  • L’innovation et l’application de stratégies de décarbonation : Le Canada a le potentiel de devenir un pionnier dans la réduction du méthane et le captage et le stockage du carbone.
  • Les énergies renouvelables : Le Canada dispose d’un énorme potentiel d’expansion de sa capacité en matière d’énergies renouvelables. Avec de vastes étendues de terres propices aux parcs éoliens et solaires, des côtes permettant d’exploiter l’énergie marémotrice, d’importantes ressources en biomasse et une énergie hydroélectrique bien établie, le Canada peut continuer à développer son secteur des énergies renouvelables pour répondre aux demandes futures et réduire les émissions de gaz à effet de serre.
  • Le gaz naturel : Le Canada dispose d’abondantes réserves de gaz naturel, qui peuvent servir de combustible de transition alors que le pays s’oriente vers un avenir énergétique plus durable.
  • L’énergie géothermique : Le Canada dispose d’un important potentiel d’énergie géothermique, en particulier dans des régions telles que la Colombie-Britannique et l’Alberta. Le développement de l’énergie géothermique peut constituer une source d’énergie fiable et durable, contribuant au bouquet énergétique du Canada.

Le Canada peut s’imposer dans le domaine des infrastructures de pointe :

Les infrastructures de pointe comprennent les systèmes de transport intelligents (trains à haute vitesse), les communications de pointe (réseaux 5G), les systèmes d’énergie durable (réseaux intelligents, solaire, éolien, hydro, nucléaire), la gestion de l’eau et des déchets, les infrastructures numériques (systèmes de cybersécurité, services infonuagiques), les infrastructures publiques (installations de soins de santé de pointe, télémédecine et systèmes d’information sanitaire).

Le secteur des infrastructures de pointe est prêt à croître, soutenu par des investissements substantiels dans les transports et la connectivité numérique. Les investissements dans les technologies et les solutions d’infrastructures durables stimulent l’innovation. L’intérêt mondial croissant pour les infrastructures durables et résilientes représente une occasion pour le Canada d’exporter son expertise et ses technologies dans ce domaine.

Le Canada peut s’imposer dans le domaine des technologies agricoles :

La forte demande mondiale pour les produits agricoles canadiens, notamment les céréales, le bétail et les cultures spécialisées, offre au secteur agricole canadien d’importants débouchés. L’abondance des terres arables, les ressources en eau douce et les conditions climatiques favorables du Canada renforcent encore son potentiel. Des avantages concurrentiels pour plusieurs produits agricoles, une infrastructure bien développée pour le transport et l’exportation, et des politiques de soutien à l’agriculture durable contribuent aux forces du secteur.

Le secteur a connu une croissance de la production et de la productivité, grâce à l’agriculture de précision et aux biotechnologies. On observe une hausse des investissements dans les technologies et les infrastructures agricoles, soutenus par une solide base de R&D dans les domaines de la génétique des cultures, de la lutte contre les ravageurs et des pratiques agricoles durables. Le Canada devrait tirer davantage parti de ses atouts, notamment dans les domaines de l’agriculture de précision, de la robotique et l’automatisation, de l’analyse des données et l’IA, de l’agriculture verticale et de l’agriculture d’intérieur.

Le Canada peut s’imposer dans le domaine des matériaux de pointe :

Le Canada dispose d’un potentiel important dans le domaine des matériaux de pointe grâce à sa base de ressources et à ses solides capacités de recherche. La croissance des industries nécessitant des matériaux de pointe, telles que l’aérospatiale, l’automobile et la construction, stimule la demande. Les investissements dans le développement et la commercialisation de matériaux de pointe, y compris les nanomatériaux et les composites, sont en hausse. La demande mondiale croissante de matériaux de pointe représente une occasion pour le Canada d’exporter des matériaux et des technologies de pointe. Grâce à la richesse de ses ressources naturelles en matières premières, à son avantage concurrentiel en matière d’exploitation minière et de traitement, et à son expertise en science des matériaux, le Canada fait bonne figure dans ce domaine.

Le Canada peut s’imposer dans le domaine de la biotechnologie :

S’appuyant sur la mise au point de vaccins à ARNm, la biotechnologie continuera à faire progresser la médecine personnalisée par le biais de tests génétiques, de la thérapie génique et de produits biopharmaceutiques. Elle pourrait conduire à des traitements plus ciblés pour des maladies telles que le cancer. Elle permettra d’améliorer le rendement des cultures et de mettre au point des plantes résistantes à la sécheresse.

Le secteur canadien de la biotechnologie présente un potentiel important grâce à une R&D robuste, à une main-d’œuvre qualifiée et à des investissements substantiels. La croissance des biotechnologies médicales, agricoles et environnementales est soutenue par de solides institutions de recherche.

2. La stratégie du Canada en matière de talents doit inclure l’immigration hautement qualifiée

Les économistes ont observé que les humains sont uniques parmi les espèces dans leur capacité à créer de nouvelles connaissances, et c’est cette accumulation de connaissances qui propulse la croissance économique.

L’éducation et les talents sont les pierres angulaires de la croissance économique, car ils favorisent l’innovation, augmentent la productivité et renforcent l’avantage concurrentiel d’un pays. Une main-d’œuvre bien formée et qualifiée stimule les avancées technologiques. Les investissements dans l’éducation et le développement des talents créent une main-d’œuvre qualifiée capable de soutenir et d’accélérer le développement économique, garantissant ainsi la prospérité et la résilience à long terme dans une économie mondiale.

Le développement des technologies de pointe est un projet hautement compétitif et orienté vers l’avenir. La Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA) des États-Unis et la Fraunhofer-Gesellschaft allemande sont deux exemples internationaux de réussite dans ce domaine. Ces organisations encouragent les entreprises des secteurs essentiels à établir des objectifs technologiques à long terme au moyen de feuilles de route clairement définies qui présentent leur vision et leurs plans stratégiques pour des avancées technologiques essentielles.

La réalisation de ces objectifs repose sur des talents de R&D de calibre mondial, capables d’apporter des solutions novatrices à des défis industriels importants. Cela nécessite une stratégie globale en matière de talents axée sur les domaines STIM (sciences, technologie, ingénierie et mathématiques), notamment la création et l’expansion de programmes de formation aux compétences industrielles de pointe et de programmes d’excellence de troisième cycle dans les universités à forte intensité de recherche. Actuellement, la politique d’immigration du Canada semble trop axée sur la satisfaction des besoins immédiats du marché du travail, notamment en remédiant aux graves pénuries de main-d’œuvre peu qualifiée et faiblement rémunérée qui sont apparues depuis la pandémie dans des secteurs tels que l’hébergement et la restauration. La stratégie fédérale actuelle en matière d’immigration a augmenté l’offre de main-d’œuvre au Canada, mais elle s’est traduite par une forte augmentation du nombre de résidents temporaires.

Historiquement, le système d’immigration canadien a bien fonctionné grâce au système de points dans le cadre d’Entrée express pour évaluer les candidats. Il donne la priorité à ceux qui ont un niveau d’études supérieur, une expérience professionnelle, des compétences linguistiques et d’autres facteurs qui contribuent à leur contribution économique potentielle. Cette orientation économique garantit que le système accorde la priorité aux travailleurs qualifiés, aux professionnels et aux entrepreneurs, permettant ainsi aux nouveaux arrivants de contribuer positivement au marché du travail et à l’économie.

Une recommandation tirée d’un rapport récent de RBC est pertinente :

« Le gouvernement fédéral doit réactualiser ses politiques d’immigration afin de mettre plus stratégiquement l’accent sur les retombées pour les immigrants ainsi que sur les besoins structurels à long terme du marché du travail, tout en gardant à l’esprit la capacité des infrastructures, s’agissant de répondre aux besoins des nouveaux arrivants. Il est essentiel d’agir en ce sens pour maintenir la prospérité économique à long terme et préserver la qualité de vie élevée qui prévaut au Canada. »

Pour favoriser la croissance économique, il est essentiel de mettre en œuvre une politique d’immigration robuste. L’immigration économique stimule l’innovation et l’esprit d’entreprise, contribuant ainsi de manière importante au dynamisme économique. Une politique d’immigration bien structurée est nécessaire pour favoriser une économie plus dynamique et axée sur la technologie.

3. Le Canada a besoin d’une nouvelle architecture scientifique et technologique pour l’ère moderne afin de rivaliser dans les secteurs stratégiques

L’architecture scientifique et technologique (S&T) actuelle du Canada ne produit pas d’innovation au même rythme que les pays pairs. Les Américains, les Allemands, les Sud-Coréens, les Israéliens et les Néerlandais, pour n’en citer que quelques-uns, ont compris depuis longtemps la contribution fondamentale de leurs institutions publiques de R&D et l’importance de la coordination dans leurs écosystèmes.

Le Canada doit se concentrer sur la manière de transformer, par le biais de mécanismes et d’incitations, le capital intellectuel (R&D publique) en R&D privée et, en fin de compte, en innovation et en croissance économique. Pour ce faire, le pays doit créer et mettre en place des ponts et des institutions de collaboration entre les secteurs public et privé.

Cette approche est à la base du modèle ARPA aux États-Unis, qui a été appliqué avec succès dans des secteurs tels que la défense (DARPA), l’énergie (ARPA-E), la recherche biomédicale (BARDA) et, plus récemment, la santé (ARPA-H). Elle constitue également le fondement des instituts allemands Max Planck et Fraunhofer, du modèle français LabEx et du modèle de R&D public-privé aux Pays-Bas — un pays dont la taille équivaut à la moitié de celle du Nouveau-Brunswick et qui est pourtant le deuxième exportateur mondial de produits agricoles.

Le Canada a besoin d’une incarnation moderne de ce qui était autrefois les laboratoires d’entreprise dans ses industries innovantes — où la recherche industrielle menée en collaboration avec les gouvernements, les universités et les entreprises a donné lieu à une véritable innovation à grande échelle dans l’économie.

Une nouvelle agence pour les projets de recherche avancée permettrait de stimuler les percées technologiques et l’innovation, et de renforcer la compétitivité économique.

Dans une récente étude évaluant la politique industrielle américaine au cours des cinquante dernières années, le Peterson Institute for International Economics a déclaré :

« Le soutien à la R&D publique et privée a été de loin le mode de politique industrielle le plus efficace. L’une des raisons est la force des États-Unis, soutenus par de grandes universités, en matière d’efforts de recherche. Une autre raison est la tradition américaine qui consiste à donner une marge de manœuvre et un soutien aux scientifiques dans la poursuite d’un même objectif (missions). Une troisième raison pour la R&D publique est la pratique consistant à permettre aux entreprises privées de commercialiser les résultats, généralement avec des redevances modestes ou inexistantes pour le gouvernement ».

4. Les décideurs politiques doivent mieux comprendre les rentes économiques dans une économie de plus en plus immatérielle

Comme l’explique le rapport Une nouvelle étoile polaire, l’économie mondiale est de plus en plus alimentée par des biens immatériels, et les pays qui sauront les exploiter seront les plus compétitifs. Les biens immatériels comprennent des actifs tels que les logiciels, les brevets, les marques et le capital humain.

Dans une économie immatérielle, les droits de PI tels que les brevets, les droits d’auteur, les marques et les secrets commerciaux sont des sources cruciales de rentes économiques. Les entreprises qui détiennent des droits de PI précieux peuvent percevoir des rentes importantes en octroyant des licences à des tiers pour leurs inventions ou leurs créations, ce qui leur confère un avantage concurrentiel et la possibilité de dominer leur marché.

Les plateformes et les écosystèmes qui bénéficient d’effets de réseau — où la valeur du réseau augmente avec le nombre d’utilisateurs — sont également source de rentes économiques. Les plateformes de médias sociaux, les marchés en ligne et les écosystèmes de logiciels sont en mesure de devenir des acteurs dominants dans la capture de rentes en tirant parti de leurs vastes bassins d’utilisateurs et de leurs effets de réseau pour attirer les annonceurs, percevoir des redevances ou monétiser les données des utilisateurs. À l’ère numérique, les données sont devenues un actif précieux.

Les entreprises qui collectent et analysent de grands ensembles de données peuvent en tirer des rentes économiques grâce à des informations qui permettent de prendre des décisions commerciales, d’améliorer les produits ou d’enrichir l’expérience des clients. Les algorithmes et les analyses exclusives permettent également de générer des rentes économiques.

La valeur et les rentes économiques liées à la conception d’un iPhone dépassent de loin celles liées à son assemblage. La conception implique des activités à forte valeur ajoutée telles que la R&D, le développement de logiciels et la gestion de la marque, qui procurent d’importantes rentes économiques grâce à la propriété intellectuelle, au pouvoir de la marque et au contrôle de l’écosystème. En revanche, l’assemblage d’un iPhone implique des activités à faible valeur ajoutée, à forte intensité de main-d’œuvre, avec de minces marges bénéficiaires et des rentes économiques limitées. La capacité d’Apple à s’approprier une part substantielle de la valeur de l’iPhone grâce à l’innovation, à la force de la marque et aux technologies propriétaires souligne la disparité importante des rentes économiques entre la conception et l’assemblage d’un produit.

Si l’on prend l’exemple de l’industrie automobile, le Canada doit décider s’il veut jouer un rôle de premier plan dans la conception de la prochaine génération de batteries ou se contenter d’accorder des subventions aux entreprises étrangères pour qu’elles assemblent les produits. Quelle approche favorisera réellement l’innovation, la productivité et la compétitivité ?

La stratégie de la Californie qui privilégie le développement technologique, l’innovation et l’industrie manufacturière à forte valeur ajoutée a entraîné une plus grande prospérité économique, une plus grande richesse et des salaires plus élevés que celle du Michigan qui se concentre sur l’industrie manufacturière traditionnelle. Pour obtenir un succès semblable, le Canada devrait adopter une approche avant-gardiste qui favorise le progrès technologique et la production à haute valeur ajoutée.

5. 4) La politique d’innovation actuelle du Canada nécessite des réformes structurelles

La réforme de la politique d’innovation se heurte à quatre obstacles structurels :

  1. L’augmentation du PIB par habitant : Cet objectif est plus important que la création et le maintien d’emplois, car il reflète l’augmentation de la productivité et de l’efficacité économique, qui sont essentielles à l’amélioration du niveau de vie général. Cela nécessite une stratégie à long terme et une planification stratégique de la conception et du développement de la technologie pour les secteurs industriels de pointe.
  2. L’emprise politique sur la politique industrielle : La volonté politique de répartir les ressources financières entre tous les secteurs et toutes les régions n’est pas efficace compte tenu de la taille relativement petite du Canada. Elle ne produit pas le résultat escompté, à savoir une croissance économique supérieure, même à l’échelle régionale. Subventionner des entreprises dont les retombées économiques sont limitées s’avère nettement moins avantageux que de développer les talents et la force de la R&D dans les industries de pointe. En matière de propriété intellectuelle, le Canada ne protège pas la valeur de ses idées avec autant de vigueur que les pays concurrents.
  3. La sclérose académique et bureaucratique et les obstacles à l’accès : Le modèle actuel de financement de la S&T est dépassé et n’est pas adapté à l’échelle et à la portée des défis actuels : changement climatique, pandémies, innovation technologique et sécurité nationale. En général, les incitations financières des conseils subventionnaires au niveau universitaire n’encouragent pas la prise de risque et le développement de technologies performantes. Il n’y a pas ou très peu de recherche axée sur la résolution de problèmes industriels.
  4. Manque de coordination : Tous les organismes « d’innovation » sous la responsabilité du gouvernement fédéral — qu’il s’agisse de la Fondation canadienne pour l’innovation, de Mitacs, de la Banque de développement du Canada, d’Exportation et développement Canada, des agences de développement régional, des conseils subventionnaires ou du Conseil national de recherches — travaillent indépendamment les unes des autres. Leur incidence est limitée dans les domaines où ils sont le plus nécessaires, à savoir les industries stratégiques et de pointe.

Conclusion

La croissance économique par habitant n’est pas une fin en soi, c’est un moyen d’atteindre d’autres objectifs. Elle permet d’augmenter les salaires des travailleurs, d’élever le niveau de vie et de financer des programmes sociaux, y compris la prise en charge des personnes les plus vulnérables de notre société.

Mais nous ne pouvons pas redistribuer ce que nous ne produisons pas, et c’est pourquoi le Canada doit impérativement stimuler les moteurs de croissance.

Les décideurs politiques ne peuvent pas continuer à proposer des mesures sporadiques, provisoires, et inefficaces qui font pencher l’économie vers une augmentation de la consommation et une diminution de la production.

Plus important encore, la politique budgétaire doit être utilisée judicieusement pour stimuler la capacité de production dans les secteurs de pointe, et non pour fournir des subventions aux entreprises ou mener une politique industrielle axée sur la recherche de rente. Une architecture moderne de S&T, avec des investissements ciblés dans les talents, la R&D, l’innovation et l’adoption de la technologie dans les industries avancées sur le plan technologique, pourrait permettre de réaliser davantage de gains de productivité à un coût bien inférieur au montant actuellement consacré à des programmes et structures d’innovation à motivation politique.

Le Canada ne peut parvenir à la prospérité à coups d’emprunts publics. L’augmentation des déficits et de la dette entraînera forcément des réductions de programmes et des hausses d’impôts. Celles-ci devront être assumées par les générations futures, dont les gouvernements devront assurer le service d’une dette plus importante et plus lourde, au détriment de toutes les missions importantes de l’État.

Un véritable partenariat est nécessaire entre les secteurs public et privé pour favoriser la croissance économique. Les entreprises et les investisseurs doivent avoir confiance dans les fondamentaux macroéconomiques du Canada, y compris dans la simplicité et la prévisibilité de la réglementation. Les gouvernements doivent comprendre qu’ils ne peuvent pas microgérer une économie de marché et les entreprises doivent accepter que la nouvelle ère de l’économie politique est là pour de bon. La sécurité nationale et le changement climatique font désormais partie intégrante du cadre économique.

Enfin, il existe un lien direct entre l’innovation, la productivité et la compétitivité. À l’heure où les tensions géopolitiques et commerciales s’exacerbent, le choix de ne pas être compétitif à grande échelle dans les industries de pointe ne fera qu’aggraver les déficits d’innovation et de productivité. Il en résultera une baisse des salaires et du niveau de vie des travailleurs canadiens et de leurs familles. Les décideurs politiques doivent reconnaître que la conception et le développement de technologies dans les industries de pointe donnent toujours des résultats économiques supérieurs à ceux d’une stratégie économique de succursale à faible valeur ajoutée.

L’heure est grave et le progrès est un choix politique.

Le Canada est un pays aux possibilités et au potentiel économiques illimités. Il a une occasion générationnelle d’alimenter les moteurs de croissance au profit de tous les Canadiens.

Dix-sept recommandations concrètes au gouvernement fédéral pour alimenter les moteurs de croissance

Initiatives en matière de productivité :

  1. Placer la croissance du PIB par habitant et la productivité en tête des priorités du gouvernement et demander aux principales institutions fédérales — telles que le ministère des Finances et le Bureau du Conseil privé — d’en faire des éléments centraux de leur mandat.
  2. Lancer un examen interministériel complet de tous les programmes de politique industrielle afin d’évaluer leur efficacité à augmenter la productivité et la croissance du PIB par habitant.
  3. Entreprendre une révision complète du système fiscal afin de mieux encourager les investissements du secteur privé et de stimuler les salaires.
  4. Rationaliser le financement des infrastructures et créer un fonds d’infrastructure de pointe axé sur des projets d’amélioration de la productivité tels que les ports, la production d’électricité et l’adaptation au climat.
  5. Mettre en place un programme national de recyclage d’actifs, en s’inspirant du modèle australien, afin d’identifier et de privatiser les actifs publics qui s’y prêtent. Les recettes devraient être réinvesties de manière stratégique dans des projets d’infrastructure hautement prioritaires afin de stimuler la croissance économique. Ce programme devrait garantir la transparence et un engagement solide des parties prenantes à tous les niveaux, préserver l’intérêt public et maintenir la qualité des services.
  6. Mettre en œuvre un processus fédéral-provincial harmonisé d’évaluation environnementale pour les projets d’importance stratégique nationale.
  7. Réformer le Programme de la recherche scientifique et du développement expérimental (RS&DE) afin d’offrir des taux préférentiels aux secteurs à forte concentration de R&D et de fournir des incitatifs continus aux entreprises innovantes pour qu’elles investissent dans la R&D à long terme.

Être compétitif dans les industries de pointe :

  1. Effectuer des analyses industrielles complètes et développer une stratégie d’innovation à long terme pour les industries de pointe où le Canada dispose d’un avantage comparatif, comme l’énergie et les technologies énergétiques, les technologies agricoles, les infrastructures de pointe et la biotechnologie. Le gouvernement devrait procéder à une analyse concurrentielle détaillée de ces industries.
  2. Pour chaque secteur ciblé, élaborer une feuille de route décennale de partenariat public-privé axée sur les talents, la R&D et la conception, le développement et l’adoption de technologies. Mettre en œuvre des stratégies précises adaptées aux besoins de chaque secteur critique.
  3. Veiller à ce que l’ensemble des politiques, programmes et pratiques du gouvernement fédéral soient stratégiquement alignés pour soutenir et améliorer l’innovation, la productivité et la compétitivité du Canada dans ces secteurs essentiels.

Architecture et développement de la science et de la technologie (S&T) :

  1. Créer une agence canadienne pour les projets de recherche avancée (CARPA) sur le modèle de l’ARPA américaine, avec des volets consacrés à l’énergie, à la technologie agricole, à la biotechnologie et à l’infrastructure de pointe. Cette agence devrait faire avancer et commercialiser la recherche essentielle aux capacités industrielles de pointe du Canada, s’assurer que la recherche est stratégiquement alignée sur les défis industriels des industries canadiennes et établir un cadre d’approvisionnement spécialisé adapté à la mission de la CARPA qui consiste à encourager la R&D à haut risque et à haut rendement. Cette fonction d’approvisionnement spécialisée devrait se concentrer sur l’acquisition de technologies et de produits innovants qui résultent des projets soutenus par la CARPA, assurant ainsi une transition de l’innovation à l’application sur le marché.
  2. Transformer des institutions clés comme le ministère de l’Innovation, de la Science et du Développement économique et le Conseil national de recherches (CNRC) en organismes de S&T de pointe. Cela devrait impliquer une rationalisation importante des structures organisationnelles afin de se concentrer sur l’innovation technologique et d’améliorer la collaboration avec l’industrie.
  3. Mettre en place un mécanisme de coordination robuste qui harmonise et intègre les efforts d’entités telles que la Fondation canadienne pour l’innovation, Mitacs, la Banque de développement du Canada, Exportation et développement Canada, les agences de développement régional, les conseils subventionnaires et le CNRC. En veillant à ce que ces organismes fonctionnent en synergie dans un cadre central, l’efficacité des efforts d’innovation du Canada dans les secteurs clés sera renforcée.
  4. Remplacer le Bureau de la Conseillère scientifique en chef par un nouveau bureau de la politique scientifique et technologique du Conseil privé, sur le modèle du Bureau de la politique scientifique et technologique de la Maison‑Blanche aux États-Unis.

Développement des talents :

  1. En collaboration avec les gouvernements provinciaux, soutenir les initiatives visant à maintenir et à renforcer le vivier de talents dans le domaine des STIM, notamment en développant les programmes d’études supérieures dans des domaines tels que la microélectronique, l’IA, l’ingénierie, l’informatique et la génomique.
  2. En collaboration avec les gouvernements provinciaux, élargir les programmes d’éducation et de formation pour inclure des compétences industrielles de pointe, en préparant les étudiants et les travailleurs à des rôles de fabrication modernes.
  3. Concevoir des politiques d’immigration qui donnent la priorité à la croissance économique à long terme plutôt qu’aux besoins en main-d’œuvre à court terme. Cette stratégie permettra de maintenir l’offre de talents hautement qualifiés, essentiels à la croissance de la productivité.

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Analyse des points d’ancrage budgétaires du gouvernement fédéral https://www.thebusinesscouncil.ca/fr/rapport/analyse-des-points-dancrage-budgetaires-du-gouvernement-federal/ Mon, 22 Jan 2024 21:21:43 +0000 https://thebusinesscouncil.ca/?post_type=report&p=18499 Bref historique des points d’ancrage budgétaires depuis 2020 Dans son premier Énoncé économique de l’automne (EEA) en tant que ministre des Finances en 2020, Chrystia Freeland a présenté un nouveau « garde-fou » budgétaire. Il visait à ancrer les dépenses du gouvernement […]

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Bref historique des points d’ancrage budgétaires depuis 2020

Dans son premier Énoncé économique de l’automne (EEA) en tant que ministre des Finances en 2020, Chrystia Freeland a présenté un nouveau « garde-fou » budgétaire. Il visait à ancrer les dépenses du gouvernement aux résultats du marché du travail. Le « garde-fou » indiquerait au gouvernement quand réduire les dépenses de stimulation post-COVID-19. Lorsque le marché du travail s’est redressé beaucoup plus rapidement que prévu, le point d’ancrage a rapidement disparu.

Dans le Budget de 2022, la baisse du ratio de la dette au PIB a été réintroduite en tant que point d’ancrage budgétaire du gouvernement. Mais en 2022-2023, le ratio a augmenté, et non diminué. Ce sera probablement à nouveau le cas pour 2023-2024.

Dans l’EEA de novembre dernier, le gouvernement fédéral a annoncé qu’il se concentrerait désormais sur les objectifs budgétaires suivants dans le cadre de la préparation du Budget de 2024 :

  • Maintenir le déficit 2023-24 à un niveau égal ou inférieur à la projection du Budget de 2023 de 40,1 milliards de dollars.
  • Réduire le ratio de la dette au PIB par rapport à l’EEA 2023, et le garder sur une trajectoire descendante par la suite.
  • Maintenir un ratio du déficit au PIB sur une trajectoire descendante en 2024-25 et garder les déficits en dessous de 1 % du PIB en 2026-27 et dans les années à venir.

Implications budgétaires de la réalisation de l’objectif d’un pour cent du PIB en 2026-2027

Selon l’EEA 2023, le PIB nominal du Canada devrait s’élever à 3 200 milliards de dollars en 2026, ce qui impliquerait que le déficit ne dépasserait pas 32 milliards de dollars pour atteindre l’objectif de 1 % fixé par le gouvernement.

Afin de déterminer si le chiffre de 1 % du PIB pour le déficit est un objectif budgétaire réaliste pour 2026, nous présentons dix observations:

  1. Entre 2017 et 2022, le gouvernement fédéral a enregistré des déficits représentant en moyenne 1,4 % du PIB, après correction des fluctuations de l’activité économique.

  2. Du budget 2016-2017 (le premier budget du gouvernement Trudeau) au budget 2023-2024, les projections de dépenses sont passées de 291 milliards de dollars pour 2016-2017 à 496 milliards de dollars pour 2023-2024, soit de 14,6 % du PIB à 17,3 % du PIB.

  3. Dans le budget 2016-2017, l’écart entre les recettes et les projections de dépenses pour 2016-2017 était de 0,2 % du PIB (recettes de 14,4 % du PIB contre dépenses de 14,6 % du PIB). Cet écart a atteint 1,4 pour cent du PIB pour 2023-2024 dans le budget 2023-2024 (recettes de 15,9 pour cent contre dépenses de 17,3 pour cent).

  4. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement fédéral n’a réussi à enregistrer un déficit inférieur à 1 % du PIB qu’à deux reprises lorsque les dépenses dépassaient le seuil de 17 %. C’était entre 1996 et 1998, tout au début d’une période de dix ans d’assainissement budgétaire. En fait, les déficits ont atteint en moyenne plus de 4 % du PIB au cours des années où les dépenses ont dépassé 18 % du PIB.

  5. Les projections de dépenses de ce gouvernement ont été extrêmement peu fiables sur la période de prévision de cinq ans. Bien que le gouvernement continue d’afficher un déficit en baisse, tant en valeur nominale qu’en matière du ratio de la dette au PIB, la réalité est plus complexe.

Projections de dépenses (milliards de dollars)

Exercice financierEEA 2023EEA 2022Budget de 2022Différence entre B2022 et EEA 2023
2023-2024 496.3493.1436.759.7
2024-2025 521.9504.8441.680.3
2025-2026 540.7515.3453.986.8
2026-2027554.5523.7461.593

Comme le montre ce tableau, 319,8 milliards de dollars de nouvelles dépenses ont été ajoutés au cadre budgétaire sur quatre exercices financiers, du budget d’avril 2022 à l’Énoncé économique de l’automne de novembre 2023. En moins de deux ans, les projections de dépenses ont considérablement augmenté.

Ce montant serait beaucoup plus élevé si l’on remontait plus loin dans le temps.

Par exemple, dans le Budget de 2019, le gouvernement a prévu 429 milliards de dollars de dépenses totales pour 2024-2025. Toutefois, dans l’Énoncé économique de l’automne de novembre dernier, les dépenses prévues pour 2024-2025 sont passées à 522 milliards de dollars, soit une différence de 101 milliards de dollars.

  1. Le gouvernement est confronté à d’importantes pressions en matière de dépenses pour l’avenir. Tout d’abord, l’entente de soutien et de confiance entre le Parti libéral et le NPD comprend un engagement en faveur d’un programme national d’assurance-médicaments dont le coût annuel pourrait s’élever à 18 milliards de dollars. Deuxièmement, le Canada est confronté à d’importants vents contraires démographiques qui auront des répercussions sur les coûts de la Sécurité de la vieillesse et des soins de santé. À cette liste s’ajoutent des pressions réelles sur les dépenses de défense, la transition énergétique et la politique industrielle, la R&D publique, ainsi que la réconciliation autochtone. Il est peu probable que le gouvernement puisse ignorer l’une ou l’autre de ces grandes questions politiques. En outre, il ne faut pas oublier le crédit d’impôt à la production accordé aux constructeurs automobiles pour la fabrication de nouveaux VE. Lorsque la production augmentera dans quelques années, des milliards de dollars de crédits seront versés.

    Toutes choses égales par ailleurs, les coûts relatifs du gouvernement seront plus élevés au fur et à mesure que nous progresserons.

  2. Les coûts du service de la dette resteront prohibitifs pendant un certain temps. Le service de la dette absorbe déjà 10,2 % des recettes totales du gouvernement. Il convient de noter qu’il s’agit d’une dette antérieure. Pour l’exercice financier en cours, le gouvernement devrait dépenser plus de 46 milliards de dollars rien que pour le service de la dette. Pour mettre les choses en perspective, le service de la dette cette année est inférieur de seulement 3 milliards de dollars au montant que le gouvernement verse aux provinces et aux territoires au titre des transferts en matière de soins de santé.

  3. Les prévisions économiques sont sombres. Jusqu’à présent, le Canada a évité la récession en grande partie grâce à la croissance démographique liée à l’immigration. Mais une récession est toujours possible. Les contraintes économiques qui nous attendent ne sont pas anodines : le PIB réel par habitant devrait reculer pour le sixième trimestre consécutif et la productivité reste un talon d’Achille pour le Canada. Il est peu probable que les recettes du gouvernement fédéral augmentent en raison d’une croissance économique plus forte que prévu pour la période de prévision économique de cinq ans.

  4. Les Canadiens doivent savoir que la capacité du gouvernement à tenir sa nouvelle promesse de maintenir les déficits en dessous de 1 % du PIB en 2026-27 et les années suivantes nécessiterait un changement de cap important et des décisions difficiles. À l’heure actuelle, le déficit est de 1,4 % du PIB. En supposant que le gouvernement n’introduise aucune nouvelle taxe et que la croissance économique reste faible, comme l’estiment la Banque du Canada et les organisations internationales, une réduction de 0,4 % implique des réductions de dépenses d’au moins 12 milliards de dollars par an, soit environ 50 milliards de dollars sur quatre ans. N’oubliez pas que depuis l’entrée en fonction du gouvernement Trudeau, les dépenses ont augmenté de plus de 5 % par an.

  5. Les événements imprévus représentent toujours un risque important pour les planificateurs budgétaires. Ces dernières années, nous avons connu une pandémie mondiale, des conditions météorologiques extrêmes, deux guerres et diverses menaces géopolitiques. La prudence financière est essentielle pour aider le Canada à se préparer à l’imprévu.

Conclusion

Le bilan de Trudeau-Freeland en matière de garde-fous ou de points d’ancrage budgétaires en dit long. Depuis 2020, le gouvernement fédéral n’a jamais atteint un objectif budgétaire qu’il s’était imposé.

Pour les raisons énumérées ci-dessus, il est très peu probable qu’il atteigne son nouveau point d’ancrage de 1 % de déficit par rapport au PIB en 2026 et dans les années à venir.

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Le Canada au cœur du renouveau énergétique https://www.thebusinesscouncil.ca/fr/rapport/le-canada-au-coeur-du-renouveau-energetique/ Wed, 29 Nov 2023 13:00:00 +0000 https://thebusinesscouncil.ca/?post_type=report&p=17922 Introduction Les débats entourant les différentes approches pour passer des combustibles fossiles à des sources d’énergie alternatives sont omniprésents dans le discours politique du Canada et ses politiques publiques. Les points de vue divergent quant au calendrier à respecter et […]

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Introduction

Les débats entourant les différentes approches pour passer des combustibles fossiles à des sources d’énergie alternatives sont omniprésents dans le discours politique du Canada et ses politiques publiques. Les points de vue divergent quant au calendrier à respecter et à l’équilibre à trouver entre la fiabilité, l’accessibilité financière et la durabilité, à mesure que nous adaptons nos systèmes énergétiques.

Mais une chose est sûre : l’énergie nucléaire devra jouer un rôle plus important dans la palette énergétique future du Canada et du monde entier pour réduire les émissions d’ici 2030 ou atteindre l’objectif de carboneutralité d’ici 2050. L’énergie nucléaire est unique en ce sens qu’elle fournit une énergie de base non émettrice, peut être implantée presque partout, peut générer de la chaleur industrielle et est incroyablement dense sur le plan énergétique, avec de faibles exigences en matière de ressources et de terrains. C’est une très bonne nouvelle pour le Canada, qui est prêt à tirer parti de la renaissance mondiale de l’énergie nucléaire, aussi bien comme producteur que comme consommateur.

En effet, le Canada possède des gisements à teneur élevée d’uranium de calibre mondial ; il compte sur son sol le fournisseur de combustible d’uranium d’importance mondiale Cameco, dont le siège est en Saskatchewan ; il dispose aussi d’une chaîne d’approvisionnement nucléaire nationale exhaustive ; il est déjà le sixième producteur d’énergie nucléaire au monde ; et il est l’un des rares pays à détenir des droits de propriété intellectuelle sur la technologie des réacteurs nucléaires, grâce à la conception du réacteur CANDU. Les technologies nucléaires émergentes de troisième (Gen III+) et de quatrième (Gen IV) générations sont encore plus porteuses d’espoir pour l’assise économique et géographique du Canada, en offrant de la chaleur et de l’électricité à faible intensité de carbone et hors réseau aux communautés éloignées, aux mines, aux industries des sables bitumineux ou à forte consommation d’énergie comme les industries des produits pétrochimiques et des fertilisants.

En plus de ces considérations pratiques, le Canada dispose de deux avantages indéniables. Premièrement, l’énergie nucléaire bénéficie actuellement du soutien du gouvernement fédéral (libéraux) et de l’opposition (conservateurs), de plusieurs gouvernements provinciaux (en particulier ceux de l’Ontario, du Nouveau-Brunswick, de la Saskatchewan et de l’Alberta) et d’une majorité de Canadiens (57 % selon un sondage réalisé en janvier 2023 par Angus Reid). Ce soutien atteint notamment une proportion de 70 % en Ontario, où est produite la majeure partie de l’énergie nucléaire canadienne. Dans un secteur qui évolue et se développe rapidement, il s’agit d’un avantage considérable, alors que d’autres concurrents potentiels en Europe et en Australie continuent de débattre des mérites du nucléaire.

Deuxièmement, le Canada est un fournisseur fiable de combustible d’uranium et de technologie nucléaire, doté d’organismes de réglementation nucléaire très respectés, indépendants et quasi judiciaires. Les accords conclus avec les leaders du nucléaire et les superpuissances géopolitiques que sont la Russie, la Chine et même les États-Unis peuvent avoir des connotations politiques, mais le Canada est généralement considéré comme un fournisseur fiable, digne de confiance et neutre. Cette notoriété peut se traduire par un avantage concurrentiel pour le Canada et par une sécurité énergétique accrue pour ses alliés.

Le Conseil canadien des affaires soutient le développement de la chaîne d’approvisionnement nucléaire du Canada et encourage les décideurs politiques à collaborer avec le secteur privé pour maximiser les débouchés et la compétitivité dans le secteur nucléaire mondial. Le présent rapport explore certaines des tendances de l’énergie nucléaire dont le Canada pourrait tirer parti en combinant judicieusement politique, ambition et investissement.

La renaissance du nucléaire

L’énergie nucléaire est une source d’énergie très importante, qui représente 10 pour cent de la production mondiale d’électricité et près de 20 pour cent de celle produite dans les économies avancées. Elle a connu une forte croissance dans les années 1970 et 1980 en réponse à une succession de crises énergétiques provoquées par les flambées des prix du pétrole en 1973 et 1979. Cependant, les incidents de Three Mile Island en 1979 et de Tchernobyl en 1986 ont déclenché des mouvements antinucléaires, ont alourdi la réglementation et ont réduit l’intérêt du public envers l’énergie nucléaire. L’incident de Fukushima en 2011 a entraîné de nouvelles suppressions progressives de l’énergie nucléaire, particulièrement en Allemagne et au Japon, bien que ce dernier ait fait marche arrière depuis. La capacité de production d’énergie nucléaire a commencé à plafonner en Amérique du Nord et en Europe occidentale vers 1990, mais la croissance s’est poursuivie en Asie, spécialement en Chine.

Trois facteurs ont permis à l’énergie nucléaire d’évoluer ces dernières années, entraînant ce qui est souvent décrit comme une « renaissance » du nucléaire : la transition énergétique, la sécurité énergétique et les technologies.

1. Transition énergétique

Alors que les nations et les services publics cherchent à se détourner du charbon et du gaz naturel, grands émetteurs de gaz à effet de serre (GES), les principales solutions de rechange suivantes pour produire de l’électricité ont émergé : l’hydroélectricité, l’énergie éolienne, l’énergie solaire et l’énergie nucléaire. Les avantages de l’énergie nucléaire ne sont plus à démontrer. En effet, elle se distingue par les plus faibles émissions de GES de toutes les technologies énergétiques, par sa disponibilité 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, par sa souplesse d’exploitation, par sa faible empreinte écologique ainsi que par sa capacité à décarboner des activités difficiles à éliminer, comme la production de ciment et de produits pétrochimiques.

La contribution du nucléaire à la lutte contre le changement climatique a été largement démontrée par le programme d’élimination progressive du charbon mis en place par l’Ontario au début des années 2000, qui figure parmi les politiques de réduction des émissions de GES et de la pollution les plus ambitieuses et fructueuses au monde. Pour réussir sa transition vers l’énergie propre, l’Ontario a ajouté 35 térawattheures (TWh) de sources énergétiques à faible émission de GES à son éventail de sources d’approvisionnement ; 91 % de ce nouvel approvisionnement provenait de l’énergie nucléaire. Alors que le Canada et le monde entier s’orientent vers un réseau électrique plus propre, l’énergie nucléaire est appelée à jouer un rôle de premier plan.

2. Sécurité énergétique

Les questions de sécurité liées à l’énergie nucléaire ont pris une autre dimension à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022. L’Europe, qui a imposé des sanctions sur le gazoduc russe, a désespérément cherché des solutions de rechange, et la flambée des prix mondiaux de GNL a fait apparaître l’énergie nucléaire comme plus rentable, moins instable et moins dépendante des régimes autoritaires.

Les énergies renouvelables dépendent fortement des biens fabriqués en Chine et des minéraux critiques provenant de pays instables ou autoritaires. L’approvisionnement mondial en pétrole, quant à lui, dépend dans une large mesure de l’OPEP+. Mais la chaîne d’approvisionnement de l’énergie nucléaire peut provenir de pays occidentaux et démocratiques et de leurs alliés. De fait, le Canada dispose d’une chaîne d’approvisionnement nucléaire presque entièrement nationale.

Certains alliés continuent de dépendre de l’uranium enrichi de la Russie, un marché dominé par cette dernière. Ce contexte a incité les États-Unis à adopter une législation bipartisane pour renforcer la sécurité de leur approvisionnement en combustible nucléaire, législation qui a abouti à une alliance entre les États-Unis, le Japon, le Royaume-Uni, la France et le Canada, comme annoncée en marge du sommet du G7 d’avril 2023 à Sapporo, au Japon, pour renforcer collectivement la sécurité du combustible nucléaire.

3. Technologies

L’énergie nucléaire a été principalement critiquée pour les risques non nécessaires qu’elle présente en matière de sûreté et pour son coût trop élevé. Ces affirmations ont été démenties par des décennies de résultats sûrs dans les pays utilisant l’énergie nucléaire, où les prix de l’électricité sont stables et abordables. La dernière génération de technologie nucléaire, connue sous le nom de conception Gen IV, continue de révolutionner le nucléaire pour répondre à ces préoccupations. Les petits réacteurs modulaires (PRM) sont au cœur de cette nouvelle vague. Si les réacteurs de plus grande taille restent l’option privilégiée dans bien des cas où il faut une densité de puissance, comme pour électrifier les villes et les grandes industries, les PRM apportent quant à eux une plus grande souplesse à la palette d’énergies nucléaires.

Selon l’Agence internationale de l’énergie atomique, les petits réacteurs modulaires (PRM) sont des réacteurs nucléaires avancés dont la puissance peut atteindre jusqu’à 300 mégawatts électriques (MWe) par unité, soit environ un tiers de la capacité de production des réacteurs nucléaires traditionnels. Les PRM sont : (1) petits — physiquement une fraction de la taille d’un réacteur nucléaire conventionnel (2) modulaires — ce qui permet aux systèmes et aux composants d’être assemblés en usine et transportés en une seule unité vers un lieu d’installation ; et (3) réacteurs — en exploitant la fission nucléaire pour générer la chaleur nécessaire à la production de l’énergie.

Grâce à ces caractéristiques, les PRM avancés devraient être moins chers à construire que les réacteurs traditionnels. La modularité permettra de préfabriquer les réacteurs et de les assembler sur place, ce qui réduira les délais et les coûts de construction. Le microréacteur, une sous-catégorie de PRM, a une capacité généralement inférieure à 20 MWe et est suffisamment petit pour pouvoir être transporté en toute sûreté dans un camion, un train ou un avion-cargo.

Comme ils sont plus petits, les PRM sont moins encombrants que les réacteurs traditionnels, ce qui permet une plus grande souplesse en termes de choix d’emplacement. La plupart des PRM n’étant pas refroidis à l’eau, ils peuvent également être installés dans des endroits dépourvus de sources d’eau importantes. Cela permet de réduire le temps et l’argent nécessaires à la construction d’un réseau de transport d’électricité et d’offrir des options énergétiques fiables dans les régions rurales et isolées. En outre, les PRM sont souvent conçus pour être modulables, comme la présence de plusieurs unités sur un même site,selon les besoins particuliers en mégawatts. C’est le cas des quatre réacteurs GE Hitachi BWRX-300 MW prévus à Darlington, en Ontario, ou des douze réacteurs Xe-100 de 80 MW prévus dans le centre de l’État de Washington.

Les modèles Gen III+ et Gen IV sont également dotés de dispositifs de sûreté passifs et inhérents, ne nécessitant aucune intervention humaine pour l’arrêt. Cela limite considérablement, voire élimine, les risques d’incidents graves tels que les accidents de fusion du cœur. En outre, certains modèles peuvent fonctionner pendant des années, et même une décennie, sans être ravitaillés en combustible.

Les nouvelles technologies nucléaires ouvrent également la voie à des utilisations énergétiques avancées. Alors que les réacteurs traditionnels ont presque toujours été développés pour produire de l’électricité à l’échelle du réseau, de nouveaux modèles de réacteurs sont en cours de développement pour la décarbonation des industries. De nombreuses industries ont besoin de chaleur industrielle à des niveaux compris entre 100 et 1500 °C, par exemple pour la fabrication de produits chimiques, de ciment, d’acier et autres procédés métallurgiques. Les combustibles fossiles sont excellents pour générer les températures élevées dont l’industrie a besoin et peuvent difficilement être remplacés par l’énergie électrique. Toutefois, les réacteurs Gen IV à très haute température, connus sous le nom de Réacteur à très haute température (RTHT), peuvent générer une température de l’ordre de 1 000 °C, ce qui les rend utiles pour un certain nombre d’applications industrielles. Les nouveaux modèles de réacteurs peuvent également être optimisés pour la création d’hydrogène ou la désalinisation, deux applications à forte consommation d’énergie qui devraient prendre de plus en plus d’importance à l’avenir en vue de répondre aux besoins d’une énergie à faible intensité de carbone et d’un approvisionnement en eau propre, respectivement.

Les réacteurs avancés offrent donc non seulement la fiabilité et les caractéristiques de faible émission de carbone appréciées du parc actuel de réacteurs nucléaires, mais aussi de nouvelles applications prometteuses qui orienteront l’avenir énergétique au service du développement communautaire et économique.

Contexte nucléaire du Canada

Au cœur de la fission nucléaire se trouve l’uranium, un métal dont le poids atomique (92) est le plus élevé de tous les éléments présents à l’état naturel. C’est dans le bassin d’Athabasca, dans le nord de la Saskatchewan, que se trouvent les gisements d’uranium les plus riches au monde. Alors que la plupart des grandes mines de la planète ont des teneurs en minerai d’uranium autour de 0,10 pour cent, certains gisements de la Saskatchewan ont des teneurs moyennes allant jusqu’à 20 pour cent. Cigar Lake, la mine d’uranium la plus riche et la plus importante au monde, a une teneur moyenne de 17,21 pour cent d’octaoxyde de triuranium (U3O8), le composé créé lorsque le minerai d’uranium a été extrait et broyé.

L’uranium de la Saskatchewan a alimenté les programmes nucléaires américains et britanniques pendant la guerre froide, et a ensuite alimenté les premiers réacteurs CANDU. Les Laboratoires nucléaires canadiens (LNC) de Chalk River, en Ontario, conçoivent, construisent et expérimentent des réacteurs nucléaires depuis la Seconde Guerre mondiale.

Le CANDU, un diminutif pour Canada Deutérium Uranium, est un réacteur nucléaire qui utilise de l’eau lourde comme modérateur et caloporteur, et de l’uranium naturel comme source de combustible. La conception du premier réacteur CANDU a débuté en 1954 dans le cadre d’un partenariat entre Énergie atomique du Canada limitée, Ontario Hydro et la Canadian General Electric Company, et la première centrale à grande échelle a été mise en service en 1968, en Ontario. Le Canada a produit 47 réacteurs nucléaires CANDU, dont 34 sont utilisés à l’étranger. Au pays, des réacteurs CANDU ont été construits en Ontario, au Québec et au Nouveau-Brunswick. La centrale nucléaire québécoise de Gentilly a été mise hors service en 2012. L’Ontario possède toujours ses trois centrales nucléaires à Bruce, à Pickering et à Darlington, et le Nouveau-Brunswick a une centrale à Point Lepreau. L’énergie nucléaire produit 15 pour cent de l’électricité du Canada et 60 pour cent de l’électricité de l’Ontario. Avec une production nucléaire de 81 TWh en 2022, le Canada est le sixième producteur mondial d’énergie nucléaire.

Progrès récents de l’énergie nucléaire CANDU 

La construction de réacteurs CANDU s’est arrêtée au Canada après la livraison de Darlington 4 en 1993, en raison d’une baisse de la demande d’électricité et d’inquiétudes quant à la prévisibilité des coûts de construction. Toutefois, la chaîne d’approvisionnement des réacteurs CANDU est restée active et connaît actuellement sa propre revitalisation. D’importants travaux de remise à neuf sont en cours aux centrales de Darlington et de Bruce et, jusqu’à présent, ils ont été réalisés plus rapidement que prévu et sans dépassement du budget. Le programme de remise à neuf a également injecté environ 30 milliards de dollars dans la chaîne d’approvisionnement nucléaire canadienne, soit un robuste réseau de plus de 250 entreprises et fournisseurs. Ce programme est un projet d’infrastructure véritablement canadien, puisque 90 pour cent des dépenses de Bruce Power et d’OPG liées au projet ont lieu en Ontario et 98 pour cent au Canada.

La chaîne d’approvisionnement active contribuera à soutenir la prochaine vague d’énergie nucléaire au Canada. Outre le fait que Bruce Power propose de construire en trois décennies le premier nouveau site nucléaire canadien à grande échelle, le pays se prépare également à voir OPG construire les quatre premiers PRM du pays sur le site de Darlington.

La technologie CANDU continue de progresser ; et ses principales caractéristiques, comme la capacité unique d’utiliser de l’uranium non enrichi et d’autres combustibles, le rechargement en combustible en marche et un certain nombre de dispositifs de sûreté actifs et passifs, restent très attrayantes. La Roumanie est en train de construire deux nouveaux réacteurs CANDU-6 dans sa centrale nucléaire de Cernavodā. En septembre 2023, Ressources naturelles Canada a annoncé un financement à l’exportation de 3 milliards de dollars pour soutenir le projet, ce qui alimentera la chaîne d’approvisionnement nucléaire du Canada.

Le Groupe des propriétaires de CANDU, qui comprend des exploitants de CANDU de l’Ontario, du Nouveau-Brunswick, de la Chine, de la Corée du Sud, de l’Inde, de l’Argentine et de la Roumanie, poursuit sa collaboration pour mettre en commun des ressources destinées à la recherche et au développement novateurs et à des projets conjoints. Les exploitants de ce groupe ont investi des centaines de millions de dollars en recherche et développement pour faire progresser la technologie CANDU. Une grande partie de ces investissements concerne l’innovation dans les procédés, à savoir l’amélioration de l’efficacité, de l’économie, de la sûreté et du rendement des réacteurs CANDU.

Ces réacteurs sont également capables de produire des isotopes nucléaires qui sont ensuite utilisés dans la stérilisation des appareils médicaux, dans l’imagerie médicale et les procédures de diagnostic, ainsi qu’en médecine et dans le développement de nouveaux médicaments. En effet, les réacteurs CANDU de l’Ontario produisent 50 pour cent de l’approvisionnement mondial en cobalt 60, et font actuellement l’objet d’une mise au point pour la production de molybdène 99, d’hélium 3, de tritium et de deutérium. Ces efforts stimulent la croissance et l’innovation dans le domaine de la médecine nucléaire et placent le Canada au cœur de ce créneau. Au-delà de la médecine, les isotopes sont également utilisés pour la recherche sur les neutrons, la sécurité aux frontières, la conservation des aliments et l’informatique quantique.

Progrès récents de la technologie nucléaire canadienne des PRM

Des efforts concertés ont été déployés au Canada pour saisir le potentiel des PRM. Dès juin 2017, les LNC ont lancé un appel de manifestations d’intérêt pour les PRM. Mais la coordination politique a véritablement commencé lorsque Ressources naturelles Canada a élaboré une feuille de route des PRM en 2018, suivie d’un plan d’action pour les SMR en 2021, en étroite collaboration avec l’Alberta, la Saskatchewan, l’Ontario et le Nouveau-Brunswick, ainsi qu’avec les parties prenantes autochtones, le secteur privé, les sociétés d’État, les instituts de recherche et la société civile. Ces quatre provinces ont également publié leur propre plan stratégique interprovincial pour le déploiement des PRM en 2022, en s’appuyant sur l’étude de faisabilité sur les PRM menée par leurs sociétés d’électricité provinciales en mars 2021. La Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) a soutenu le développement des PRM par le biais d’autorisations préalables visant à cerner les obstacles fondamentaux à l’autorisation d’un nouveau modèle au Canada et à s’assurer qu’il existe un plan de résolution.

Neuf modèles ont été soumis à l’examen de la CCSN en vue d’une autorisation préalable : le réacteur intégral à sels fondus de Terrestrial Energy ; les microréacteurs MMR-5 et MMR-10 d’Ultra Safe Nuclear Corporation ; le réacteur à sodium liquide ARC-100 d’ARC Nuclear ; le réacteur à sels stables de Moltex ; le PRM à eau légère sous pression SMR-160 de LLC ; le réacteur à haute température refroidi au gaz d’U-Battery ; le réacteur à eau bouillante BWRX-300 de GE Hitachi ; le réacteur à gaz haute température refroidi Xe-100 de X-energy ; et le microréacteur eVinci de Westinghouse.

Un certain nombre de projets sont en cours ou prévus au Canada, notamment les suivants :

  • Le projet de nouvelle centrale nucléaire de Darlington, qui vise à déployer quatre PRM BWRX-300 de GE-Hitachi (de 300 MW) sur le site de Darlington de l’OPG en Ontario pour l’alimentation en réseau. Le premier devrait être construit d’ici 2028, et son exploitation commerciale débuterait en 2029.
  • Le réacteur rapide refroidi au sodium ARC-100 (de 100 MW) sur le site de Point Lepreau d’Énergie NB, au Nouveau-Brunswick, pour l’alimentation en réseau d’ici 2030.
  • Un autre ARC-100, au Carrefour d’énergie verte du port de Belledune, au Nouveau-Brunswick, pour produire vers le milieu des années 2030 de l’hydrogène propre destiné à l’exportation, en collaboration avec Cross River Infrastructure Partners.
  • Le réacteur BWRX-300 de GE-Hitachi, en Saskatchewan, pour l’alimentation en réseau, dont le déploiement par SaskPower est prévu pour le milieu des années 2030.
  • Le projet de démonstration commerciale du microréacteur modulaire (MRM) de la Ultra Safe Nuclear Corporation aux laboratoires de Chalk River (Ontario), dont la mise en service est prévue d’ici 2028.

Les peuples autochtones sont consultés à un stade précoce et de manière significative dans le cadre de ces projets. Ils seront appelés à participer à la renaissance du nucléaire de trois principales façons, c’est-à-dire : (1) par la consultation sur le processus de réglementation nucléaire ; (2) par le consentement à l’implantation de nouveaux réacteurs nucléaires et au stockage des déchets sur leurs territoires ; (3) et par la participation économique, comme la participation au capital, à la construction, à la fabrication de composants, à la formation de la main-d’œuvre et autres éléments de la chaîne d’approvisionnement. En septembre 2023, le North Shore Mi’kmaq Tribal Council et ses sept Premières Nations membres ont annoncé qu’ils investiraient dans les projets de promotion de PRM au Nouveau-Brunswick, ce qui a généré une valeur d’action de 2 millions de dollars pour Moltex et de 1 million de dollars pour ARC, un accord unique en son genre dans le secteur des PRM.

Au Canada, on a surtout parlé des projets à venir à l’échelle du réseau, mais une grande partie du potentiel des PRM pour le pays réside dans la décarbonation industrielle, vu la nature et la géographie de notre économie. Outre le projet de Belledune pour la production d’hydrogène, on peut citer les sables bitumineux, l’exploitation minière, la pétrochimie et les engrais, qui offrent tous des cas d’utilisation convaincants. L’Alliance nouvelles voies, qui regroupe les six principales entreprises du secteur des sables bitumineux, étudie activement les PRM comme moyen de réduire l’intensité des émissions de leurs barils, en utilisant l’énergie nucléaire pour produire la vapeur nécessaire à l’extraction du pétrole des gisements de sables bitumineux du nord de l’Alberta, au lieu d’utiliser le gaz naturel. Terrestrial Energy, qui a son siège à Oakville (Ontario), a annoncé en mars 2023 qu’elle ouvrirait un bureau à Calgary pour soutenir le développement commercial de son modèle de cogénérationindustrielle. Par ailleurs, X-energy et Invest Alberta ont annoncé un protocole d’entente (PE) en janvier 2023 pour créer des débouchés qui appuieront le déploiement de son modèle. En outre, le gouvernement de l’Alberta a annoncé en septembre 2023 une contribution de 7 millions de dollars pour une étude de faisabilité de PRM menée par Cenovus, un important producteur de sables bitumineux.

Chez nos voisins au sud, la Inflation Reduction Act (loi sur la réduction de l’inflation) a stimulé de nouveaux projets de développement nucléaire, notamment des projets de démonstration financés et mis en œuvre par NuScale, X-energy, Holtec et TerraPower. Par exemple, Dow a conclu un partenariat avec X-energy pour construire quatre Xe-100 sur un site industriel de l’un de ses établissements de la côte du Golfe du Mexique afin de décarboner sa production de produits chimiques. Quant à Microsoft, elle est en train de mettre en œuvre une stratégie énergétique mondiale de petits réacteurs modulaires (PRM) et de microréacteurs pour alimenter son activité d’intelligence artificielle, très gourmande en énergie.

Les mines isolées du Canada constituent un autre cas d’utilisation logique. Le coût de l’énergie est un facteur dissuasif énorme pour le développement des sites hors réseau, et le diesel est généralement la seule option, entraînant ses propres défis logistiques, économiques et environnementaux. Une mine de diamants aux Territoires du Nord-Ouest consomme jusqu’à 80 millions de litres de diesel par an. L’utilisation des PRM pour soutenir les opérations minières dans les régions éloignées devrait permettre d’exploiter davantage de gisements à mesure que croît la demande mondiale en minéraux critiques. Le gouvernement du Yukon a mandaté une étude de faisabilité sur les PRM, publiée en septembre 2023, qui a permis de conclure que les PRM avaient un coût actualisé de l’électricité plus faible pour les mines hors réseau que des systèmes comparables comme : le diesel ; l’éolien et le diesel ; le solaire et le diesel ; l’éolien et les batteries ; le solaire et les batteries ; l’hydroélectricité ; et le gaz naturel liquéfié.

Au-delà de l’Arctique, les très petits réacteurs — ou nanoréacteurs — peuvent être utilisés aussi loin que sur la lune. C’est précisément le modèle que la Société canadienne des mines spatiales est en train de mettre au point. Rien ne limite les avancées du nucléaire, ni même l’espace.

Déchets nucléaires

Les inquiétudes à l’égard des déchets nucléaires sont une source fréquente d’hésitation en matière d’énergie nucléaire. La CCSN est chargée de la surveillance réglementaire de la gestion des déchets radioactifs, mais ce sont les propriétaires des déchets qui sont responsables de leur gestion, par l’intermédiaire de la Société de gestion des déchets nucléaires (SGDN). La SGDN applique le processus de gestion adaptative des déchets que le gouvernement du Canada a choisi pour la gestion à long terme du combustible nucléaire irradié, et elle construira un dépôt géologique en profondeur en Ontario à cette fin. De fait, l’un des éléments propres au secteur nucléaire est que ses exploitants ont toujours, et continuent, à assumer pleinement et à payer les coûts à long terme de la gestion des déchets dans le cadre de leur production permanente.

La SGDN devrait faire son choix d’emplacement définitif en 2024 et a présélectionné les régions des Nations ojibwées de Wabigoon Lake-Ignace et de Saugeen-South Bruce, en fonction de leur géologie et de leur volonté d’accueillir le dépôt. Il s’agit d’une entreprise économique importante en soi : le coût de ce projet multigénérationnel est estimé à 26 milliards de dollars (en dollars de 2020) sur son cycle de vie d’environ 175 ans. Le dépôt sera conçu dans l’optique des futurs déchets générés par les PRM au Canada. La SGDN a élaboré un plan provisoire de transport des déchets radioactifs qui tient compte des exigences réglementaires, des véhicules envisagés (camions ou trains), des itinéraires représentatifs, des dispositions en matière de sûreté nucléaire et de convoyage, de la gestion des urgences, de la logistique et de la programmation des expéditions, ainsi que des aspects opérationnels tels que la communication, la surveillance et le suivi des expéditions.

Débouchés commerciaux du nucléaire au Canada 

Le nucléaire offre d’excellentes pistes d’application pouvant fournir sur mesure l’électricité et la chaleur industrielle à faible intensité de carbone dont l’industrie canadienne a besoin pour défier la concurrence et prospérer. Mais au-delà de l’énergie elle-même, c’est une formidable opportunité pour le Canada de devenir un des principaux acteurs du marché mondial de l’énergie nucléaire. En effet, le Canada dispose de nombreux avantages intrinsèques : ses réserves d’uranium de haute qualité, sa chaîne d’approvisionnement nucléaire, sa capacité de traitement du combustible nucléaire, ses longs antécédents en matière de production d’énergie nucléaire sûre et son vaste marché intérieur. Il peut donc les exploiter pour accroître la part de marché mondial des réacteurs CANDU et s’approprier de nouvelles parts de marché à mesure que se développera le secteur des PRM, dont le marché mondial est estimé à 150 milliards de dollars par an d’ici 2040. Nous vivons un tournant passionnant et dynamique. Les nouveaux venus du secteur privé de l’industrie nucléaire, au-delà des grandes entreprises de services publics et des fournisseurs traditionnels, apportent de nouvelles idées et perspectives.

Trois grandes opportunités se démarquent du lot : l’expertise, la chaîne d’approvisionnement et le combustible d’uranium.

1. Expertise nucléaire

L’expertise du Canada en ingénierie et en exploitation de réacteurs CANDU et de PRM est hautement commercialisable. En tant que pionnier dans le domaine des réacteurs avancés, le pays pourrait acquérir un avantage concurrentiel. Son organisme de réglementation nucléaire, la CCSN, est respecté, souple et politiquement indépendant, et très compétent sur les plans technique et scientifique. Les autorisations approuvées au titre du régime canadien donnent de la crédibilité à d’autres marchés. Cela contribue à rendre le Canada attrayant pour les modèles « premier du genre » (First-of-a-Kind). Dans le cadre du projet d’hydrogène de Belledune, par exemple, Énergie NB acceptera les coûts plus élevés associés à un modèle « premier du genre », mais cela lui permettra de se doter d’une expertise locale puis de percevoir ailleurs des honoraires de consultation. 

Les projets nucléaires au Canada peuvent également permettre de sécuriser la recherche et la propriété intellectuelle dans des domaines d’innovation essentiels tels que les méthodes d’ingénierie et de construction, la robotique, la science des matériaux, les essais et la qualification des combustibles, la fabrication de pointe, les systèmes de contrôle, la cybersécurité et l’exploitation à distance.

2. Opportunités pour la chaîne d’approvisionnement

L’industrie nucléaire canadienne actuelle, qui compte plus de 200 fournisseurs, s’est développée autour de l’ingénierie nucléaire, de la fabrication de pointe et des services, et s’occupe principalement des réacteurs à eau lourde CANDU. À mesure qu’elle prend de l’expansion sur le marché des PRM, il sera nécessaire de créer de nouvelles installations spécialisées dans la fabrication en série et la modularisation. Le marché des PRM est très différent et dépend beaucoup plus de la fabrication en série et de la modularisation. La chaîne d’approvisionnement nucléaire canadienne existante devra évoluer pour saisir les nouvelles opportunités. Cela permettra aux fournisseurs existants de se diversifier et aux nouveaux venus d’entrer sur le marché. Les principaux débouchés de la chaîne d’approvisionnement des PRM sont : 1) les vendeurs de technologies ; 2) les intégrateurs de systèmes ; 3) les fabricants d’équipements ; 4) les fournisseurs et les distributeurs de sous-composants ; 5) les transformateurs et les fabricants ; 6) et les exploitants miniers et les fournisseurs de matières premières (voir figure 1).

Source : Développement économique Canada pour les Prairies (2022). Assessment of Alberta and Saskatchewan’s industrial potential to participate in an emerging Canadian SMR supply chain.

3. Carburant d’uranium

À titre de source d’énergie dense, propre et fiable, tant pour l’électricité que pour la chaleur, avec de formidables possibilités de progrès technologiques, l’énergie nucléaire est appelée à prendre de plus en plus d’importance dans la palette énergétique mondiale. Tout comme le pétrole et le gaz naturel sont aujourd’hui des produits de base hautement stratégiques, le combustible nucléaire le sera probablement à l’avenir, encore plus qu’aujourd’hui.

De par sa nature, le marché du combustible nucléaire est beaucoup plus concentré que celui des combustibles fossiles et présente un important niveau d’obstacles à l’entrée, ce qui confère des avantages politiques et économiques aux fournisseurs. L’industrie de la fabrication de combustible nucléaire est dominée par quatre entreprises qui répondent à la demande internationale de réacteurs à eau légère : Framatome et ORANO (France), Global Nuclear Fuel (États-Unis, Japon), TVEL (Russie) et Westinghouse (États-Unis). Le Canada n’enrichit pas le combustible nucléaire entre autres parce que ses réacteurs CANDU utilisent de l’uranium à l’état naturel.

Le Canada dispose toutefois d’un avantage considérable pour se développer dans l’enrichissement du combustible nucléaire, étant donné qu’il est un très grand producteur d’uranium, la matière première de la plupart des combustibles nucléaires, et qu’il a des décennies d’expérience et une clientèle internationale bien établie, par l’intermédiaire de Cameco, pour les services de combustible. En outre, Westinghouse a été rachetée en 2022 par un partenariat canadien réunissant Brookfield Renewable et Cameco.

Le développement de grands réacteurs tels que le Westinghouse AP1000 et de nouveaux PRM modifiera le paysage de l’approvisionnement en combustible nucléaire. Les réacteurs avancés sont conçus pour nécessiter du combustible enrichi, y compris, dans certains cas, de l’uranium faiblement enrichi à dosage élevé, ou HALEU, un produit que seule la Russie commercialise à l’heure actuelle. Enrichir l’uranium signifie augmenter la concentration de l’isotope U-235. Dans l’uranium naturel que les réacteurs CANDU utilisent, l’U-235 se trouve en concentration d’environ 0,7 pour cent. Les réacteurs traditionnels utilisent du combustible nucléaire enrichi en concentration de 3 à 5 pour cent. Or, par définition, l’uranium HALEU est enrichi de 5 à 20 pour cent, et généralement à 19,75 pour cent. Cela permet aux réacteurs d’être physiquement plus petits et de réduire les besoins en combustible.

Les États-Unis déploient des ressources pour résoudre le problème de dépendance au HALEU russe. Un projet de loi bipartisan, le Nuclear Fuel Security Act, a fait son chemin au Congrès ; il vise à augmenter la production nationale d’uranium faiblement enrichi ainsi que de HALEU. Cameco développe aussi sa propre capacité en matière d’enrichissement par le biais d’un partenariat avec une entreprise américaine dans une installation en Caroline du Nord, aux États-Unis ; c’est le chef de file commercial de Global Laser Enrichment (GLE), titulaire exclusif de la technologie d’enrichissement par laser SILEX (Separation of Isotopes by Laser Excitation), une technologie d’enrichissement de l’uranium de troisième génération. Le fournisseur de services d’enrichissement Urenco agrandit également son installation d’enrichissement existante au Nouveau-Mexique, et le fournisseur de combustible nucléaire Centrus met en service une nouvelle technologie américaine dans son installation de l’Ohio.

Pendant que les États-Unis joueront un rôle essentiel dans l’approvisionnement en combustible nucléaire qui remplacera celui de la Russie dans les premiers stades de développement des réacteurs avancés, le Canada a de bonnes raisons de faire de même, du moins à moyen terme. La première d’entre elles est d’ordre économique : l’enrichissement du combustible nucléaire est un processus à forte valeur ajoutée. L’autre raison est toutefois d’ordre sécuritaire : il n’est pas souhaitable de trop dépendre d’un pays ou deux pour ses besoins en sécurité énergétique, surtout lorsqu’il s’agit de superpuissances mondiales comme les États-Unis et la Russie. Les caractéristiques uniques du Canada favoriseraient la diversité de l’approvisionnement sans compromettre les efforts de non-prolifération au niveau mondial, tout en renforçant la sécurité énergétique nationale à mesure que le pays construit davantage de PRM. Cependant, l’entrée dans ce secteur hautement contrôlé et coûteux nécessitera un soutien important de la part du gouvernement et une volonté politique.

Entre-temps, les réacteurs CANDU resteront une technologie attrayante pour de nombreux pays où la capacité d’utiliser de l’uranium non enrichi est considérée comme un atout, surtout si la demande pour les sources occidentales d’uranium enrichi commence à excéder l’offre.

Recommandations

Le contexte politique canadien n’est pas toujours considéré comme avantageux pour le développement de l’énergie, mais dans le cas du nucléaire, il y a des raisons d’être optimiste. Les gouvernements provinciaux de l’Ouest et de l’Est ont collaboré avec le gouvernement fédéral dans le dossier du développement nucléaire ; les libéraux et les conservateurs ont tous deux soutenu le développement de ce secteur ; les syndicats et le secteur privé y voient des possibilités de croissance ; et les communautés autochtones et les parties prenantes sont impliquées très tôt et de manière significative dans la nouvelle vague de développement nucléaire au Canada. Le contexte politique mondial est également très favorable, car de nombreux clients cherchent à réduire leur dépendance à la chaîne d’approvisionnement nucléaire russe et à trouver d’autres fournisseurs conviviaux.

Au cours des deux dernières années, le gouvernement fédéral a apporté un soutien important au développement du nucléaire, notamment par les mesures suivantes :

  • des mesures incitatives par le biais de crédits d’impôt à l’investissement dans l’électricité propre, les technologies propres et la fabrication des technologies propres ;
  • d’importants investissements dans les PRM de Darlington par l’intermédiaire de la Banque de l’infrastructure du Canada ;
  • un financement destiné à accroître l’efficacité des examens et des approbations réglementaires, y compris pour la Commission canadienne de sûreté nucléaire ;
  • un financement accru du Fonds stratégique pour l’innovation, lequel a soutenu le développement des PRM ;
  • un financement afin de mieux mobiliser les nations et les entreprises autochtones dans le secteur nucléaire ;
  • un financement à l’exportation pour les nouveaux projets CANDU-6 de la Roumanie.

L’industrie des PRM avancés n’en est qu’à ses débuts et profitera du soutien continu des politiques publiques pour positionner favorablement l’industrie canadienne. À mesure que le secteur passe de la phase de technologie à la phase de projet, il sera confronté à des défis tels que l’accessibilité du capital, le fardeau réglementaire, les profils de risque élevé des projets, les chaînes d’approvisionnement embryonnaires, l’absence de normes internationales harmonisées et les préoccupations du public en matière de sûreté nucléaire. Les gouvernements peuvent, dans différentes phases, atténuer les risques liés aux investissements privés de sorte que le secteur puisse se développer à un rythme soutenu.

Afin de promouvoir au pays le développement d’un secteur nucléaire de pointe concurrentiel à l’international, les parties prenantes devraient :

  • Veiller à ce qu’il y ait un financement concurrentiel : L’énergie nucléaire est un secteur gourmand en capitaux, et les modèles « premier du genre » peuvent miner la confiance des investisseurs et remettre en cause les modèles de financement habituels. Les crédits d’impôt à l’investissement et les prêts à faible taux d’intérêt sont très importants pour soutenir le développement du secteur à ses débuts. Les fonds et les subventions en faveur de l’énergie propre ont souvent exclu l’énergie nucléaire, y compris le Cadre des obligations vertes annoncé par le Canada en 2022. Les énergies éolienne et solaire ont bénéficié de subventions bien plus importantes par mégawatt. Les institutions financières et programmes gouvernementaux devraient adopter une neutralité technologique lorsqu’il s’agit de soutenir les investissements dans les énergies à faible intensité de carbone.
  • Veiller à ce que la réglementation soit claire et prévisible, et à ce que les approbations et licences soient accordées en temps opportun : Le secteur nucléaire, en raison de ses particularités, fait l’objet d’un examen minutieux. Même si cela est important, le processus réglementaire a tout intérêt à être réactif, souple et efficace, faute de quoi l’industrie nucléaire restera lente et coûteuse. La Commission canadienne de sûreté nucléaire jouit d’une bonne réputation dans l’ensemble, et a besoin de soutien pour poursuivre son travail à mesure que de nouvelles technologies et de nouveaux défis logistiques et réglementaires émergent des conceptions avancées. Elle a également un rôle à jouer dans l’harmonisation mondiale des normes pour les modèles nucléaires avancés, et dans la liaison entre les technologies et fournisseurs d’ici et les clients du monde entier. À cette fin, un nouveau rapport conjoint de l’Association nucléaire mondiale, du Nuclear Energy Institute et de l’Association nucléaire canadienne a été publié en septembre 2023. Il propose des mesures réglementaires à prendre pour minimiser le temps et le coût du déploiement à grande échelle d’un parc de réacteurs à conception normalisée.

    La Loi sur l’évaluation d’impact a entravé la bonne exécution des projets nucléaires, tout comme les projets de nombreuses autres industries, et elle doit être améliorée. Souvent, des sites existants sont considérés comme de nouveaux emplacements même si des installations nucléaires y sont installées depuis des dizaines d’années. Ces sites devraient être exemptés.
  • Veiller à une coordination solide de la politique nucléaire canadienne : Un organisme national composé des gouvernements fédéral et provinciaux, de parties prenantes autochtones, de propriétaires et d’exploitants, d’utilisateurs finaux et de fournisseurs devrait être créé pour guider et superviser l’essor du secteur, communiquer et résoudre les problèmes de manière proactive, et mettre en œuvre des stratégies pour tirer parti des nouveaux débouchés. Cet organisme aurait également pour mission de soutenir et de renforcer une chaîne d’approvisionnement nucléaire pancanadienne intégrée, incluant des fournisseurs autochtones. Le groupe du Plan d’action canadien des PRM, auquel participent le gouvernement fédéral, les provinces et territoires intéressés, l’industrie, les parties prenantes autochtones, les syndicats et la société civile, jette de bonnes bases pour cette approche.

Enfin, tous les atouts sont réunis pour que le Canada devienne un acteur de premier plan dans le secteur émergent du nucléaire et des PRM ; il ne reste plus qu’à faire preuve d’ambition et à passer à l’action. Les perspectives économiques, géopolitiques et environnementales sont toutes convaincantes et méritent une approche stratégique pour aller de l’avant. Le milieu des affaires est un partenaire essentiel prêt à s’engager dans cette voie.

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Un Québec plus innovant, plus productif et plus prospère https://www.thebusinesscouncil.ca/fr/rapport/un-quebec-plus-innovant-plus-productif-et-plus-prospere/ Mon, 06 Nov 2023 18:05:40 +0000 https://thebusinesscouncil.ca/?post_type=report&p=17831 Mise en contexte En mai 2023, le ministre des Finances du Québec, M. Éric Girard, a lancé une consultation visant à solliciter l’avis d’experts du milieu académique et des affaires sur l’enjeu de l’écart de richesse entre le Québec et […]

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Mise en contexte

En mai 2023, le ministre des Finances du Québec, M. Éric Girard, a lancé une consultation visant à solliciter l’avis d’experts du milieu académique et des affaires sur l’enjeu de l’écart de richesse entre le Québec et l’Ontario. Je remercie le ministre de m’offrir l’occasion de prendre part et de contribuer à cette importante initiative. Je salue son engagement personnel et celui de son gouvernement à s’attaquer de front à un enjeu fondamental pour l’avenir du Québec. 

Le regain de productivité est une nécessité et un enjeu central pour le Québec.  Le financement des programmes sociaux, si chers aux Québécois et Québécoises, n’est pas garanti pour les générations à venir.  Qui plus est, le vent de front que représente le déclin démographique risque d’être douloureux à terme.

D’emblée, je note le contexte singulier dans lequel nous nous trouvons. Bien que le problème que pose le manque de productivité ne soit pas nouveau et simple à régler, il se pose à un moment charnière ou bien des états, les États-Unis en tête, entament un exercice de réindustrialisation majeur en faveur de la transition écologique. Cela ramène inéluctablement la politique industrielle au centre des débats et de l’action gouvernementale. 

L’affaissement du consensus de Washington des années 80 est l’un des événements les plus conséquents des vingt dernières années sur le plan économique. 

Ainsi, les nouveaux impératifs de l’économie politique (political economy) se manifestent et engendrent un interventionnisme étatique plus marqué. Ces impératifs – au premier rang la transition énergétique et la sécurité nationale – ne sont pas triviaux et passagers.

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La sécurité économique est la sécurité nationale https://www.thebusinesscouncil.ca/fr/rapport/strongla-securite-economique-est-la-securite-nationale-strong/ Thu, 07 Sep 2023 10:00:00 +0000 https://thebusinesscouncil.ca/?post_type=report&p=17392 Le Canada a besoin d’une stratégie de sécurité nationale La sécurité nationale du Canada dépend de la vitalité économique et de la résilience de notre pays. Ce n’est que grâce à notre prospérité économique durable que nous trouvons les talents, […]

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Le Canada a besoin d’une stratégie de sécurité nationale

La sécurité nationale du Canada dépend de la vitalité économique et de la résilience de notre pays. Ce n’est que grâce à notre prospérité économique durable que nous trouvons les talents, les ressources et l’innovation nécessaires pour réaliser nos ambitions nationales, protéger la vie et les moyens de subsistance des Canadiens, et jouer un rôle positif et influent sur la scène mondiale.

L’inverse est également vrai. Sans un environnement de sécurité nationale solide, il est impossible d’avoir une économie saine et productive.

Bon nombre des alliés les plus proches du Canada reconnaissent ce « lien qui se renforce mutuellement »[1] et ont élaboré des approches intégrées de la sécurité économique et nationale qui visent à renforcer leur prospérité, leur sécurité et leur souveraineté en période de risques géopolitiques accrus.

Ce n’est pas le cas du Canada. Depuis des décennies, les gouvernements canadiens successifs ont négligé, tenu pour acquis ou simplement ignoré le principe que la sécurité économique est la sécurité nationale.

Cette négligence nous a rendus vulnérables. À une époque de rivalité géopolitique renouvelée, où la capacité des pays à favoriser la croissance économique constitue le fondement de la puissance militaire, économique et culturelle, les entreprises canadiennes de toutes tailles se retrouvent de plus en plus dans la ligne de mire d’auteurs de menace stratégique[2] qui cherchent à promouvoir leurs intérêts nationaux d’une manière qui peut nuire, et qui nuit effectivement, à la sécurité nationale et économique du Canada.

Ces menaces sont susceptibles de causer des ravages à grande échelle dans la vie quotidienne des Canadiens. Les conséquences sont notamment des licenciements massifs causés par le vol de la propriété intellectuelle, des perturbations dans la capacité des Canadiens à chauffer et à alimenter leurs maisons en raison de cyberattaques paralysantes, et la montée en flèche du coût des produits ménagers quotidiens en raison de l’armement des chaînes d’approvisionnement.

La défense de la sécurité économique du Canada est une tâche trop importante pour être confiée au secteur public ou au secteur privé qui travaillent seuls. Les deux doivent collaborer sans faille pour détecter, dissuader, et interrompre un large éventail de menaces émergentes et évolutives.

C’est pourquoi le présent rapport invite le gouvernement du Canada à collaborer avec les entreprises canadiennes pour élaborer et mettre en œuvre une stratégie de sécurité nationale qui, pour la première fois, accorde une place centrale à la sécurité économique.

Fondé sur des consultations approfondies avec les dirigeants des entreprises les plus innovantes et les plus prospères du Canada, des experts en sécurité, et d’anciens fonctionnaires, ce rapport examine les menaces auxquelles sont confrontés les Canadiens, explore les conséquences de l’inaction, et recommande des mesures pour combler les lacunes les plus flagrantes dans la posture de sécurité économique du Canada.

Les recommandations du document s’articulent autour de trois thèmes :

Renforcer l’architecture de la sécurité économique du Canada, notamment en créant un cadre juridique permettant au gouvernement de partager en temps opportun des renseignements sur les menaces exploitables avec les entreprises ciblées par les attaques ;

Renforcer les capacités économiques et d’innovation du Canada, notamment en encourageant la recherche à haut risque et à haut rendement dans les domaines perturbateurs et émergents qui sont fondamentaux pour stimuler la croissance économique et qui sont stratégiques du point de vue de la sécurité nationale ; et

Élargir et redynamiser les partenariats internationaux du Canada en matière de sécurité, notamment en prenant des mesures pour contrer collectivement l’armement des chaînes d’approvisionnement, telles qu’une « OTAN pour le commerce ».

Dans un contexte où la sécurité est une condition préalable à la prospérité, et la prospérité une condition préalable à la sécurité, le Canada ne pourra pas maintenir une société saine et prospère sans une stratégie de sécurité nationale qui protège notre sécurité économique. Le moment est venu pour les décideurs politiques canadiens de reconnaître cette réalité et de s’unir aux entreprises canadiennes pour protéger la vitalité économique et la résilience de notre nation.

Notes de bas de page

[1] Voir Gouvernement de l’Australie, « Strong and Secure: A Strategy for Australia’s National Security », 2013, page 4, lien : https://www.files.ethz.ch/isn/167267/Australia%20A%20Strategy%20for%20National%20Securit.pdf

[2] Dans le présent document, les acteurs soutenus par l’État dont les activités constituent des menaces pour la sécurité économique et nationale du Canada sont collectivement appelés « auteurs de menace stratégique ».

Les auteurs de menace stratégique font progresser leurs intérêts nationaux à nos dépens

Le Canada se trouve aujourd’hui au cœur de l’environnement de sécurité le plus important, le plus complexe et le plus imprévisible depuis une génération.

L’ordre unipolaire libre, ouvert et relativement stable qui a prévalu après la fin de la guerre froide — et qui a procuré au Canada des niveaux de sûreté, de sécurité et de prospérité sans précédent — cède la place à une nouvelle réalité multipolaire, plus turbulente et marquée par la rivalité géopolitique.[3]

La fragmentation des biens communs mondiaux en camps rivaux luttant pour la supériorité stratégique a intensifié la concurrence et la confrontation entre les États dans des domaines très variés. Cela est particulièrement vrai dans les domaines des affaires, de l’économie et de la technologie.

Comme d’autres époques définies par une concurrence géopolitique exacerbée,[4] la capacité des pays à favoriser la croissance économique — en particulier par l’invention, la diffusion et l’adoption de technologies émergentes et perturbatrices — est le fondement sur lequel repose aujourd’hui la puissance militaire, économique et culturelle.[5]

Conscients de cette réalité, les auteurs de menace stratégique ont montré leur capacité et leur volonté de voler, de saboter et de perturber leur ascension économique afin de renforcer leur pouvoir géopolitique et de remodeler unilatéralement l’ordre international actuel pour le rendre plus favorable à leurs intérêts.[6]

Les nouvelles avancées technologiques, notamment dans le cyberespace, ont permis à ces acteurs d’élargir et d’adapter leurs tactiques afin de mieux pénétrer nos défenses et d’atteindre leurs objectifs révisionnistes.

Le résultat : Les entreprises canadiennes, dans presque toutes les régions et tous les secteurs de notre économie, sont aujourd’hui confrontées à des dangers sans précédent. Elles exercent leurs activités dans un environnement de plus en plus déséquilibré, une situation qui désavantage toujours le commerce privé traditionnel.

La piètre performance économique du Canada ne fait qu’ajouter à cette menace.[7] Le Canada est moins performant que ses rivaux mondiaux dans une variété de domaines essentiels pour stimuler l’innovation, faire croître les entreprises et s’approprier une part du marché mondial dans des secteurs de pointe essentiels à notre prospérité et à notre sécurité.[8] En effet, le Canada n’est en tête dans aucune des 44 catégories de technologies de pointe — telles que l’intelligence artificielle, les technologies quantiques ou la cybersécurité avancée — identifiées par un groupe de réflexion comme étant essentielles à la sécurité économique et nationale d’un pays.[9]

Notes de bas de page

[3] Voir Groupe de travail sur la sécurité nationale, « Une stratégie de sécurité nationale pour les années 2020 », École supérieure d’affaires publiques et internationales, Université d’Ottawa, mai 2020, pages 4-5, lien : https://www.uottawa.ca/publisher/sites/g/files/bhrskd311/files/2022-12/rapport_secnat_esapi_mai2022.pdf ; Aaron Shull and Wesley Wark, “Reimagining a Canadian National Security Strategy,” Centre pour l’innovation dans la gouvernance internationale, 6 décembre 2021, pages 11-12 lien : https://www.cigionline.org/publications/reimagining-a-canadian-national-security-strategy/.

[4] Les plus grandes périodes d’innovation technologique ont souvent coïncidé avec d’intenses rivalités géopolitiques. Les fondements de la révolution informatique et des télécommunications, pour donner l’exemple le plus récent d’une innovation axée sur la sécurité, trouvent leur origine dans la concurrence de la guerre froide.

[5] La puissance économique renforce la capacité d’un pays à faire la guerre. Elle donne aux États un pouvoir sur les chaînes d’approvisionnement mondiales. Elle accroît la puissance douce d’un pays par l’exportation de ses valeurs. En bref, la capacité d’un pays à projeter sa puissance sur la scène internationale dépend maintenant largement de sa capacité à rivaliser dans les industries de pointe où la concurrence est la plus féroce. Voir Groupe de travail sur la sécurité nationale, « Une stratégie de sécurité nationale pour les années 2020 », École supérieure d’affaires publiques et internationales, Université d’Ottawa, mai 2020, pages 9-10, lien : https://www.uottawa.ca/publisher/sites/g/files/bhrskd311/files/2022-12/rapport_secnat_esapi_mai2022.pdf; Aaron Shull et Wesley Wark, « Reimagining a Canadian National Security Strategy, » Centre pour l’innovation dans la gouvernance internationale, 6 décembre 2021, pages 14-18 lien : https://www.cigionline.org/publications/reimagining-a-canadian-national-security-strategy/.

[6] Voir Bureau du Conseil privé, « Allocution du conseiller à la sécurité nationale et au renseignement auprès du premier ministre au Centre pour l’innovation dans la gouvernance internationale », Gouvernement du Canada, 8 juin 2021, lien : https://www.canada.ca/fr/conseil-prive/services/conseiller-securite-nationale-renseignement-defis.html; Intelligence and Security Committee of Parliament, « China », Parlement du Royaume-Uni, 13 juillet 2023, paragraphes 9 et 49, lien : https://isc.independent.gov.uk/wp-content/uploads/2023/07/ISC-China.pdf.

[7] Selon les prévisions, le Canada aura l’économie la moins performante des pays industrialisés entre 2020 et 2030. Voir Organisation de coopération et de développement économiques, « The Long Game: Fiscal Outlooks to 2060 Underline Need for Structural Reform », 19 octobre 2021, page 13, lien : .

[8] Ceci est notamment les dépenses des entreprises en recherche et développement, la commercialisation de la propriété intellectuelle et la rétention des talents. Le Canada s’est classé 22e sur 44 nations suivies par l’Organisation de coopération et de développement économiques en ce qui concerne les dépenses intérieures en recherche et développement en proportion du produit intérieur brut en 2020. Voir Organisation de coopération et de développement économiques, « OECD Main Science and Technology Indicators Highlights », mars 2022, page 2,lien : https://www.oecd.org/sti/msti-highlights-march-2022.pdf. Le Canada s’est classé 17e dans l’Indice mondial de l’innovation 2020 de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle. Les importations d’innovation du Canada (9e) ont largement dépassé ses exportations d’innovation (22e). Voir Office de la propriété intellectuelle du Canada, « Rapport sur la PI au Canada 2019 », Gouvernement du Canada, septembre 2019, page 6, lien : https://ised-isde.canada.ca/site/office-propriete-intellectuelle-canada/sites/default/files/attachments/2022/IP_Canada_Report_2019_fra.pdf. Dans le Global Talent Competitiveness Index 2022, un indice de compétitivité mondiale relatif aux talents, le Canada est tombé à la 15e place, alors qu’il était 9e en 2015, avec ses notes les plus faibles en matière de rétention des immigrants (19e). Voir INSEAD, « The Global Talent Competitiveness Index 2022 », novembre 2022, page 32, lien : https://www.insead.edu/sites/default/files/assets/dept/fr/gtci/GTCI-2022-report.pdf.

[9]Voir Australian Strategic Policy Institute, « Critical Technology Tracker, Appendix 1.1 : Top 5 country visual snapshot », avril 2023, lien : https://ad-aspi.s3.ap-southeast-2.amazonaws.com/2023-03/PB69-CriticalTechTracker-Appendix-1.1_0.pdf?VersionId=A_QAiK_ps0.4cYJ.qfJB1eoEk15SlqYq.

Les menaces pour la sécurité économique représentent des risques sérieux de dommages importants pour notre société 

Soyons clairs : toutes les attaques dirigées contre des entreprises canadiennes ne constituent pas des menaces pour la sécurité économique nécessitant une réponse en matière de sécurité nationale. La plupart des menaces actuelles peuvent être contrées par des outils conventionnels, tels que les procédures civiles.

Les menaces pour la sécurité économique sont différentes. Elles représentent des risques sérieux de dommages importants pour notre pays dans son ensemble — pour notre souveraineté, nos valeurs, notre économie et notre population. En tant que telles, elles dépassent largement la capacité des outils conventionnels à y faire face seuls et nécessitent une réponse nationale coordonnée.

Le Canada est confronté à une série de menaces liées à la sécurité économique qui érodent la compétitivité économique du pays en faisant pencher la balance à l’avantage d’autres pays. La liste est longue. Elle est constituée de mercantilisme, de l’armement du commerce, d’espionnage, de cyberattaques, d’influence étrangère malveillante et de recherche universitaire cooptée.

Les acteurs soutenus par des États en sont les principaux auteurs.[10] Le gouvernement du Canada identifie régulièrement les activités perturbatrices de pays tels que la Chine, la Russie, l’Iran et la Corée du Nord comme posant les « plus graves menaces stratégiques » pour la sécurité du Canada.[11]

Mercantilisme : en concurrence avec l’« État, inc. »

Le Canada et ses alliés adhèrent à un ensemble commun de valeurs de marché — telles que la primauté du droit — qui garantissent que la concurrence économique se déroule sur un pied d’égalité.[12]

Les auteurs de menace stratégique rejettent ces règles reconnues mondialement. Ils adoptent de plus en plus de pratiques mercantilistes visant à donner à leurs champions nationaux les avantages nécessaires pour remplacer les importations par la production nationale, avancer dans les chaînes de valeur mondiales et gagner des parts de marché mondiales dominantes dans des secteurs stratégiques.[13]

La liste des pratiques prédatrices est longue. Il s’étend bien au-delà du soutien généralement admis aux industries nationales, et est constitué de la manipulation des devises locales pour donner à leurs champions nationaux un avantage de prix injuste sur les marchés étrangers, de l’obligation pour les entreprises étrangères de transférer des technologies de pointe aux champions nationaux comme condition préalable à l’accès à leurs marchés, et de l’octroi de subventions industrielles massives aux champions nationaux pour leur permettre de mener des activités non rentables qui anéantissent la concurrence étrangère.[14]

Ces interventions mercantilistes signifient que les entreprises canadiennes ne sont pas en concurrence avec une société commerciale typique. Au contraire, elles opèrent sur des règles du jeu inégales, en rivalisant avec la force et les ressources d’un État étranger.[15] Autrement dit : « État, inc. »

Le mercantilisme mine la société canadienne en introduisant dans notre économie des entreprises non compétitives et inefficaces qui sont en mesure d’accepter des pertes financières importantes pour surenchérir sur les entreprises canadiennes et leur faire concurrence, parce qu’elles sont gouvernées par les intérêts de l’État et non par ceux des actionnaires.[16] Ceci, à son tour, détruit les industries nationales et ne donne au Canada d’autre choix que de compter sur les champions nationaux pour les intrants économiques essentiels.[17]

Cette dépendance est problématique. Les limites floues entre la politique de l’État et les activités privées signifient que même les entreprises ostensiblement privées n’ont souvent pas d’autre choix que de soutenir les objectifs de leur gouvernement en matière de sécurité nationale. Cela inclut le soutien, l’assistance et la coopération avec leurs agences de renseignement.[18]

L’armement du commerce : transformer une activité à somme positive en un jeu à somme nulle

La prospérité des Canadiens repose sur un système commercial international équitable, prévisible et ouvert. Ce système crée de bons emplois bien rémunérés pour les Canadiens, favorise la concurrence et le choix des produits et fait baisser les prix à la consommation.

Notre dépendance à l’égard du commerce international nous rend également vulnérables. Les auteurs de menace stratégique cherchent à étendre leur influence mondiale en utilisant la dépendance du Canada à l’égard du commerce pour faire pression sur le gouvernement du Canada, l’inciter ou l’influencer afin qu’il prenne des mesures conformes à leurs priorités nationales.[19]

Ces acteurs emploient diverses tactiques pour contraindre le gouvernement du Canada. Ils peuvent limiter la circulation de biens essentiels pour lesquels il n’existe pas de substituts, refuser l’accès réciproque aux marchés nationaux et soumettre les biens canadiens à des inspections et des conditions d’importation onéreuses.[20]

Alors que les exportations canadiennes soutiennent plus d’un emploi sur six dans le pays,[21]

l’armement du commerce peut directement menacer les moyens de subsistance des Canadiens. En effet, entre 2019 et 2020, le ciblage du secteur du canola par la Chine a coûté aux agriculteurs canadiens plus de 2,35 milliards de dollars en pertes d’exportations et en baisse des prix.[22]

L’armement du commerce a également des répercussions économiques plus vastes. En tant que puissance moyenne dont l’économie est dépendante du commerce, le Canada est tributaire d’un système commercial international fondé sur des règles pour promouvoir ses intérêts économiques nationaux[23]. L’armement du commerce met en péril ce système en remettant en question des normes et des lois internationales largement acceptées.

Comme l’invasion non provoquée de l’Ukraine par la Russie l’a également mis en évidence pour nos alliés européens, une dépendance excessive à l’égard d’un acteur de la menace stratégique pour des apports économiques essentiels, en particulier un acteur dont les valeurs et les intérêts divergent de manière systémique, peut s’avérer à la fois coûteuse[24] et mortelle[25] pour la société.

Le Canada dépend d’auteurs de menace stratégique pour un large éventail de produits de base essentiels à la sécurité et à la prospérité des Canadiens. Sur la base de données compilées par les Nations Unies, une étude récente a révélé que le Canada est stratégiquement dépendant de la Chine, un pays qui a l’habitude d’armer le commerce, pour au moins 367 catégories de marchandises.[26] Quatre-vingt-trois de ces catégories desservent les infrastructures essentielles dont les Canadiens dépendent quotidiennement pour chauffer et alimenter leurs maisons, transporter leurs produits à destination et en provenance des marchés internationaux, et communiquer avec leurs proches à travers notre vaste pays.[27]

Espionnage : utiliser l’ingéniosité canadienne contre les Canadiens

En tant qu’économie de marché avancée abritant un grand nombre des entreprises les plus prospères et les plus innovantes du monde, le Canada est devenu une cible attrayante pour les États qui cherchent à faire progresser leurs industries nationales par l’espionnage.[28]

Les auteurs de menace stratégique utilisent un large éventail de méthodes pour voler secrètement des informations commercialement précieuses, telles que des plans d’affaires confidentiels, des processus de fabrication exclusifs et de la propriété intellectuelle.

Ces méthodes sont notamment le recours à des agents du renseignement et à des pirates informatiques affiliés à l’État, à des personnes internes à l’entreprise disposant d’un accès légitime, ainsi qu’à des coentreprises et à des partenariats de recherche universitaire apparemment inoffensifs.[29]

Les entreprises sont généralement ciblées directement. L’arrestation en 2022 d’un employé d’une compagnie d’électricité accusé d’avoir volé des secrets industriels au profit de la Chine en est un exemple.[30]

Cependant, les informations des entreprises seront ciblées, quel que soit l’endroit où elles se trouvent.[31] En 2014, on a découvert qu’un cyberacteur soutenu par l’État chinois avait mis en péril les systèmes numériques du Conseil national de recherches.[32] L’acteur a volé plus de 40 000 fichiers, qui étaient notamment « des éléments de propriété intellectuelle, de l’information sur la recherche de pointe et des renseignements confidentiels d’entreprises » partenaires du secteur privé de l’agence gouvernementale.[33]

Le vol de l’ingéniosité canadienne est exploité pour construire ou améliorer les produits des champions nationaux. Sans avoir à faire des dizaines d’années d’investissements coûteux, par exemple dans la recherche et le développement, le vol par l’État donne à ces entreprises une longueur d’avance sur les entreprises canadiennes.[34]

Les informations volées sont également utilisées pour donner aux champions nationaux un aperçu des transactions commerciales des entreprises canadiennes, par exemple dans le cadre d’appels d’offres importants pour des marchés publics à l’étranger.[35] Comme le fait remarquer un expert, « si le résultat net d’une entreprise canadienne est déjà connu, il sera facile pour l’autre partie de surenchérir ou de négocier autour d’elle ». [36]

Ces tactiques détruisent collectivement l’incitation des entreprises canadiennes à innover et à se développer.[37] Avec le temps, elles risquent d’exclure définitivement les entreprises canadiennes des marchés mondiaux.[38]

Bien qu’il n’existe actuellement aucune estimation précise du coût de l’espionnage économique dans notre pays, des études réalisées aux États-Unis[39] montrent que le coût pour les Canadiens s’élève probablement à des dizaines de milliards de dollars par an.

Les cyberattaques : une perturbation de l’épine dorsale de la société canadienne

Tout comme la révolution industrielle a apporté d’énormes avantages à la société, la révolution numérique en cours[40] a le potentiel de faire de même. Elle peut aider les entreprises à atteindre de nouveaux acheteurs et marchés, à fabriquer des produits plus rapidement et plus efficacement, et à améliorer la commodité, le choix et la valeur pour le consommateur.

Cependant, à mesure que les interactions internationales se déplacent dans le cyberespace, nous avons constaté une montée en flèche des cyberattaques ciblant les entreprises canadiennes.

Les entreprises canadiennes représentent plus de la moitié de toutes les cybervictimes connues dans ce pays et sont la cible la plus fréquente des cyberattaques d’inspiration géopolitique menées contre le Canada[41]. Pour donner une idée de l’ampleur du problème, deux entreprises canadiennes sur cinq ont été victimes d’une cyberattaque au cours des deux dernières années.[42]

L’impact est énorme. Les attaques entraînent souvent une atteinte à la réputation, une perte de revenus et de possibilités commerciales, des répercussions juridiques, ainsi que des dommages durables à l’infrastructure et aux opérations de l’entreprise. Selon une estimation, les rançongiciels[43] ont à eux seuls coûté à l’économie canadienne 4,3 milliards de dollars américains en rançons payées et en perte de productivité en 2021[44].

Les cyberattaques contre les infrastructures essentielles — telles que les réseaux électriques, les réseaux de télécommunication et les gazoducs — sont particulièrement inquiétantes, compte tenu de leur fréquence accrue et de leur capacité à causer des ravages à grande échelle dans la vie quotidienne des Canadiens.

Les opérateurs d’infrastructures essentielles continueront d’être confrontés à un risque élevé de la part des cybercriminels, y compris ceux qui sont affiliés à des États-nations, en raison des « poches pleines » des opérateurs et de « l’impact des temps d’arrêt opérationnel sur les clients [des opérateurs] »[45]. On s’attend à ce que les acteurs étatiques continuent à cibler les infrastructures essentielles pour « se prépositionner en cas d’éventuelles hostilités et de faire acte de force et d’intimidation »[46].

Parmi les incidents récents survenus au Canada touchant des infrastructures essentielles, on peut citer les suivants :

  • En mai 2022, un « groupe de cybercriminels russophones » a perturbé les opérations d’une entreprise aérospatiale canadienne fournissant des services d’ingénierie et de recherche et développement aux Forces armées canadiennes. L’entreprise avait récemment été sélectionnée pour participer à la modernisation de la flotte d’hélicoptères CH-146 Griffon.[47]
  • En avril 2023, un groupe de pirates informatiques « prorusses » a lancé une série d’attaques par déni de service pendant la visite du premier ministre de l’Ukraine au Canada. Ces attaques ont provoqué la panne des sites Web de nombreuses grandes entreprises canadiennes dans les secteurs des services publics, des transports et du secteur bancaire.[48]
  • En avril 2023, une fuite de renseignements a révélé que des « pirates informatiques soutenus par la Russie » avaient accédé aux systèmes numériques d’un distributeur canadien de gaz naturel et en avaient pris le contrôle.[49] Le chef du Centre canadien pour la cybersécurité a affirmé que les pirates « avaient le potentiel de causer des dommages physiques » aux réseaux des distributeurs.[50]

Il est difficile d’exagérer l’importance des infrastructures essentielles pour la sûreté, la sécurité et la prospérité des Canadiens. Bien qu’elle ne résulte pas d’une cyberattaque, une panne d’électricité survenue en août 2003 et qui a duré moins d’une semaine a entraîné une perte estimée à 2,3 milliards de dollars pour l’économie de l’Ontario, a contribué à une baisse de 0,7 % du PIB du Canada en août et a très probablement causé des pertes de vies humaines.[51] Compte tenu de la croissance de l’économie canadienne au cours des 20 années qui se sont écoulées depuis, l’impact d’une panne similaire provoquée par la cybernétique serait de plusieurs ordres de grandeur supérieurs.

Influence étrangère malveillante : érosion de la confiance des Canadiens

Les États étrangers cherchent à influencer la société canadienne. La plupart de ces activités sont parfaitement légitimes. Il est à la fois légal et approprié pour les États étrangers d’afficher des opinions sur les affaires intérieures du Canada et d’exprimer ces opinions avec les Canadiens.[52]

Cependant, les États étrangers s’écartent de la diplomatie pour exercer une influence étrangère malveillante inacceptable lorsque leurs activités sont secrètes, trompeuses ou menaçantes.[53]

Le discours actuel sur l’influence étrangère malveillante se concentre à juste titre sur l’intégrité des processus démocratiques et sur la sûreté et la sécurité des groupes ethniques ou culturels ciblés.

Cependant, les auteurs de menace stratégique ciblent activement tous les aspects de la société canadienne pour faire avancer leurs intérêts stratégiques à notre détriment.[54] Cela inclut le recours à des tiers qui utilisent des tactiques trompeuses en ligne pour nuire à des secteurs stratégiquement importants de l’économie canadienne.

En juin 2022, un acteur malveillant ayant des liens possibles avec la Chine a déployé des milliers de comptes de médias sociaux inauthentiques pour mener une campagne de désinformation coordonnée contre une entreprise canadienne développant une mine de terres rares dans le nord de la Saskatchewan.[55]

Peu après l’annonce du projet par la société minière, des messages inauthentiques sur les médias sociaux ont commencé à cibler les habitants de la région avec de fausses affirmations concernant le bilan environnemental et social du projet.[56]

Une publication d’« Ashely Wilson » affirme que « [l] a protection du lac, la responsabilité de chacun, si une fois l’exploitation minière, comment assurer la santé des travailleurs, résister fermement. »[57] Un autre utilisateur, « Farrah », a déclaré : « [c] e n’est pas excitant, nos lacs seront détruits ». [58] « Brown Emily » et « Gonzales Bonnie » se sont montrées tout aussi consternées, qualifiant respectivement la découverte de « terrible » et de « terrifiante »[59].

Le plan d’attaque était clair : attiser l’opposition locale contre le projet, forcer l’arrêt des activités des mineurs et saper un secteur essentiel à la sécurité et à la prospérité du Canada.[60]

À une époque où les rivalités géopolitiques s’exacerbent, ces attaques deviennent de plus en plus la norme. Parmi les autres attaques récentes ciblant l’économie canadienne, on peut citer les campagnes de désinformation russes et iraniennes qui critiquent les pipelines d’énergie et les politiques d’immigration du gouvernement du Canada.[61]

Recherche universitaire en cooptation : exploiter l’ouverture et la collaboration du Canada

La recherche universitaire ouverte et collaborative est indispensable pour repousser les limites de la science et de la technologie canadiennes. Cependant, les auteurs de menace stratégique exploitent cette caractéristique de nos établissements universitaires pour faire avancer leurs priorités à nos dépens.[62]

Ils peuvent déployer des professeurs invités, des collaborateurs du secteur privé ou des organisations à but non lucratif pour obtenir un accès non autorisé à des informations, des compétences ou des technologies précieuses.[63]

Dans certains cas, la cooptation de recherches menées par le Canada peut conduire à des avancées dans les capacités stratégiques, militaires ou de renseignement d’États étrangers.[64]

Par exemple, au lieu de renforcer les capacités défensives du Canada par le développement national et la commercialisation de technologies de pointe, nous avons vu à plusieurs reprises des institutions universitaires canadiennes conclure des partenariats qui soutiennent les ambitions militaires d’États étrangers.

De 2018 à 2023, des universitaires de dix grandes universités canadiennes ont publié plus de 240 articles conjoints sur des sujets de recherche avancés, notamment la cryptographie quantique, la photonique et les sciences spatiales, avec des scientifiques militaires travaillant au sein de la plus grande institution militaire chinoise.[65]

Notes de bas de page

[10] Les activités des acteurs non étatiques présentent également des risques pour la sécurité du Canada. Par exemple, la plupart des activités criminelles n’atteignent pas le niveau d’une menace à la sécurité économique. Mais lorsque la criminalité est susceptible de nuire aux Canadiens à une échelle potentiellement illimitée ou sans discernement, elle sera considérée comme une menace nécessitant une réponse en matière de sécurité nationale. Les rançongiciels ciblant les infrastructures essentielles en est un excellent exemple. Cependant, il est également important de souligner que la distinction entre les acteurs étatiques et non étatiques est devenue de plus en plus floue. Le Centre canadien pour la cybersécurité, par exemple, note qu’il est « presque assuré » que les services de renseignement de plusieurs pays « collaborent avec des cybercriminels qui se livrent à des stratagèmes par rançongiciel ». Dans cette collaboration avec bénéfices mutuels, « les cybercriminels échangent des données avec les services de renseignement et ces derniers leur permettent de poursuivre leurs opérations sans avoir à respecter les lois ». Voir Centre canadien pour la cybersécurité, « Évaluation des cybermenaces nationales: 2020 » Gouvernement du Canada, 16 novembre 2020, page 22, lien : https://www.cyber.gc.ca/sites/default/files/cyber/publications/ncta-2020-f-web.pdf.

[11] Voir Centre canadien pour la cybersécurité, « Évaluation des cybermenaces nationales 2020 » Gouvernement du Canada, 16 novembre 2020, page 5, lien : ; Centre canadien pour la cybersécurité, « Évaluation des cybermenaces nationales 2023-2024 », Gouvernement du Canada, 28 octobre 2022, page 13, lien : https://publications.gc.ca/collections/collection_2022/cstc-csec/D98-4-2023-fra.pdf; Comité permanent de la sécurité publique et nationale, « Témoignage de Caroline Xavier », Évaluation de la posture de sécurité du Canada par rapport à la Russie, numéro 037, 44elégislature, 1re session, 6 octobre 2022, lien : https://www.noscommunes.ca/DocumentViewer/fr/44-1/SECU/reunion-37/temoignages ; Bureau du Conseil privé, « Allocution du conseiller à la sécurité nationale et au renseignement auprès du premier ministre au Centre pour l’innovation dans la gouvernance internationale », Gouvernement du Canada, 8 juin 2021, lien : ; Service canadien du renseignement de sécurité, « Allocution de M. David Vigneault, directeur du SCRS, au Centre pour l’innovation dans la gouvernance internationale », Gouvernement du Canada, 9 février 2021, lien : https://www.securitepublique.gc.ca/cnt/trnsprnc/brfng-mtrls/prlmntry-bndrs/20210625/28-fr.aspx ; Service canadien du renseignement de sécurité, « Matériel de transition pour le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile », Gouvernement du Canada, 25 février 2022, lien : https://www.canada.ca/fr/service-renseignement-securite/organisation/transparence/document-dinformation/2021-materiel-de-transition/contexte-de-la-menace.html.

[12] Stephanie Carvin souligne que « les systèmes de marché libre/capitaliste ont besoin de règles du jeu équitables et de la primauté du droit pour fonctionner efficacement ». Voir Stephanie Carvin, « Stand on Guard: Reassessing Threats to Canada’s National Security » , Toronto University Press, mai 2021, page 144.

[13] Voir Stephanie Carvin, « Stand on Guard:Reassessing Threats to Canada’s National Security », Toronto University Press, mai 2021, page 144 ; Robert D. Atkinson, « What is Chinese ‘Innovation Mercantilism’ and How Should the UK and Allies Respond? », Information Technology and Innovation Foundation, juin 2021, pages 1-3, lien : https://static1.squarespace.com/static/5f75a6c74b43624d99382ab6/t/60d9958153ee2b4b30210fc0/1624872326116/China+Research+Group+-+NATO+for+Trade+-+June.pdf.

[14] Voir Robert D. Atkinson, « What is Chinese ‘Innovation Mercantilism’ and How Should the UK and Allies Respond? », Information Technology and Innovation Foundation, juin 2021, pages 1-3, lien : https://static1.squarespace.com/static/5f75a6c74b43624d99382ab6/t/60d9958153ee2b4b30210fc0/1624872326116/China+Research+Group+-+NATO+for+Trade+-+June.pdf ; Voir Robert D. Atkinson, « Innovation Drag: China’s Economic Impact on Developed Nations », Information Technology and Innovation Foundation, 6 janvier 2020, lien : https://itif.org/publications/2020/01/06/innovation-drag-chinas-economic-impact-developed-nations/.

[15] Stephanie Carvin note que « l’ensemble des stratégies et tactiques des auteurs de menace stratégique visent à biaiser le paysage économique canadien ». Voir Stephanie Carvin, « Stand on Guard: Reassessing Threats to Canada’s National Security » , Toronto University Press, mai 2021, page 144.

[16] Voir Sephanie Carvin, « Stand on Guard: Reassessing Threats to Canada’s National Security », Toronto University Press, mai 2021, pages 144-145.

[17] Voir Stephanie Carvin, « Stand on Guard:Reassessing Threats to Canada’s National Security », Toronto University Press, mai 2021, page 144.

[18] Voir Murray Scot Tanner, « Beijing’s New National Intelligence Law: From Defense to Offense », Lawfare, 20 juillet 2017, lien: https://www.lawfareblog.com/beijings-new-national-intelligence-law-defense-offense ; Intelligence and Security Committee of Parliament, « China », Parlement du Royaume-Uni, 13 juillet 2023, paragraphe 8, lien: https://isc.independent.gov.uk/wp-content/uploads/2023/07/ISC-China.pdf.

[19] Voir Matthew Reynolds et Matthew P Goodman, « Deny, Deflect, Deter: Countering China’s Economic Coercion », Centre for Strategic and International Studies, mars 2023, https://csis-website-prod.s3.amazonaws.com/s3fs-public/2023-03/230321_Goodman_CounteringChina%27s_EconomicCoercion.pdf?VersionId=UnF29IRogQV4vH6dy6ixTpfTnWvftd6v.

[20] Voir Matthew Reynolds et Matthew P Goodman, « Deny, Deflect, Deter: Countering China’s Economic Coercion », Centre for Strategic and International Studies, mars 2023, https://csis-website-prod.s3.amazonaws.com/s3fs-public/2023-03/230321_Goodman_CounteringChina%27s_EconomicCoercion.pdf?VersionId=UnF29IRogQV4vH6dy6ixTpfTnWvftd6v.

[21] Voir Affaires mondiales Canada, « Le point sur le commerce 2022 : Les avantages des accords de libre-échange », Gouvernement du Canada, 1er août 2022, page 14, lien : https://www.international.gc.ca/transparency-transparence/state-trade-commerce-international/2022.aspx?lang=fra.

[22] Voir Left Field Commodity Research, « Case Study – Impacts of the Chinese Trade Restrictions on the Canadian Canola Industry, Final Report », février 2021, page 22, lien : https://www.canolacouncil.org/wp-content/uploads/2021/03/CCC-Market-Access-Impact-Report-China-Final.pdf.

[23] Bien qu’il soit la neuvième économie mondiale, le Canada se classe troisième sur 164 membres de l’Organisation mondiale du commerce en ce qui concerne la fréquence des différends soumis pour résolution, et sixième pour le nombre de différends défendus. Voir Valerie Hughes, « Canada: A Key Player in WTO Dispute Settlement », Centre pour l’innovation dans la gouvernance internationale, février 2018, page 2, lien : https://www.cigionline.org/static/documents/documents/Reflections%20Series%20Paper%20no.11%20HughesWEB.pdf.

[24] Sans accès à l’importation d’énergie russe à bas prix, l’Allemagne, moteur économique de l’Europe, a perdu une source essentielle de sa puissance industrielle. Cela pourrait menacer la prospérité de tout le continent. Voir Constanze Stelzenmüller, « A German has crisis will cause jitters across Europe », The Brookings Institution, 18 juillet 2022, lien : https://www.brookings.edu/articles/a-german-gas-crisis-will-cause-jitters-across-europe/ ; Matthew Karnitschnig, « Rust Belt on the Rhine », POLITICO, 13 juillet 2023, lien : https://www.politico.eu/article/rust-belt-on-the-rhine-the-deindustrialization-of-germany/.

[25] La modélisation montre que les prix élevés de l’énergie, résultant de la perte des importations d’énergie russe bon marché, ont coûté la vie à 68 000 Européens au cours de l’hiver 2022-2023. Voir The Economist, « Expensive energy may have killed more Europeans than covid-19 last winter », 10 mai 2023, lien : https://www.economist.com/graphic-detail/2023/05/10/expensive-energy-may-have-killed-more-europeans-than-covid-19-last-winter.

[26] Voir James Rogers, Dr Andrew Foxall, Matthew Henderson et Sam Armstrong, « Breaking the China Supply Chain : How the ’Five Eyes’ can Decouple from Strategic Dependency », Henry Jackson Society, 14 mai 2020, page 5, lien : https://henryjacksonsociety.org/publications/breaking-the-china-supply-chain-how-the-five-eyes-can-decouple-from-strategic-dependency/.

[27] Voir James Rogers, Dr Andrew Foxall, Matthew Henderson et Sam Armstrong, « Breaking the China Supply Chain : How the ’Five Eyes’ can Decouple from Strategic Dependency », Henry Jackson Society, 14 mai 2020, page 5, lien : https://henryjacksonsociety.org/publications/breaking-the-china-supply-chain-how-the-five-eyes-can-decouple-from-strategic-dependency/.

[28] Voir Stephanie Carvin, « Stand on Guard:Reassessing Threats to Canada’s National Security », Toronto University Press, mai 2021, page 119 ; Service canadien du renseignement de sécurité, « Allocution de M. David Vigneault, directeur du SCRS, au Centre pour l’innovation dans la gouvernance internationale », Gouvernement du Canada, 9 février 2021, lien : https://www.securitepublique.gc.ca/cnt/trnsprnc/brfng-mtrls/prlmntry-bndrs/20210625/28-fr.aspx.

[29] Voir Service canadien du renseignement de sécurité, « Allocution de M. David Vigneault, directeur du SCRS, au Centre pour l’innovation dans la gouvernance internationale », Gouvernement du Canada, 9 février 2021, lien : https://www.securitepublique.gc.ca/cnt/trnsprnc/brfng-mtrls/prlmntry-bndrs/20210625/28-fr.aspx.

[30] Voir Gendarmerie royale du Canada, « Accusations d’espionnage contre un employé d’Hydro-Québec », Gouvernement du Canada, 14 novembre 2022, lien : https://www.rcmp-grc.gc.ca/fr/nouvelles/2022/accusations-despionnage-employe-dhydro-quebec.

[31] Selon le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, le gouvernement « détient une quantité énorme de données sur […] les entreprises et les secteurs de l’innovation du Canada ». Les auteurs de menace stratégique sont conscients de ce fait. Le Comité affirme que les auteurs de menace stratégique cherchent à compromettre les systèmes gouvernementaux afin de « miner la vitalité d’entreprises précises et de l’économie ». Voir Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, « Rapport spécial sur le cadre et les activités du gouvernement pour défendre ses systèmes et ses réseaux contre les cyberattaques », Gouvernement du Canada, 14 février 2022, paragraphe 1, lien : https://www.nsicop-cpsnr.ca/reports/rp-2022-02-14/2022-cyber-attack-framework-report-fr.pdf. La même logique s’applique aux institutions universitaires. Le Comité souligne que les auteurs de menace stratégique « tentent d’utiliser les aspects ouverts ou innovateurs de ces établissements [d’enseignement postsecondaire canadiens] pour faire avancer leurs propres objectifs, [notamment] […] l’espionnage et le vol de propriété intellectuelle ». Voir Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, « Rapport annuel 2019 », Gouvernement du Canada, 12 mars 2020, paragraphe 171, lien : https://www.nsicop-cpsnr.ca/reports/rp-2020-03-12-ar/annual_report_2019_public_fr.pdf;

[32] Voir Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, « Rapport spécial sur le cadre et les activités du gouvernement pour défendre ses systèmes et ses réseaux contre les cyberattaques », Gouvernement du Canada, 14 février 2022, page 107, lien : https://www.nsicop-cpsnr.ca/reports/rp-2022-02-14/2022-cyber-attack-framework-report-fr.pdf.

[33] Voir Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, « Rapport spécial sur le cadre et les activités du gouvernement pour défendre ses systèmes et ses réseaux contre les cyberattaques », Gouvernement du Canada, 14 février 2022, page 107, lien : https://www.nsicop-cpsnr.ca/reports/rp-2022-02-14/2022-cyber-attack-framework-report-fr.pdf.

[34] Voir Stephanie Carvin, « Stand on Guard:Reassessing Threats to Canada’s National Security », Toronto University Press, mai 2021, page 119.

[35] Voir Stephanie Carvin, « Stand on Guard:Reassessing Threats to Canada’s National Security », Toronto University Press, mai 2021, page 119.

[36] Voir Stephanie Carvin, « Stand on Guard:Reassessing Threats to Canada’s National Security », Toronto University Press, mai 2021, page 119.

[37] Voir Robert D. Atkinson, « Innovation Drag: China’s Economic Impact on Developed Nations », Information Technology and Innovation Foundation, 6 janvier 2020, lien : https://itif.org/publications/2020/01/06/innovation-drag-chinas-economic-impact-developed-nations/.

[38] Voir Robert D. Atkinson, « Innovation Drag: China’s Economic Impact on Developed Nations », Information Technology and Innovation Foundation, 6 janvier 2020, lien : https://itif.org/publications/2020/01/06/innovation-drag-chinas-economic-impact-developed-nations/.

[39] Aux États-Unis, une commission indépendante a estimé que l’espionnage économique et le vol de propriété intellectuelle pratiqués par des auteurs de menace stratégique coûtaient à l’économie américaine jusqu’à 600 milliards de dollars par an, en décourageant les investissements en capital nécessaires à l’innovation et en sapant la compétitivité des employeurs américains à l’étranger. Voir The Commission on the Theft of American Intellectual Property, « Written Comments on Behalf of the Commission on the Theft of American Intellectual Property to the United States Trade Representative », Gouvernement des États-Unis, 11 mai 2018, page 3, lien : https://www.nbr.org/wp-content/uploads/pdfs/publications/ustr_written_comments_301_tariffs-may2018.pdf.

[40] L’économie canadienne se numérise à une vitesse fulgurante. Au cours de la dernière décennie, l’économie numérique du Canada a connu une croissance d’environ 40 % plus rapide que l’économie globale et a généré près de quatre fois plus d’emplois que cette dernière. Voir Statistique Canada, « Mesurer les activités économiques numériques au Canada, 2010 à 2017 », Gouvernement du Canada, 3 mai 2019, lien : https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/190503/dq190503a-fra.htm.

[41] Voir Center on Multidimensional Conflicts, « Geopolitical Cyber Incidents in Canada: 2023 Assessment », Université du Québec à Montréal, juillet 2023, page 5, lien : https://dandurand.uqam.ca/wp-content/uploads/2023/06/2023-06-05-rapport-OCM-ENG.pdf.

[42] Voir Statistique Canada, « Incidents de cybersécurité en 2020 par rapport à 2019, selon les caractéristiques de l’entreprise », Gouvernement du Canada, 28 mai 2021, lien : ;

[43] Le rançongiciel est un type de logiciel malveillant conçu pour bloquer l’accès à un système informatique jusqu’à ce qu’une somme d’argent soit versée.

[44] Voir Emisoft Malware Lab, « The Cost of Ransomware in 2021. A Country-by-Country Analysis », 27 avril 2021, lien : https://www.emsisoft.com/en/blog/38426/the-cost-of-ransomware-in-2021-a-country-by-country-analysis/.

[45] Voir Centre canadien pour la cybersécurité, « Évaluation des cybermenaces nationales 2023-2024 », Gouvernement du Canada, 28 octobre 2022, page 13, lien : https://publications.gc.ca/collections/collection_2022/cstc-csec/D98-4-2023-fra.pdf.

[46] Voir Centre canadien pour la cybersécurité, « Évaluation des cybermenaces nationales 2023-2024 », Gouvernement du Canada, 28 octobre 2022, page 12, lien : https://publications.gc.ca/collections/collection_/cstc-csec/D98-4-2023-fra.pdf.

[47] Voir Center on Multidimensional Conflicts, « Geopolitical Cyber Incidents in Canada: 2023 Assessment », Université du Québec à Montréal, juillet 2023, page 4, lien : https://dandurand.uqam.ca/wp-content/uploads/2023/06/2023-06-05-rapport-OCM-ENG.pdf ; Lyle Adriano, « National defence contractor suffers cyberattack », Insurance Business, 10 juin 2022, lien : https://www.insurancebusinessmag.com/ca/news/cyber/national-defence-contractor-suffers-cyberattack-409136.aspx.

[48] Voir Lillian Roy, « Pro-Russia hackers say they were behind Hydro-Quebec cyberattack » CTV News, 13 avril 2023, lien : https://montreal.ctvnews.ca/pro-russia-hackers-say-they-were-behind-hydro-quebec-cyberattack-1.6353627 ; Tom Blackwell, « ’Trudeau’s being cocky’: Russian hackers claim attacks on PM, Pearson airport and others », 14 avril 2023, lien : }https://nationalpost.com/news/canada/russian-cyber-attacks-canada; Sidhartha Banerjee, « Cyberattack knocks out Hydro-Québec’s website, mobile app », La Presse Canadienne, 13 avril 2023, link: https://globalnews.ca/news/9620864/hydro-quebec-cyber-attack/.

[49] Voir Amanda Stephenson, « Apparent leaked U.S. docs suggest pro-Russian hackers accessed Canada’s gas network. Should we be concerned? », La Presse canadienne, 10 avril 2023, lien : https://www.cbc.ca/news/politics/energy-sector-target-cyberattacks-experts-1.6806300.

[50] Catherine Tunney, « Intelligence agency says cyber threat actor ’had the potential’ to damage critical infrastructure », Canadian Broadcasting Corporation, 13 avril 2023, lien : https://www.cbc.ca/news/politics/cse-critical-infrastructure-1.6809645.

[51] Voir Centre canadien pour la cybersécurité, « Bulletin sur les cybermenaces : Les cyberattaques visant le secteur canadien de l’électricité », Gouvernement du Canada, 30 novembre 2020, lien : https://www.cyber.gc.ca/fr/orientation/bulletin-sur-les-cybermenaces-les-cyberattaques-visant-le-secteur-canadien-de.

[52] Voir Le très honorable David Johnston, Rapporteur spécial indépendant sur l’ingérence étrangère, « Premier rapport », Gouvernement du Canada, 23 mai 2023, page 12, lien : https://www.canada.ca/content/dam/di-id/documents/rpt/rapporteur/Independent-Special-Rapporteur%20-Report-fra.pdf; Stephanie Carvin, « Stand on Guard: Reassessing Threats to Canada’s National Security », Toronto University Press, mai 2021, page 186.

[53] Voir Le très honorable David Johnston, Rapporteur spécial indépendant sur l’ingérence étrangère, « Premier rapport », Gouvernement du Canada, 23 mai 2023, page 12, lien : https://www.canada.ca/content/dam/di-id/documents/rpt/rapporteur/Independent-Special-Rapporteur%20-Report-fra.pdf.

[54] Voir Sécurité publique Canada, « Accroître la transparence en matière d’influence étrangère : Examiner les mesures pour renforcer l’approche du Canada », Gouvernement du Canada, 10 mars 2023, lien : https://www.publicsafety.gc.ca/cnt/rsrcs/pblctns/2023-nhncng-frgn-nfluence/index-fr.aspx.

[55] Voir Mandiant, « Pro-PRC DRAGONBRIDGE Influence Campaign Targets Rare Earths Mining Companies in Attempt to Thwart Rivalry to PRC Market Dominance », 28 juin 2022, lien : https://www.mandiant.com/resources/blog/dragonbridge-targets-rare-earths-mining-companies.

[56] Voir Mandiant, « Pro-PRC DRAGONBRIDGE Influence Campaign Targets Rare Earths Mining Companies in Attempt to Thwart Rivalry to PRC Market Dominance », 28 juin 2022, lien : https://www.mandiant.com/resources/blog/dragonbridge-targets-rare-earths-mining-companies.

[57] Voir Mandiant, « Pro-PRC DRAGONBRIDGE Influence Campaign Targets Rare Earths Mining Companies in Attempt to Thwart Rivalry to PRC Market Dominance », 28 juin 2022, lien : https://www.mandiant.com/resources/blog/dragonbridge-targets-rare-earths-mining-companies.

[58] Voir Mandiant, « Pro-PRC DRAGONBRIDGE Influence Campaign Targets Rare Earths Mining Companies in Attempt to Thwart Rivalry to PRC Market Dominance », 28 juin 2022, lien : https://www.mandiant.com/resources/blog/dragonbridge-targets-rare-earths-mining-companies.

[59] Voir Mandiant, « Pro-PRC DRAGONBRIDGE Influence Campaign Targets Rare Earths Mining Companies in Attempt to Thwart Rivalry to PRC Market Dominance », 28 juin 2022, lien : https://www.mandiant.com/resources/blog/dragonbridge-targets-rare-earths-mining-companies.

[60] Voir Mandiant, « Pro-PRC DRAGONBRIDGE Influence Campaign Targets Rare Earths Mining Companies in Attempt to Thwart Rivalry to PRC Market Dominance », 28 juin 2022, lien : https://www.mandiant.com/resources/blog/dragonbridge-targets-rare-earths-mining-companies ; Heureusement, la campagne de désinformation a échoué. Selon la société de sécurité qui a découvert les attaques, la mauvaise exécution de l’acteur malveillant – mise en évidence par le « tweet » presque incompréhensible d’Ashley Wilson – a été le facteur limitant de la campagne ayant obtenu suffisamment de traction pour faire échouer le projet d’exploitation minière.

[61] Voir Roberto Rocha et Jeff Yates, « Twitter trolls stoked debates about immigrants and pipelines in Canada, data show », Canadian Broadcasting Corporation, 12 février 2019, lien : https://www.cbc.ca/news/canada/twitter-troll-pipeline-immigrant-russia-iran-1.5014750.

[62] Voir Service canadien du renseignement de sécurité, « Protégez vos recherches », Gouvernement du Canada, 31 janvier 2022, lien : ; Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, « Rapport annuel 2019 », Gouvernement du Canada, 12 mars 2020, paragraphe 171, lien : https://www.nsicop-cpsnr.ca/reports/rp-2020-03-12-ar/annual_report_2019_public_fr.pdf.

[63] Voir Intelligence and Security Committee of Parliament, « China », Parlement du Royaume-Uni, 13 juillet 2023, paragraphe 8, lien: https://isc.independent.gov.uk/wp-content/uploads/2023/07/ISC-China.pdf.

[64] Voir Groupe de travail sur la sécurité nationale, « Une stratégie de sécurité nationale pour les années 2020 », École supérieure d’affaires publiques et internationales, Université d’Ottawa, mai 2020, pages 9-10, lien : https://www.uottawa.ca/publisher/sites/g/files/bhrskd311/files/2022-12/rapport_secnat_esapi_mai2022.pdf.

[65] {Voir Steven Chase et Robert Fife, « Canadian universities conducting joint research with Chinese military scientists », The Globe and Mail, 30 janvier 2023, lien : https://www.theglobeandmail.com/politics/article-chinese-military-scientists-canadian-universities/.

L’incapacité à faire face aux menaces croissantes met notre pays en danger 

La nouvelle réalité géopolitique du Canada signifie que la sécurité économique — souvent considérée comme acquise, négligée ou carrément ignorée — est désormais au cœur de la préservation de notre sécurité nationale.

C’est là que réside le défi pour le pays.

Le fait d’avoir négligé pendant des décennies les questions de sécurité économique nous a rendus vulnérables. Pour reprendre les termes mêmes du Service canadien du renseignement de sécurité, le Canada est devenu une « cible attrayante et permissive »[66].

Le fait de ne pas relever ce défi avec urgence et ambition aura des conséquences graves et à long terme pour les Canadiens. Le chef du Centre de la sécurité des télécommunications l’a expliqué de la manière suivante : « La cybersécurité n’est pas quelque chose d’abstrait. Les systèmes numériques n’existent pas en vase clos. Ils existent en relation avec les personnes et ont des conséquences réelles sur leur vie privée, leur prospérité et leur bien-être. »[67]

Si rien n’est fait, les tentatives d’affaiblissement de notre capacité économique entraîneront la perte d’emplois sûrs et bien rémunérés pour les travailleurs canadiens, la perte de recettes fiscales pour financer des services publics essentiels, tels que les soins de santé et les transports publics, ainsi que la perte de leadership dans des industries de pointe essentielles à la force nationale et à la santé économique à long terme du pays.[68]

Ce point revêt une importance accrue puisque le gouvernement du Canada dépense des dizaines de milliards de dollars par an pour promouvoir la transition du Canada vers une économie carboneutre[69]. Si les considérations de sécurité économique — telles que les mesures de lutte contre l’espionnage — ne sont pas intégrées dans les investissements du gouvernement du Canada dans la capacité industrielle, l’argent durement gagné par les contribuables finira probablement par subventionner les industries et la main-d’œuvre carboneutres d’autres pays.

Les attaques visant les entreprises canadiennes portent également atteinte aux valeurs qui nous sont les plus chères en tant que Canadiens. Cela comprend les droits et les libertés que nos lois promettent, tels que le droit des Canadiens à la vie privée, la primauté du droit, ainsi que le principe de la libre entreprise et une concurrence saine.[70]

La menace de cyberattaques punitives contre des infrastructures essentielles illustre bien cette situation. Des cyberacteurs dont les intérêts correspondent à ceux de la Russie ont ciblé des entreprises énergétiques canadiennes pour leur « impact psychologique », notamment pour « affaiblir le soutien [militaire et humanitaire] canadien à l’Ukraine »[71]. En créant des conséquences pour la contestation des comportements illibéraux sur la scène internationale, les cyberattaques punitives sapent la capacité du Canada à affirmer ses valeurs de manière indépendante.

Nous devons également garder à l’esprit que les alliés les plus proches du Canada agissent rapidement en cette période de risques géopolitiques accrus afin d’améliorer leurs capacités à identifier et à atténuer les menaces à la sécurité économique.[72]

Si le Canada n’avance pas au même rythme que ses alliés les plus proches dans le renforcement de sa capacité de sécurité économique, il risque d’être perçu comme un « maillon faible ». Cela mettrait en péril les relations du pays avec ses alliés les plus proches à un moment charnière où l’ordre mondial se transforme et où les partenariats sont les plus importants.

Des indices inquiétants montrent déjà que les plus proches alliés du Canada remarquent sa réticence à affronter sérieusement les menaces croissantes qui pèsent sur la sécurité, ce qui fait que le pays reste de plus en plus à l’écart lorsqu’il s’agit de conversations vitales sur la sécurité.[73]

L’ancien conseiller à la sécurité nationale et au renseignement du premier ministre a écrit que « le rythme glacial auquel le Canada semble s’adapter aux réalités de la concurrence moderne des grandes puissances l’a laissé largement à la traîne, avec des conséquences pour la réputation d’Ottawa auprès de ses alliés »[74].

Cela a probablement contribué à l’exclusion du Canada d’AUKUS, un partenariat de sécurité entre trois des plus proches alliés du Canada visant à aligner les secteurs de la défense et de la technologie des États membres afin de développer la prochaine génération de capacités militaires.[75]

Notes de bas de page

[66] Voir Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, « Rapport annuel 2019 », Gouvernement du Canada, 12 mars 2020, paragraphe 294, lien : https://www.nsicop-cpsnr.ca/reports/rp-2020-03-12-ar/annual_report_2019_public_fr.pdf ; Stephanie Carvin a noté que « l’espionnage contre les entreprises canadiennes est bien réel ». Voir Stephanie Carvin, « Stand on Guard:Reassessing Threats to Canada’s National Security », Toronto University Press, mai 2021, page 116.

[67]Centre de la sécurité des télécommunications, « Discours de la chef Shelly Bruce présenté au Centre pour l’innovation dans la gouvernance internationale », Gouvernement du Canada, mai 18 2021, lien : https://www.cse-cst.gc.ca/fr/ressources-et-information/discours-de-la-chef-shelly-bruce-presente-au-centre-pour-linnovation-dans.

[68] L’examen de la littérature scientifique a montré qu’en réduisant les possibilités commerciales et les profits dont les innovateurs doivent investir, les pratiques des auteurs de menace stratégique ont ralenti le processus d’innovation dans les pays occidentaux. L’innovation est le principal moteur durable de la croissance économique pour les économies avancées comme le Canada. Ainsi, laisser les pratiques des auteurs de menace stratégique se poursuivre sans relâche entravera la capacité de notre économie à générer des possibilités et de la prospérité pour les Canadiens. Voir Robert D. Atkinson, « Innovation Drag: China’s Economic Impact on Developed Nations », Information Technology and Innovation Foundation, 6 janvier 2020, lien : https://itif.org/publications/2020/01/06/innovation-drag-chinas-economic-impact-developed-nations/ ; Le directeur du Service canadien du renseignement de sécurité a fait remarquer qu’ « [e]n compromettant notre capacité à innover et à commercialiser le produit de nos recherches, l’espionnage cause la perte d’emplois et freine la croissance économique. » Voir Service canadien du renseignement de sécurité, « Allocution de M. David Vigneault, directeur du SCRS, au Centre pour l’innovation dans la gouvernance internationale », Gouvernement du Canada, 9 février 2021, lien : https://www.securitepublique.gc.ca/cnt/trnsprnc/brfng-mtrls/prlmntry-bndrs/20210625/28-fr.aspx.

[69] Voir Ministère des Finances Canada, « Budget 2023, chapitre 3 : Le plan canadien : une énergie abordable, de bons emplois et une économie propre en croissance », Gouvernement du Canada, 28 mars 2023, lien : https://www.budget.canada.ca/2023/home-accueil-fr.html.

[70] Voir Centre de la sécurité des télécommunications, « Discours de la chef Shelly Bruce présenté au Centre pour l’innovation dans la gouvernance internationale », Gouvernement du Canada, mai 18 2021, lien : https://www.cse-cst.gc.ca/fr/ressources-et-information/discours-de-la-chef-shelly-bruce-presente-au-centre-pour-linnovation-dans.

[71] Voir Centre canadien pour la cybersécurité, « Cybermenaces contre le secteur pétrolier et gazier du Canada », Gouvernement du Canada, 22 juin 2023, page 8, lien : .

[72] Il s’agit notamment de remanier les politiques, de légiférer sur de nouveaux outils et pouvoirs et d’établir de nouveaux partenariats. Voir Groupe de travail sur la sécurité nationale, « Une stratégie de sécurité nationale pour les années 2020 », École supérieure d’affaires publiques et internationales, Université d’Ottawa, mai 2020, page 2, lien : https://www.uottawa.ca/publisher/sites/g/files/bhrskd311/files/2022-12/rapport_secnat_esapi_mai2022.pdf. Selon le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, l’Australie est « à l’avant-garde des nations occidentales pour ce qui est de s’attaquer à la menace que représente l’ingérence étrangère ». Le Comité souligne que « l’Australie a adopté une série d’outils législatifs pour […] résoudre le problème. Notamment, le pays a ajouté à son code criminel de nouvelles infractions relatives à l’espionnage et a l’ingérence étrangère et a apporté des modifications des infractions comme la trahison et la traîtrise ». Le Comité poursuit en affirmant que « [l]a loi crée un mécanisme transparent qui prévoit l’inscription des personnes agissant comme mandataire des donneurs d’ordre étrangers et dicte des divulgations publiques régulières » et que « [l]’Australie a aussi mis en place un coordonnateur de la lutte nationale contre l’ingérence étrangère mandaté de donner une réponse nationale efficace, efficiente et uniforme a l’ingérence étrangère en fournissant un point central pour la coordination des stratégies et de l’élaboration de programme et dirigeant la collaboration avec les secteurs privés > ». Voir Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, « Rapport annuel 2019 », Gouvernement du Canada, 12 mars 2020, paragraphe 177, lien : https://www.nsicop-cpsnr.ca/reports/rp-2020-03-12-ar/annual_report_2019_public_fr.pdf.

[73] Selon un groupe d’universitaires et de praticiens de premier plan dans le domaine de la sécurité, « nos alliés nous surclassent en prenant des mesures pratiques et concrètes pour contrer les menaces à leur sécurité nationale ». Le groupe affirme qu’ « [à] défaut de réagir avec fermeté, nous mettons […] en péril nos alliés et, conséquemment, nos relations avec eux sur les plans de la sécurité et du renseignement ». Voir Groupe de travail sur la sécurité nationale, « Une stratégie de sécurité nationale pour les années 2020 », École supérieure d’affaires publiques et internationales, Université d’Ottawa, mai 2020, pages 2 et 5, lien : https://www.uottawa.ca/publisher/sites/g/files/bhrskd311/files/2022-12/rapport_secnat_esapi_mai2022.pdf. Des documents classifiés américains ayant fait l’objet d’une fuite indiquent que la résistance de longue date du Canada à atteindre les objectifs de dépenses de l’OTAN a entraîné une frustration croissante chez les alliés. Selon un document, « [l]es insuffisances généralisées en matière de défense entravent les capacités canadiennes, tout en mettant à rude épreuve les relations avec les partenaires et les contributions de l’alliance ». Voir Lili Bayer et Zi-Ann Lum, « NATO vs. Canada, its nicest truant », POLITICO, 15 juin 2023, lien : 4>https://www.politico.eu/article/nato-vs-canada-its-nicest-truant/ ; Christopher Hernandez-Roy, Vincent Rigby et Henry Ziemer, « Canadian Membership in AUKUS : A Time for Action », Center for Strategic and International Studies, 9 mai 2023, lien : https://www.csis.org/analysis/canadian-membership-aukus-time-action.

[74] Voir Christopher Hernandez-Roy, Vincent Rigby et Henry Ziemer, « Canadian Membership in AUKUS : A Time for Action », Center for Strategic and International Studies, 9 mai 2023, lien : https://www.csis.org/analysis/canadian-membership-aukus-time-action.

[75] Voir Christopher Hernandez-Roy, Vincent Rigby et Henry Ziemer, « Canadian Membership in AUKUS : A Time for Action », Center for Strategic and International Studies, 9 mai 2023, lien : https://www.csis.org/analysis/canadian-membership-aukus-time-action.

L’ère des correctifs après coup est révolue

Le gouvernement du Canada a réagi à notre nouvelle réalité géopolitique. Mais ses actions ont été lentes, modestes et fragmentaires.

Cette approche découle en grande partie d’un mode de gouvernance qui répond aux questions immédiates et urgentes qui se posent sans planification à long terme suffisante pour faire face aux auteurs de menace stratégique qui pensent bien au-delà de la durée d’un cycle politique canadien moyen.

Les efforts déployés par le Canada pour lutter contre l’ingérence étrangère démontrent la faiblesse de cette approche. Selon le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, « [l]’absence d’une approche globale […] limite la capacité du Canada à agir sur l’ingérence étrangère ». [76] Le Comité affiche que les « réactions à l’ingérence étrangère demeurent ponctuelles et selon le cas, et ne sont que rarement envisagées dans un contexte élargi ».[77]

L’absence de pouvoirs de partage d’informations accordés au Service canadien du renseignement de sécurité offre un autre exemple des écueils de l’approche. Alors que le ministre de la Sécurité publique a chargé le directeur du Service canadien du renseignement de sécurité, en mai 2022, de veiller à ce que « les organisations qui travaillent dans des domaines délicats sont conscientes des menaces économiques et de sécurité actuelles et émergentes »[78], l’agence ne dispose toujours pas des pouvoirs législatifs nécessaires pour partager de manière proactive des renseignements et des conseils sur les menaces avec ces organisations.[79] Il ne s’agit en aucun cas d’une approche cohérente pour lutter contre les auteurs de menace stratégique qui pensent à long terme et opèrent de manière sophistiquée et généralisée. L’ère des correctifs politiques après coup est révolue.

Notes de bas de page

[76]Voir Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, « Rapport annuel 2019 », Gouvernement du Canada, 12 mars 2020, paragraphe 296, lien : https://www.nsicop-cpsnr.ca/reports/rp-2020-03-12-ar/annual_report_2019_public_fr.pdf

[77] Voir Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, « Rapport annuel 2019 », Gouvernement du Canada, 12 mars 2020, paragraphe 294, lien : https://www.nsicop-cpsnr.ca/reports/rp-2020-03-12-ar/annual_report_2019_public_fr.pdf

[78] Voir Ministre de la Sécurité publique Canada, « Lettre de mandat du directeur 2022 », Gouvernement du Canada, 27 mai 2023, lien : https://www.canada.ca/fr/service-renseignement-securite/organisation/transparence/mandate-dir-mandat-fra.html.

[79] S’adressant à une foule de chercheurs à l’Université de Waterloo en 2021, le directeur du Service canadien du renseignement de sécurité a noté que « [l]a Loi permet au Service de prodiguer des conseils au gouvernement, mais limite sa capacité de fournir des conseils utiles à des partenaires clés, dont bon nombre d’entre vous sont à l’écoute en ce moment ». Voir Service canadien du renseignement de sécurité, « Allocution de M. David Vigneault, directeur du SCRS, au Centre pour l’innovation dans la gouvernance internationale », Gouvernement du Canada, 9 février 2021, lien : https://www.securitepublique.gc.ca/cnt/trnsprnc/brfng-mtrls/prlmntry-bndrs/20210625/28-fr.aspx.

Le Canada doit rattraper ses alliés

Le Canada doit modifier radicalement sa façon d’aborder la sécurité nationale. Pour ce faire, il devra se doter d’une stratégie globale de sécurité nationale qui tienne compte de la complexité des moyens utilisés par les auteurs de menace stratégique pour miner le Canada[80], tout en reconnaissant explicitement que la sécurité économique est au cœur d’une vision nationale plus large, celle d’un pays plus sûr.

Ce n’est qu’ainsi que le gouvernement du Canada pourra tirer pleinement parti de toutes les facettes de sa puissance nationale — y compris ses capacités diplomatiques, de défense, financières, économiques, technologiques et de renseignement — pour préserver de manière efficace notre sécurité économique et garantir notre prospérité, notre sécurité et notre souveraineté communes en cette période de risques géopolitiques accrus.

La seule et unique politique de sécurité nationale du Canada — protéger une société ouverte[81] — n’est pas à la hauteur de la tâche. Publiée il y a près de vingt ans, alors que les attaques terroristes, les armes de destruction massive et l’épidémie de SRAS étaient les préoccupations du moment, cette politique ne mentionne pratiquement pas les menaces qui pèsent aujourd’hui sur la sécurité économique du pays.

Protéger une société ouverte ne correspond donc pas du tout aux stratégies modernes de sécurité nationale des alliés les plus proches du Canada :

USA Flag

La stratégie de sécurité nationale 2022 des États-Unis énonce clairement le principe selon lequel la sécurité économique est la sécurité nationale. La stratégie américaine envisage la sécurité économique d’un point de vue global et multidimensionnel, y compris les échanges et le commerce, la stratégie industrielle et les règles gouvernant le cyberespace. La stratégie souligne que « si les États-Unis veulent réussir […], nous devons investir dans notre innovation et notre force industrielles, et renforcer notre résilience, chez nous ».[82]

Réfléchissant aux « changements dans l’équilibre des pouvoirs [mondiaux] et à l’intensification des compétitions géopolitiques », la stratégie de sécurité nationale 2022 du Japon affirme que « des questions qui n’étaient pas nécessairement considérées comme des cibles de sécurité par le passé, telles que les vulnérabilités de la chaîne d’approvisionnement, les menaces croissantes pesant sur les infrastructures essentielles et les luttes de pouvoir sur les technologies de pointe, sont […] devenues un défi majeur en matière de sécurité ». La stratégie de sécurité du Japon affirme ainsi que « la portée de la sécurité s’est élargie pour inclure le secteur économique, ce qui rend les mesures économiques encore plus nécessaires pour garantir la sécurité ».[83]

La stratégie de sécurité nationale de l’Allemagne pour 2023, intitulée à juste titre Integrated Security for Germany [Sécurité intégrée pour l’Allemagne], suit la même logique. On y lit ce qui suit : « Au XXIe siècle, la sécurité signifie s’assurer que notre chauffage fonctionne en hiver, […] avoir des téléphones intelligents qui fonctionnent parce que l’approvisionnement en puces nécessaires est fiable, […] se rendre au travail en toute sécurité parce que nos trains ne sont pas paralysés par des cyberattaques ».[84]

Même la stratégie de sécurité nationale de l’Australie de 2013 identifie des impératifs économiques clés, tels que la protection de la propriété intellectuelle, des infrastructures essentielles et des chaînes d’approvisionnement, comme étant essentiels à sa sécurité nationale. La stratégie australienne souligne qu’« il existe un lien de renforcement mutuel entre notre sécurité nationale et notre bien-être économique, […] une économie saine soutient notre stabilité et notre sécurité, qui à son tour est propice à la poursuite de nos objectifs économiques personnels et nationaux ».[85]

Le Canada a besoin d’une stratégie de sécurité nationale qui accorde une place centrale à la sécurité économique. Cette stratégie doit décrire les défis actuels et anticipés en matière de sécurité économique, le rôle de la sécurité économique dans la promotion de la sécurité nationale du Canada, les objectifs de la politique de sécurité économique et les moyens par lesquels le Canada peut atteindre ces objectifs.

La stratégie doit également être équilibrée. Tout en étant capable de faire face aux menaces auxquelles les Canadiens sont confrontés au pays et à l’étranger, elle doit également rester conforme aux valeurs démocratiques du Canada et veiller à ce que l’environnement national et international reste propice aux activités transfrontalières bénéfiques, telles que le commerce et l’immigration économique, qui sont au cœur de nos intérêts nationaux.

Autrement dit, la protection de la sécurité économique du Canada ne doit pas servir de prétexte au gouvernement du Canada pour porter atteinte aux droits des Canadiens, adopter des règles protectionnistes en matière de commerce et d’investissement ou découpler complètement ses relations avec les auteurs de menace stratégique.

Ce point ne peut être négligé. Certains des plus proches alliés du Canada ont réagi à notre nouvelle réalité géopolitique d’une manière qui n’est pas toujours à la hauteur de leur engagement à l’égard de l’ordre international fondé sur des règles[86]. Dans de rares cas, ces actions pourraient s’avérer tout aussi néfastes pour la prospérité économique du Canada que la menace posée par les auteurs de menace stratégique.

Notes de bas de page

[80] Voir Aaron Shull et Wesley Wark, « Reimagining a Canadian National Security Strategy », Centre pour l’innovation dans la gouvernance internationale, 6 décembre 2021, lien : https://www.cigionline.org/publications/reimagining-a-canadian-national-security-strategy/ ; Groupe de travail sur la sécurité nationale, « Une stratégie de sécurité nationale pour les années 2020 », École supérieure d’affaires publiques et internationales, Université d’Ottawa, mai 2020, lien : https://www.uottawa.ca/publisher/sites/g/files/bhrskd311/files/2022-12/rapport_secnat_esapi_mai2022.pdf.

[81] Voir Bureau du Conseil privé, « Protéger une société ouverte : la politique canadienne de sécurité nationale », Gouvernement du Canada, avril 2004, lien : https://publications.gc.ca/collections/Collection/CP22-77-2004F.pdf.

[82] Voir Gouvernement des États-Unis, « National Security Strategy », octobre 2022, page 11, lien : https://www.whitehouse.gov/wp-content/uploads/2022/10/Biden-Harris-Administrations-National-Security-Strategy-10.2022.pdf.

[83] Voir Gouvernement du Japon, « National Security Strategy of Japan », décembre 2022, pages 1 et 6, lien : https://www.cas.go.jp/jp/siryou/221216anzenhoshou/nss-e.pdf.

[84] Voir Gouvernement allemand, « Robust, Resilient, Sustain : Integrated Security for Germany », juin 2023, page 6, lien : https://www.nationalesicherheitsstrategie.de/National-Security-Strategy-EN.pdf.

[85] Voir Gouvernement allemand, « Strong and Secure: A Strategy for Australia’s National Security », 2013, page 4, lien : https://www.files.ethz.ch/isn/167267/Australia%20A%20Strategy%20for%20National%20Securit.pdf.

[86] Il s’agit notamment des efforts visant à miner la capacité des pays à faire respecter efficacement leurs droits conformément aux règles commerciales reconnues à l’échelle mondiale. Voir Keith Johnson, « How Trump May Finally Kill the WTO », Foreign Policy, 9 décembre 2019, lien : https://foreignpolicy.com/2019/12/09/trump-may-kill-wto-finally-appellate-body-world-trade-organization/. Il comprend également l’adoption de mesures économiques protectionnistes, telles que la volonté d’utiliser la réglementation et le pouvoir de marché, pour faire pencher les règles du jeu économique en leur faveur. Voir Rapport du Comité permanent du commerce international, « Répercussions commerciales sur certains secteurs canadiens de la loi américaine de 2022 sur la réduction de l’inflation », Chambre des communes, mai 2023, pages 10-12, lien : https://www.ourcommons.ca/content/Committee/441/CIIT/Reports/RP12414355/441_CIIT_Rpt9_PDF/441_CIIT_Rpt9-f.pdf.

Recommandations pour une stratégie de sécurité nationale 

Pour remédier aux vulnérabilités les plus flagrantes de la posture de sécurité économique du Canada, nous exhortons le gouvernement du Canada à adopter, dans le cadre de sa nouvelle stratégie de sécurité nationale, des mesures visant à :

renforcer l’architecture de la sécurité économique du Canada,

renforcer les capacités économiques et d’innovation du Canada, et

élargir et redynamiser les partenariats internationaux du Canada en matière de sécurité.

Renforcer l’architecture de la sécurité économique du Canada :

Les auteurs de menace stratégique n’ont pas l’intention d’entreprendre les réformes structurelles nécessaires pour mettre les entreprises canadiennes sur un pied d’égalité. Par conséquent, un treillis de lois, de politiques et de programmes nouveaux et interconnectés sera nécessaire pour améliorer la capacité des entreprises canadiennes à dissuader, détecter et interrompre les menaces auxquelles notre pays est confronté.

Recommandations :

  1. Le gouvernement du Canada devrait revoir et modifier en profondeur la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité afin d’aligner le mandat législatif et les pouvoirs de l’agence sur les attentes croissantes en matière d’identification, d’analyse et d’interruption des menaces pesant sur la sécurité économique du Canada.
    La Loi modifiée sur le Service canadien du renseignement de sécurité devrait notamment permettre à l’agence de partager de manière proactive des renseignements opportuns et exploitables sur les menaces avec des parties prenantes extérieures au gouvernement fédéral, y compris des entreprises, lorsque cela est dans l’intérêt public et sous réserve de toutes les garanties et de tous les contrôles nécessaires.
  2. Le gouvernement du Canada devrait fournir au Service canadien du renseignement de sécurité les ressources nécessaires pour lancer une nouvelle division ayant pour mandat exprès de former et de conseiller un large éventail d’entités du secteur privé sur la manière de se défendre contre les menaces économiques. L’agence devrait s’inspirer des modèles établis dans les pays alliés, tels que la National Protective Security Authority du MI5.
  3. Afin de réduire les risques pour la sécurité de l’approvisionnement, de prévenir les dépendances à l’égard des infrastructures essentielles et de contrer le transfert problématique de technologies sensibles, le gouvernement du Canada devrait modifier les dispositions relatives à la sécurité nationale de la Loi sur Investissement Canada afin de cibler et de filtrer plus précisément les investissements étrangers malveillants. La modification de la Loi sur Investissement Canada devrait inclure l’obligation pour le gouvernement du Canada d’intégrer de manière formelle les perspectives uniques des entreprises canadiennes sur les menaces nouvelles et émergentes pour la sécurité nationale dans le cadre du processus d’examen des investissements.
  4. Afin d’améliorer la capacité des organismes d’application de la loi à lutter contre les menaces à la sécurité économique, le gouvernement du Canada devrait renforcer l’infraction d’espionnage économique prévue par la Loi sur la protection de l’information. Parallèlement à cette initiative, le gouvernement du Canada devrait élaborer un nouveau régime juridique qui permette l’utilisation de renseignements comme éléments de preuve dans le cadre de poursuites pénales, tout en respectant le principe constitutionnel d’un procès équitable pour l’accusé.
  5. Pour renforcer la cybersécurité et la résilience des infrastructures essentielles, le gouvernement du Canada devrait :
    • suivre l’exemple des États-Unis et légiférer sur les protections de la sphère de sécurité[88] afin d’éliminer les obstacles juridiques inutiles qui empêchent les entreprises de collaborer volontairement entre elles et avec les gouvernements pour relever les défis cybernétiques,
    • explorer de nouveaux mécanismes juridiques pour encourager les concepteurs de produits et services numériques utilisés par les opérateurs d’infrastructures essentielles à prendre toutes les précautions raisonnables pour sécuriser leurs produits, et
    • créer un centre d’excellence au sein du Centre canadien pour la cybersécurité afin de :
      • rassembler les partenaires des secteurs public et privé afin d’unifier leurs actions défensives par le biais d’une planification, d’une préparation et d’une réponse synchronisées en matière de cybersécurité, à l’instar de ce que fait le Joint Cyber Defense Collaborative de la Cybersecurity and Infrastructure Security Agency des États-Unis ;
      • encourager un échange d’informations plus significatif et réciproque au sein du gouvernement et des fournisseurs d’infrastructures essentielles et entre eux, notamment en ce qui concerne les nouvelles menaces qui pèsent sur les cybersystèmes essentiels, le bilan de sécurité des technologies actuelles et les avantages relatifs des différentes mesures de sécurité ;
      • organiser et soutenir des exercices réguliers de simulation et de chasse aux menaces au cours desquels les fournisseurs d’infrastructures essentielles et les parties prenantes gouvernementales interviennent lors d’incidents simulés afin d’améliorer leurs réponses collectives aux incidents cybernétiques graves ;
      • mettre en place un processus systématisé d’examen des cyberintrusions importantes afin de recueillir et de partager les enseignements tirés et de formuler des recommandations concrètes pour améliorer la cybersécurité et la résilience ; et
      • offrir des services d’intervention en cas d’incident sur place aux fournisseurs d’infrastructures essentielles qui ont besoin d’une assistance immédiate.
  6. Afin de préserver notre accès continu aux intrants économiques essentiels, tout en renforçant la capacité du gouvernement du Canada à agir de manière indépendante sur la scène mondiale, le gouvernement du Canada devrait collaborer avec les secteurs vulnérables à la coercition économique pour renforcer la profondeur et la résilience des chaînes d’approvisionnement essentielles. Il s’agit notamment de procéder à des examens de la vulnérabilité, de partager les informations sur les menaces, d’élaborer des stratégies d’atténuation solides, de réduire la forte dépendance aux auteurs de menace stratégique et d’accroître la disponibilité de possibilités commerciales sur le marché libre.
  7. Pour atténuer l’impact des pratiques mercantilistes, le gouvernement du Canada devrait créer de nouveaux mécanismes juridiques pour bloquer l’importation de produits et de services étrangers qui ont profité de manière importante de pratiques économiques déloyales. Le gouvernement du Canada devrait d’abord s’attacher à bloquer l’accès au marché des auteurs de menace stratégique dans les secteurs essentiels où ils prennent des moyens illégaux pour rattraper et surpasser le Canada.
  8. Pour dissuader, dénoncer et sanctionner les acteurs qui menacent l’intégrité des systèmes d’infrastructures essentielles, le gouvernement du Canada devrait suivre l’exemple des États-Unis et modifier le Code criminel pour criminaliser expressément les actes volontaires ou de négligence qui entravent de manière importante les infrastructures essentielles, en prévoyant des sanctions financières, des peines d’emprisonnement, ou les deux.
  9. Pour éviter que la recherche universitaire canadienne ne serve les intérêts des auteurs de menace stratégique à nos dépens, le gouvernement du Canada devrait, dans des circonstances dûment justifiées, interdire aux entités liées à ces États de participer à la recherche universitaire canadienne ou d’en tirer profit.
  10. Pour permettre une interruption plus rapide et plus efficace de l’influence étrangère malveillante, ainsi que pour sensibiliser davantage le public à la nature, à l’échelle et à la portée des activités étrangères dans les affaires intérieures, le gouvernement du Canada devrait aller de l’avant avec l’adoption d’un régime de transparence en matière d’influence étrangère. À l’instar des régimes existants aux États-Unis, en Australie et au Royaume-Uni, le régime canadien devrait exiger des entités agissant au nom d’un État étranger qu’elles déclarent publiquement leurs activités visant à influencer la prise de décision gouvernementale ou l’opinion publique. L’adoption de tout registre doit tenir compte des valeurs véhiculées dans notre démocratie, notamment notre engagement à être un lieu ouvert, libre et accueillant pour étudier, travailler et investir.

Renforcer les capacités économiques et d’innovation du Canada :

Nous devons abandonner l’idée qu’il est possible pour les entreprises canadiennes de rivaliser sur un pied d’égalité avec les champions des États dans la conception et la commercialisation de technologies émergentes et perturbatrices. Ces derniers ne respectent tout simplement pas les règles établies.

Pour s’imposer dans ces circonstances, le gouvernement du Canada devra compléter la capacité économique et innovante des entreprises canadiennes par une stratégie industrielle moderne. Cette stratégie doit accroître la capacité de notre pays à transformer systématiquement le capital intellectuel en technologies de pointe et en entreprises compétitives à l’échelle internationale.

Le gouvernement du Canada doit identifier et soutenir les technologies de pointe qui sont essentielles pour stimuler la croissance économique, stratégique du point de vue de la sécurité nationale, et pour lesquelles les entreprises ne sont pas encore en mesure de faire les investissements nécessaires pour les développer et les commercialiser. L’objectif doit être d’aider les entreprises canadiennes à faire ce qu’elles font le mieux : innover, se développer et concurrencer sur le marché global.

Ensemble, ces investissements appuieront des millions d’emplois sûrs et bien rémunérés en encourageant l’activité économique à hauteur de milliards de dollars. Ils renforceront également notre capacité à agir de manière autonome sur la scène internationale en réduisant la vulnérabilité du Canada à la coercition économique, et stimuleront le pouvoir économique du pays, lui donnant ainsi les moyens d’investir dans notre sécurité.

Recommandations :

  1. Le gouvernement du Canada devrait moderniser son architecture scientifique et technologique afin de récompenser la recherche à haut risque et à haut rendement dans les domaines technologiques émergents et perturbateurs essentiels à notre sécurité économique et nationale. Lors de la modernisation des programmes, une attention particulière devrait être accordée à la suppression des sources étrangères de financement de la recherche universitaire qui posent problème, ainsi qu’au maintien et à la commercialisation de la recherche plus avancée au Canada.
  2. Le gouvernement du Canada devrait stimuler l’innovation canadienne dans les domaines technologiques émergents et perturbateurs essentiels à notre sécurité économique et nationale, tout en intégrant les nouvelles technologies au sein du gouvernement canadien, grâce à un recours stratégique à l’approvisionnement du secteur public. Pour ce faire, le gouvernement du Canada devrait s’inspirer des modèles agiles et axés sur les défis utilisés dans les pays alliés, tels que la Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA) des États-Unis, qui connaît un grand succès.
  3. Pour renforcer les capacités de renseignement du Canada, soutenir les institutions universitaires et créer de nouvelles possibilités économiques pour les entreprises, le gouvernement du Canada devrait s’associer à des chercheurs universitaires et à des entreprises de confiance pour développer et déployer conjointement des solutions de sécurité avancées au sein de la communauté canadienne du renseignement. Le gouvernement du Canada devrait s’inspirer de l’approche adoptée par l’Intelligence Advanced Research Projects Activity des États-Unis. Cette agence gouvernementale spécialisée investit dans des recherches à haut risque et à haut rendement qui repoussent les limites de la science et de la technologie afin de permettre à la communauté américaine du renseignement d’accomplir son travail mieux et plus efficacement.
  4. Le Canada doit investir dans ce qui est au cœur de la croissance économique et de l’innovation : le talent. Le gouvernement du Canada doit :
    • réorienter les programmes canadiens d’immigration de la catégorie économique afin que les secteurs essentiels à la sécurité économique et nationale du Canada aient un accès rapide et fiable aux talents internationaux de confiance, spécialisés et hautement qualifiés dont ils ont besoin pour stimuler l’innovation, se développer et concurrencer à l’échelle internationale ;
    • renforcer les organisations qui ont fait leurs preuves en matière de recrutement et de formation des groupes sous-représentés dans les domaines de la sécurité, telles que Rogers Cybersecure Catalyst ;
    • inciter les établissements d’enseignement postsecondaire proposant des programmes de sécurité de premier plan, tels que l’Université du Nouveau-Brunswick et le Durham College, à accroître les taux d’inscription et à offrir aux étudiants davantage de possibilités d’apprentissage pratique ; et
    • accroître la capacité du Canada à attirer, cultiver et retenir des talents de classe mondiale dans le domaine de la sécurité multipliant les possibilités d’échanges de personnel entre les entreprises fiables et les ministères et organismes gouvernementaux, tels que les Forces armées canadiennes, le Centre de la sécurité des télécommunications, la Gendarmerie royale du Canada et le Service canadien du renseignement de sécurité.

Élargir et redynamiser les partenariats internationaux du Canada en matière de sécurité :

Les partenariats internationaux du Canada en matière de sécurité — y compris la participation au G7, au Groupe des cinq, à NORAD et à l’OTAN — comptent parmi les atouts stratégiques les plus importants du pays. En offrant une plateforme pour la coopération en matière de sécurité, les partenariats internationaux du Canada en matière de sécurité servent de multiplicateur de force, amplifiant la capacité du Canada à répondre aux défis de sécurité économique communs qui affectent les Canadiens au pays et à l’étranger.

Le Canada doit élargir et revigorer son réseau d’alliances et de partenariats en matière de sécurité afin de maintenir et de renforcer les principes, les institutions et l’ordre international fondé sur des règles qui ont permis tant de stabilité, de prospérité et de croissance. L’objectif final du Canada devrait être un monde dans lequel le comportement responsable de l’État est la norme, et où le comportement irresponsable est isolant et coûteux.

Recommandations :

  1. L’armée canadienne reste le garant de la paix, de la stabilité et de la prospérité du pays, ainsi que de notre engagement envers les nations alliées. Le gouvernement du Canada devrait s’engager à nouveau à atteindre l’objectif d’investissement en matière de défense de deux pour cent du PIB fixé lors du Sommet du Pays de Galles en 2014 de l’OTAN.Compte tenu du dernier sommet de l’OTAN à Vilnius, en Lituanie, cet engagement doit être interprété comme un « plancher » et non comme un « plafond ».
  2. Afin de mieux surveiller, atténuer et contrôler les menaces qui pèsent sur les infrastructures transfrontalières fortement intégrées du Canada et des États-Unis, le gouvernement du Canada devrait créer un groupe de travail bilatéral officiel entre les secteurs public et privé. Composé d’un échantillon représentatif de dirigeants des secteurs public et privé, ce groupe aurait pour objectif de faciliter l’échange libre, franc et confidentiel d’informations stratégiques sur l’évolution du contexte de la menace ainsi que sur les moyens par lesquels les gouvernements et les entreprises peuvent collaborer à bâtir une Amérique du Nord plus forte et plus sûre.
  3. Compte tenu de l’importance du commerce international pour la sécurité et la prospérité des Canadiens, le gouvernement du Canada, en partenariat avec d’autres alliés aux vues similaires, devrait renforcer l’ordre économique fondé sur des règles en :
    • renforçant le système commercial multilatéral, avec l’Organisation mondiale du commerce au centre ;
    • renforçant ou en adhérant à des cadres internationaux promouvant les échanges et les investissements internationaux libres et équitables entre les pays axés sur le marché, tels que l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste et le Cadre économique indo-pacifique ; et
    • créant et renforçant des mesures plurilatérales pour prévenir, résister et contrer collectivement la coercition économique et d’autres pratiques commerciales déloyales, par exemple par le biais d’une « OTAN pour le commerce » dans laquelle les nations alliées acceptent de se porter mutuellement secours lorsqu’elles font l’objet d’une menace économique. Dans le cadre de cette initiative, le Canada devrait tirer parti de ses avantages économiques, notamment dans la production d’énergie, de nourriture et de minéraux, pour aider à réduire les dépendances commerciales de nos alliés à l’égard des auteurs de menace stratégique.
  4. Le gouvernement du Canada devrait collaborer plus étroitement avec ses partenaires du Groupe des cinq et d’autres alliés aux vues similaires afin d’affaiblir les cyberacteurs. Les mesures à prendre sont notamment les suivantes :
    • dissuader, attribuer et intervenir conjointement dans les cyberattaques qui enfreignent les règles et les normes mondiales dans le cyberespace ;
    • mettre fin aux marchés en ligne illégaux d’outils et de services cybernétiques, qui réduisent le temps de démarrage et le niveau de sophistication nécessaire aux acteurs malveillants pour cibler et saboter les entreprises canadiennes ;
    • mieux réglementer les cryptoactifs et les échanges, qui sont exploités par les acteurs malveillants pour dissimuler leur identité et masquer leurs activités aux agences de sécurité nationale et d’application de la loi ; et
    • accroître la pression sur les pays dont les lois et l’application de la loi en matière de cybercriminalité et d’autres activités cybernétiques malveillantes sont indulgentes ou inexistantes.
  5. Pour renforcer les capacités du Canada en matière de cybersécurité, d’intelligence artificielle et de technologie quantique, le gouvernement du Canada devrait chercher à adhérer à AUKUS, le pacte trilatéral de coopération en matière de sécurité et de technologie conclu entre les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie. Le gouvernement du Canada devrait d’abord se concentrer sur le deuxième pilier institutionnel d’AUKUS, qui vise à faire progresser ces technologies et d’autres technologies importantes.
  6. Les normes techniques internationales ont une incidence directe sur la sécurité nationale du Canada, notamment en limitant l’utilisation abusive de technologies émergentes et perturbatrices qui pourraient menacer la sécurité économique du Canada. Le gouvernement du Canada devrait intensifier sa collaboration avec les entreprises canadiennes afin de soutenir l’élaboration et la mise en œuvre de normes techniques internationales pour les technologies de la prochaine génération qui reflètent nos intérêts nationaux ainsi que les valeurs démocratiques et d’économie de marché.
  7. Afin de renforcer l’influence diplomatique du Canada, d’encourager une plus grande collaboration avec les nations aux vues similaires et de promouvoir les intérêts économiques du Canada, le gouvernement du Canada devrait poursuivre un programme de « diplomatie économique », dans le cadre duquel la capacité industrielle du pays est mise à profit pour contribuer à relever les défis mondiaux en matière de sécurité.

Notes de bas de page

[87] Par exemple, le gouvernement du Canada devrait expliciter dans la Loi sur la concurrence que les collaborations entre concurrents qui n’ont pas de répercussions anticoncurrentielles sont autorisées.

L’exécution et l’évaluation seront essentielles 

Une nouvelle stratégie de sécurité nationale n’est pas la fin du chemin, mais le début. La stratégie ne pourra atteindre son objectif que si son contenu est pleinement mis en œuvre. Les mesures incluses dans une nouvelle stratégie doivent donc être mises en œuvre en temps voulu et de manière efficace.

En outre, étant donné qu’une grande partie du champ de bataille que le gouvernement du Canada doit disputer échappe à son contrôle direct, un partenariat approfondi et durable avec les entreprises canadiennes, du niveau stratégique au niveau tactique, sera nécessaire pour parvenir au succès. La consultation ne suffira pas.

Enfin, pour rester pertinente dans un contexte de menaces en évolution rapide, une nouvelle stratégie doit être considérée comme un « document dynamique ». Elle doit être évaluée régulièrement et systématiquement, par exemple tous les trois ans, pour s’assurer qu’elle répond à ses objectifs. Le gouvernement du Canada doit apporter les révisions nécessaires à la stratégie s’il s’attend à des changements importants.

Pour que ces mesures soient prises et se voient accorder une priorité adéquate, nous demandons instamment que :

  1. le nouveau comité ministériel sur la sécurité nationale et le renseignement — le Conseil de sécurité nationale — soit présidé par le premier ministre et composé de tous les ministres et hauts fonctionnaires compétents ayant un mandat dans le domaine de la sécurité, afin d’assurer une direction et une prise de décision durables et avant-gardistes nécessaires à la mise en œuvre de la nouvelle stratégie de sécurité nationale ;
  2. le rôle du conseiller à la sécurité nationale et au renseignement soit défini dans la législation et renforcé pour mieux organiser et coordonner la communauté du renseignement ainsi que pour consulter les entreprises canadiennes, les mobiliser et établir des partenariats avec elles ;
  3. le premier ministre modifie les lettres de mandat de tous les ministres concernés, notamment ceux de la Sécurité publique, des Affaires étrangères, de la Défense nationale, de l’Industrie et des Finances, afin de s’assurer que les considérations de sécurité économique sont intégrées dans chacune de leurs priorités ;
  4. une division dédiée à la sécurité économique soit créée au sein du Bureau du Conseil privé et que des unités de sécurité économique soient créées ou renforcées au sein de tous les grands ministères, notamment ceux de la Sécurité publique, des Affaires étrangères, de la Défense nationale, de l’Industrie et des Finances, afin de mieux planifier et coordonner les politiques de sécurité économique en partenariat avec les entreprises canadiennes ;
  5. le gouvernement du Canada publie des plans de mise en œuvre annuels qui définissent les mesures précises que le gouvernement a l’intention de prendre au cours d’une année civile donnée pour mettre en œuvre la nouvelle stratégie ; et
  6. dans les 18 mois suivant le lancement d’une nouvelle stratégie de sécurité nationale, le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement lance une étude spéciale sur le cadre du gouvernement du Canada pour faire face aux menaces à la sécurité économique, et que le gouvernement du Canada y réponde, en vue de :
    • identifier les lacunes qui existent dans la législation, les politiques ou les mécanismes de gouvernance ;
    • renforcer la responsabilité ministérielle ; et
    • améliorer la transparence, notamment en aidant les entreprises à mieux comprendre les rôles des organismes gouvernementaux chargés de les servir.

Dans le cadre de cette étude, le Comité devrait lancer une « tournée de présentation » de la sécurité économique, à l’instar des tournées bipartisanes organisées par le Senate Select Committee on Intelligence des États-Unis, afin de tirer des leçons des entreprises qui se trouvent sur la ligne de front de l’attaque.

Les entreprises les plus innovantes et les plus prospères du Canada sont disposées à faire leur part 

Chaque année, les entreprises les plus innovantes et les plus prospères du Canada dépensent des milliards de dollars pour défendre les Canadiens contre une liste croissante de menaces à la sécurité économique. Elles investissent notamment dans des mesures de détection, d’atténuation et de réaction aux attaques, établissent des partenariats avec des établissements d’enseignement supérieur pour former des professionnels de la sécurité et mettre au point des technologies défensives, et partagent des renseignements sur les menaces, de l’expertise et des pratiques exemplaires avec les gouvernements et les pairs de l’industrie.

Par exemple, dans les secteurs des infrastructures essentielles, comme l’énergie, les transports et les télécommunications, la plupart des membres du Conseil canadien des affaires investissent individuellement bien plus de 100 millions de dollars par an au Canada dans des mesures de prévention, de détection et d’intervention en cas d’incidents liés à la cybersécurité. Un nombre appréciable de ces membres investissent individuellement plus de 500 millions de dollars par année.

S’appuyant sur leur expérience et leur expertise approfondies, les entreprises les plus innovantes et les plus prospères du Canada sont prêtes à collaborer avec le gouvernement du Canada pour élaborer et mettre en œuvre une nouvelle stratégie de sécurité nationale. Cela comprend, sans s’y limiter, ce qui suit :

  1. renforcer la résilience économique du Canada en augmentant le montant investi chaque année dans des mesures visant à détecter, prévenir et interrompre les menaces à la sécurité économique du Canada ;
  2. partager davantage avec le gouvernement les menaces qu’ils observent sur le terrain afin de mieux informer la politique gouvernementale et d’améliorer la capacité des agences de sécurité nationale à examiner, analyser et interrompre les menaces ;
  3. accroître leurs investissements dans la recherche universitaire canadienne pour aider à remplacer les sources étrangères de financement problématiques et pour conserver et commercialiser une recherche plus avancée au pays ; et
  4. mieux soutenir leurs chaînes d’approvisionnement vastes et diversifiées, notamment par l’éducation, le renforcement des capacités et le courtage en relations, afin d’accroître la sensibilisation aux menaces auxquelles sont confrontées les petites et moyennes entreprises, ainsi qu’aux rôles et responsabilités des organismes gouvernementaux chargés de les servir.

Conclusion 

L’ordre unipolaire libre, ouvert et relativement stable qui a apporté aux Canadiens des niveaux extraordinaires de sûreté, de sécurité et de prospérité appartient désormais à l’histoire.

Dans notre nouvelle réalité géopolitique, les Canadiens sont confrontés à un environnement turbulent et multipolaire qui fait peser sur leur bien-être économique une menace sans précédent en matière de sécurité nationale.

La santé économique des Canadiens étant plus que jamais liée aux questions de sécurité nationale, le moment est venu pour le gouvernement du Canada de prendre des mesures audacieuses pour protéger les Canadiens.

C’est pourquoi ce rapport demande au gouvernement du Canada de créer une stratégie de sécurité nationale, la première du genre, qui accorde une place centrale à la sécurité économique. Les recommandations contenues dans ce rapport offrent une voie pour aider le gouvernement et les entreprises à naviguer ensemble avec succès dans ce monde nouveau et plus turbulent.

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Innover, concurrencer et gagner https://www.thebusinesscouncil.ca/fr/rapport/innover-concurrencer-et-gagner/ Thu, 27 Apr 2023 17:50:39 +0000 https://thebusinesscouncil.ca/?post_type=report&p=15386 Sommaire exécutif Le changement climatique est l’un des plus grands défis de notre génération. Le Canada doit élaborer un plan de transition énergétique complet s’il compte réellement atteindre ses objectifs climatiques ambitieux. De même, il lui est crucial de prendre […]

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Sommaire exécutif

Le changement climatique est l’un des plus grands défis de notre génération. Le Canada doit élaborer un plan de transition énergétique complet s’il compte réellement atteindre ses objectifs climatiques ambitieux. De même, il lui est crucial de prendre des mesures immédiates et de mobiliser des investissements en capitaux substantiels s’il désire réduire massivement les émissions, investir dans des solutions plus sobres en carbone et, conséquemment, s’engager sur la voie d’un avenir prospère. Étonnamment, une bonne partie de ces importants capitaux est actuellement mise en veilleuse en raison des incertitudes liées à la réglementation et aux politiques, lesquelles freinent les investissements des entreprises dans les systèmes énergétiques essentiels à la prospérité des Canadiens dans un avenir plus sobre en carbone.

Le Canada doit de toute urgence se doter d’un programme cohérent de politiques climatiques et économiques en vue d’accélérer le déploiement de capitaux et de technologies propres. La pandémie a forcé nos entreprises et nos décideurs à intervenir promptement et avec adresse, et à concevoir rapidement des programmes efficaces et modulables selon l’évolution des conditions et des informations. Nous avons plus que jamais besoin de ce dynamisme et de cette agilité.

Le rôle du Canada dans le renforcement de la sécurité énergétique mondiale

La guerre en Ukraine a braqué les projecteurs sur la sécurité énergétique, alors que de nombreux pays peinent à faire face à la flambée des prix de l’énergie et, dans certains cas, à garder les lumières allumées. Nos ambitions en matière de climat sont indissociables du besoin national et mondial de disposer de sources d’énergie sûres et abordables. Aux dires de la vice-première ministre, Chrystia Freeland, la sécurité énergétique est désormais étroitement liée à la sécurité nationale et économique. Nous sommes d’avis que le Canada a le devoir économique et moral d’utiliser ses ressources pour aider ses alliés les plus importants en temps de besoin.

Le Canada peut montrer la voie en alimentant le monde avec des formes d’énergie produite de façon responsable aux marchés mondiaux, à savoir le GNL, l’uranium/le nucléaire et, à terme, l’hydrogène. Cela pourrait alléger à court terme les défis de sécurité énergétique auxquels se heurtent nos alliés ainsi que la dépendance mondiale à l’égard de sources énergétiques à forte émission.

Le gouvernement fédéral doit clairement formuler son intention de faire en sorte que le Canada contribue de manière notable à la sécurité énergétique mondiale, et décrire les mesures exactes qu’il prendra pour accélérer l’approbation du développement du GNL canadien, d’autres sources d’énergie sobres en carbone et d’infrastructures connexes.

Maintenir des conditions de concurrence équitables avec notre plus grand partenaire commercial

Bien que tous les paliers de gouvernement aient présenté des éléments fondamentaux pour soutenir la transition énergétique du Canada, ce qui manque, c’est un sentiment d’urgence. D’autres pays agissent plus rapidement pour attirer les technologies et les investissements qui alimenteront la transformation économique et énergétique à venir. À la lumière du changement radical que constitue la loi sur la réduction de l’inflation (Inflation Reduction Act ou « IRA »), les États-Unis signalent que la politique climatique est indissociable de la politique de sécurité économique. Et ils ont choisi d’encourager le marché à investir dans les solutions climatiques par le biais d’incitatifs plutôt que d’adopter une réglementation prescriptive. Sans une réponse canadienne opportune, nous risquons d’être laissés pour compte pendant que de précieux capitaux humains et financiers migrent vers des pâturages plus verdoyants au sud de la frontière.

Le budget 2023 doit répondre efficacement au défi concurrentiel posé par la loi américaine sur la réduction de l’inflation (IRA) par des mesures proportionnelles pour soutenir les industries et les technologies essentielles à la décarbonation nationale et au succès du Canada sur la scène internationale.

Clarté et prévisibilité des politiques

Certitude économique et commerciale. Il ne nous reste que sept ans pour atteindre l’ambitieux objectif fédéral de 2030 en matière de réduction des gaz à effet de serre (GES). Sans un programme politique cohérent articulé autour d’un déploiement de capital rapide et à grande échelle, le Canada risque de rater ses objectifs climatiques et de ne pas tirer parti des nouvelles possibilités économiques en lien avec la carboneutralité. Ce qui en retour nuirait à la concurrence du pays et à sa capacité de créer les emplois hautement qualifiés et bien rémunérés de l’avenir. La politique devrait se concentrer sur l’incitation à des niveaux d’investissement plus élevés et sur l’identification de moyens pour améliorer l’économie des projets, plutôt que sur le développement de nouvelles réglementations ou taxes qui ajoutent de la complexité et retardent les décisions d’investissement.

Le gouvernement fédéral doit :

  • Instaurer une politique qui apporte clarté, certitude et prévisibilité à plus long terme pour les industries menant la transition vers la carboneutralité;
  • Veiller à ce que la politique de tarification du carbone soit adaptée aux réalités concurrentielles des industries canadiennes à forte intensité d’émissions et exposée au commerce, et créer un marché robuste pour les crédits carbone;
  • Élaborer un ensemble plus large de crédits d’impôt à l’investissement et à la production pour inciter les investissements dans les grands projets de réduction d’émissions;

Cohérence réglementaire. Compte tenu de l’ampleur du défi de la carboneutralité, nous devons de toute urgence rétablir la réputation du Canada en tant que destination de choix pour investir dans des solutions sobres en carbone et en tant que pays apte à réaliser de grands projets. Le premier ministre, la vice-première ministre et le ministre des Ressources naturelles ont tous reconnu la nécessité de raccourcir les délais d’approbation des projets à faible émission. Cela devrait inclure les projets qui sont d’intérêt national et qui répondent à un ou plusieurs des critères suivants :

  • Améliorer la contribution du Canada à la sécurité énergétique mondiale;
  • Capacité de substituer des produits canadiens à des options plus intensives en GES dans les pays importateurs;
  • Production de combustibles sobres en carbone (p. ex., hydrogène, gaz naturel renouvelable, biocarburants et uranium);
  • Transport d’électricité au sein des provinces et entre elles, ce qui entraîne une nette réduction des GES;
  • Production d’électricité sobre en carbone (p. ex., énergies renouvelables, nucléaires, stockage, hydroélectricité par pompes);
  • Exploitation et installations de traitement des minéraux critiques;
  • Les projets dirigés par des Autochtones, qui ont une composante de propriété autochtone ou qui bénéficient du soutien des Autochtones sur la base d’un engagement précoce du promoteur.

Le gouvernement fédéral doit utiliser le budget 2023 pour améliorer l’efficacité et l’efficience du processus d’évaluation et raccourcir les délais d’approbation des projets qui apporteront une contribution manifestement positive aux objectifs climatiques et économiques du Canada.

Le gouvernement fédéral devrait confier au Bureau du Conseil privé le mandat d’assurer une coordination permanente entre les ministères concernés et l’Agence d’évaluation d’impact afin de maximiser les efficacités et d’éliminer promptement les obstacles à la réalisation des évaluations pour les grands projets.

Un écosystème d’innovation favorable. L’évolution technologique est cruciale pour lutter contre le changement climatique sans compromettre la croissance économique et le niveau de vie. Toutefois, pour catalyser les idées et les technologies révolutionnaires, puis les transformer en possibilités commerciales, il faut changer l’orientation des politiques. Le gouvernement fédéral a récemment créé le Fonds de croissance du Canada (FCC), doté d’un capital de 15 milliards de dollars, comme complément à l’ensemble d’initiatives de financement et de technologies existantes (FSI, GFANZ, BIC, TDDC, etc.) ainsi qu’aux engagements financiers associés à des stratégies sectorielles ciblées (minéraux critiques, hydrogène, petits réacteurs modulaires [PRM], etc.). Il crée également une nouvelle agence d’innovation pour aider à commercialiser la recherche et à faire progresser les nouvelles possibilités économiques. La somme totale allouée aux technologies propres est importante, mais ce qui manque, c’est une stratégie globale cohérente.

Le gouvernement fédéral devrait rationaliser les programmes existants de soutien aux technologies propres, mettre en commun les ressources et parier davantage sur un nombre plus restreint d’innovations clés qui ont les meilleures chances de maximiser les avantages climatiques ou le retour sur investissement.

La nouvelle agence gouvernementale d’innovation devrait être indépendante et dotée d’un mandat parallèle à celui de l’agence américaine ARPA-E, c’est-à-dire rassembler les meilleures recherches publiques et privées, ainsi que saisir les possibilités les plus prometteuses pour mettre à l’échelle/commercialiser les technologies et produits sobres en carbone.

Renforcer la réconciliation économique des Autochtones

Les communautés autochtones souhaitent, à juste titre, avoir leur mot à dire sur le développement économique qui a lieu sur leurs territoires ou à proximité de ceux-ci, ainsi que sur la manière dont elles peuvent en partager les bénéfices. Les chefs d’entreprise du Canada en sont conscients, et nombre d’entre eux établissent des relations/partenariats plus solides avec les peuples autochtones afin d’élargir les possibilités qui leur sont offertes. Cependant, des obstacles subsistent pour permettre aux communautés autochtones de participer à des projets de développement, notamment leur accès au capital-risque et aux prêts traditionnels.

Le gouvernement fédéral devrait mettre en place un programme national de garantie de prêt qui favorise l’accès des Autochtones aux capitaux afin que ceux-ci puissent acquérir une participation dans des projets de ressources naturelles.

Construire le réseau électrique de demain

Le gouvernement fédéral s’est fixé l’objectif ambitieux de mettre en place un réseau électrique carboneutre d’ici 2035 et de parvenir à la carboneutralité nationale d’ici 2050. Cela signifie qu’il faut au moins doubler la capacité de production d’électricité actuelle sans toutefois compromettre la sécurité, la fiabilité et la rentabilité du réseau. Cela ne peut se faire qu’en reconnaissant la compétence provinciale, en créant des incitatifs à la modernisation du réseau et en collaborant avec les fournisseurs d’électricité sur les nouvelles technologies comme l’hydrogène et le stockage d’énergie. L’expansion nécessaire de la capacité de production d’électricité ne peut pas être réalisée uniquement avec des fonds publics ; les gouvernements devront donc mobiliser davantage de fonds du secteur privé.

Le gouvernement fédéral doit collaborer avec les provinces pour soutenir le développement de la capacité du réseau et appuyer une participation accrue du secteur privé dans la production et le transport d’électricité.

Le gouvernement fédéral doit offrir un ensemble de crédits d’impôt à l’investissement prévisibles et neutres sur le plan technologique afin de stimuler les investissements requis pour générer, transporter et distribuer l’ampleur de la production propre nécessaire pour atteindre les objectifs climatiques du Canada.

Minéraux critiques

Le Canada possède des réserves impressionnantes de plusieurs minéraux critiques qui propulseront la transition vers une économie carboneutre. Mais la course mondiale se réchauffe et les autres pays ne restent pas impassibles. Bien que la stratégie fédérale sur les minéraux critiques soit une étape importante, elle doit se transformer en une véritable stratégie nationale axée sur l’exploitation et la transformation des minéraux et l’établissement de liens solides avec les chaînes d’approvisionnement nord-américaines et mondiales.

Le gouvernement fédéral doit collaborer avec les provinces pour élaborer une stratégie nationale qui tire parti de nos réserves de classe mondiale et de notre expertise minière et nous positionne comme un fournisseur mondial clé de minéraux critiques. Il s’agit notamment d’un plan d’action pour développer les infrastructures nécessaires au soutien des mines et des installations de traitement dans les endroits éloignés et d’un engagement à traiter rapidement les approbations pour de tels projets.

Pétrole et gaz sobres en carbone

Tous les scénarios crédibles suggèrent que le monde aura besoin de combustibles fossiles pendant plusieurs décennies encore. Grâce à ses références ESG élevées et à ses engagements à investir dans des technologies de réduction des GES, l’industrie canadienne de l’énergie est apte à concurrencer pour maintenir, voire accroître, sa part de ce marché. Il convient d’établir un plafond sur les émissions du secteur offrant une certaine souplesse pour s’assurer qu’il stimule réellement les nouveaux projets de réduction d’émissions et ne freine pas simplement la production de pétrole et de gaz. L’incertitude actuelle quant au plafond exact et à la conception de la politique risque de retarder les investissements nécessaires et de compromettre nos objectifs climatiques.

Le gouvernement fédéral doit collaborer avec l’industrie pétrolière et gazière pour établir une trajectoire de réduction des émissions jusqu’en 2030 et 2050 qui est économiquement et techniquement viable. Il devrait en outre convenir d’un cadre politique qui soutient les investissements technologiques nécessaires.

Véhicules électriques

Le Canada doit consolider sa position dans l’industrie nord-américaine des véhicules électriques (VE), qui connaît une expansion rapide, et assurer une chaîne d’approvisionnement continentale intégrée pour les VE — tant dans l’exploitation minière et le traitement des minéraux critiques que dans la production et l’assemblage des éléments de batteries et de pièces des véhicules. La politique actuelle en matière de VE se focalise largement sur un mandat de vente voulant que 100 % des véhicules vendus ne produisent aucune émission d’ici 2035. Or, il convient de déployer de toute urgence d’autres moteurs politiques pour que le pays ait une chance d’atteindre cet objectif.

Le gouvernement fédéral devrait collaborer avec les provinces pour améliorer les incitatifs à l’achat de VE, bonifier ses investissements dans les infrastructures de recharge et créer des incitatifs à l’installation de chargeurs de VE domestiques et commerciaux. À la lumière de l’IRA, le gouvernement fédéral devrait revoir les incitatifs et élaborer une stratégie globale pour attirer la production nationale de cellules, de modules et de cathodes de batteries.

Introduction

Le changement climatique est l’un des plus grands défis de notre génération. Si nous n’agissons pas de manière décisive, il aura des conséquences importantes à long terme sur notre économie, nos communautés et la qualité de vie des générations futures. Une réponse cohérente et efficace à ce défi peut dégager des possibilités économiques notables qui permettront aux entreprises canadiennes de concurrencer dans la transition vers la carboneutralité, de créer des emplois hautement qualifiés et bien rémunérés et d’améliorer les perspectives de réconciliation avec les peuples autochtones du Canada.

Une stratégie efficace de lutte contre le changement climatique exige un partenariat authentique entre les secteurs public et privé. Les entreprises conçoivent leurs stratégies pour atteindre les objectifs climatiques — appuyés par les actionnaires, les régulateurs, les employés et les clients – afin de démontrer leur responsabilité sociétale et s’assurer que leurs produits et leurs activités présentent une empreinte carbone plus sobre. Beaucoup sont prêtes à investir des sommes notables dans la transformation de leurs activités, mais elles sont confrontées à un paysage politique incertain et à des messages contradictoires de tous les paliers de gouvernement.

On estime à 2 000 milliards de dollars l’ampleur de l’investissement nécessaire pour réaliser la transition vers la carboneutralité du Canada, dont une grande partie proviendra du secteur privé. Outre les entreprises qui réorientent leurs plans d’affaires vers un avenir sobre en carbone, d’immenses quantités de capitaux sont accessibles à travers les régimes de retraite, les institutions financières et les capitaux privés. Étonnamment, une bonne partie de ces importants capitaux est actuellement mise en veilleuse, car l’incertitude des investisseurs retarde les projets de réduction d’émissions et dissuade le développement de technologies durables pour l’exportation.

Le temps ne joue pas en notre faveur — il ne nous reste que sept ans pour atteindre l’ambitieux objectif fédéral de 2030 en matière de réduction des gaz à effet de serre (GES). À leur crédit, tous les paliers de gouvernement ont mis en place certains éléments fondamentaux, mais ce qui manque, c’est un sentiment d’urgence. Les investisseurs et les promoteurs hésitent à investir dans des projets de plusieurs milliards de dollars puisqu’ils ne disposent pas d’informations claires sur les politiques à venir. D’autres pays adoptent rapidement des politiques pour attirer et déployer les technologies et les investissements qui alimenteront la transformation économique et énergétique à venir. La loi américaine sur la réduction de l’inflation change la donne. Sans une réponse canadienne opportune, nous risquons de perdre de précieux capitaux humains et financiers au profit de nos voisins du sud.

Nos ambitions en matière de climat sont indissociables du besoin national et mondial de disposer de sources d’énergie sûres et abordables. La guerre en Ukraine et les effets persistants de la pandémie mondiale ont braqué les projecteurs sur la sécurité énergétique. Les pays du monde entier luttent pour faire face à la flambée des prix de l’énergie et, dans certains cas, pour garder les lumières allumées. Cette situation a, à son tour, renouvelé l’attention sur les responsabilités mondiales du Canada. Comme l’a fait remarquer la vice-première ministre Chrystia Freeland, la sécurité énergétique est désormais clairement liée à la sécurité nationale et économique. À notre avis, le Canada a le devoir économique et moral d’utiliser ses ressources pour venir en aide à ses alliés dans le besoin.

Le Conseil canadien des affaires soutient depuis longtemps la tarification du carbone comme un élément essentiel de la boîte à outils du climat. De même, nous considérons que la réglementation équitable, réactive et efficace joue un rôle essentiel pour renforcer la confiance du public au moment où nous développons de nouvelles infrastructures pour soutenir la transition énergétique du Canada. Mais le temps est venu de se demander si la création de réglementations plus nombreuses et de plus en plus fastidieuses est la bonne approche pour réduire davantage les émissions. Un système réglementaire efficace pourrait constituer un avantage concurrentiel pour le Canada. Par contre, il est grand temps de se doter d’un cadre politique clairement articulé autour d’un déploiement de capital rapide et à grande échelle.

Un réseau électrique propre peut constituer un puissant avantage concurrentiel et est essentiel à la croissance et aux plans de décarbonation de plusieurs de nos industries, notamment la fabrication, l’automobile, l’acier, l’aluminium et les minéraux critiques. Selon des estimations récentes, le Canada devra produire deux ou trois fois plus d’électricité s’il veut atteindre son objectif de carboneutralité d’ici 2050.

Le Canada est bien placé pour alimenter le monde au moyen de sources d’énergie plus durables tout en développant des solutions climatiques de pointe pour les marchés nationaux et mondiaux. Toutefois, nous courons le risque très réel de ne pas atteindre nos objectifs climatiques et de ne pas profiter des possibilités économiques issues de la transition vers la carboneutralité. Le Canada a besoin de toute urgence d’un programme cohérent de politiques climatiques et économiques qui facilite le déploiement rapide des capitaux et des technologies sobres en carbone au cours des prochaines années. La pandémie nous a permis de constater à quel point nos entreprises et nos décideurs politiques peuvent intervenir promptement et avec adresse quand il le faut, et concevoir rapidement des programmes efficaces et modulables selon l’évolution des conditions et l’émergence de nouvelles informations. Nous avons plus que jamais besoin de ce dynamisme et de cette agilité.

Comme ci-haut mentionné, l’année 2022 a été marquée par deux changements fondamentaux – l’attention portée à la sécurité énergétique à l’échelle mondiale et l’intérêt renouvelé des États-Unis pour leur sécurité économique intérieure – qui influent grandement sur les choix que le Canada doit faire pour orienter sa transition vers une énergie propre. Le présent document décrit comment, selon nous, le Canada doit réagir à ces deux nouveaux moteurs de changement, puis cerne les domaines critiques dans lesquels des mesures urgentes sont nécessaires pour assurer la sécurité économique, énergétique et climatique du Canada à l’avenir.

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PRÊTS POUR LA CROISSANCE https://www.thebusinesscouncil.ca/fr/rapport/prets-pour-la-croissance/ Thu, 22 Dec 2022 20:23:00 +0000 https://thebusinesscouncil.ca/?post_type=report&p=14504 Introduction Lors de la réunion inaugurale du Dialogue économique de haut niveau (DEHN) entre le Canada et le Mexique, la secrétaire à l’Économie du Mexique, la ministre canadienne du Commerce international, de la Promotion des exportations, de la Petite Entreprise, […]

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Introduction

Lors de la réunion inaugurale du Dialogue économique de haut niveau (DEHN) entre le Canada et le Mexique, la secrétaire à l’Économie du Mexique, la ministre canadienne du Commerce international, de la Promotion des exportations, de la Petite Entreprise, et du Développement économique, et le ministre canadien de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie ont demandé au CCA et au CMN de produire une étude conjointe assortie de recommandations concrètes identifiant les secteurs prioritaires pour les programmes pilotes et les partenariats potentiels.

Le CMN et le CCA ont accueilli favorablement cette demande et, à cette fin, soumettent respectueusement ce rapport pour un examen plus approfondi lors de la prochaine réunion du DEHN entre le Canada et le Mexique. Pour résumer, les milieux d’affaires mexicains et canadiens estiment qu’il est temps de se concentrer davantage sur le renforcement des relations économiques bilatérales entre nos deux pays. En outre, les chefs d’entreprise estiment qu’il existe un potentiel inexploité important et des possibilités économiques considérables que nous pouvons exploiter.

Dans cet esprit, et alors que ce rapport était en cours de préparation, le CMN et le CCA ont lancé un Sommet d’affaires Canada-Mexique – un forum annuel visant à accroître le commerce et les investissements bilatéraux. Le Sommet réunira des chefs d’entreprise des deux pays et servira de contrepartie du secteur privé au DEHN des gouvernements. La première réunion du Sommet d’affaires Canada-Mexique aura lieu au Mexique à une date à déterminer au premier trimestre 2023.

l’ACEUM a encore démontré l’importance et le potentiel du partenariat économique bilatéral entre le Canada et le Mexique – un potentiel qui n’a pas encore été pleinement exploité.

Les relations commerciales entre le Canada et le Mexique

Il y a une génération, l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) a stimulé le commerce entre le Canada et le Mexique. Entre 1994 et le début de la pandémie de COVID-19, le total des importations canadiennes en provenance du Mexique a presque décuplé, passant de 3,7 milliards de dollars à 36,9 milliards de dollars.1  L’ALENA a non seulement offert un accès préférentiel aux marchés par la réduction ou l’élimination des droits de douane, mais il a également atténué les obstacles et l’incertitude pour les entreprises qui cherchent à pénétrer nos marchés respectifs. Il s’agissait d’une base solide.

Aujourd’hui, L’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM), qui a succédé à l’ALENA, s’appuie sur cette base solide en renforçant la compétitivité à l’échelle du continent et en assurant un haut niveau de prévisibilité pour les entreprises et les investisseurs des trois pays. Au cours des deux premières années depuis son entrée en vigueur, l’ACEUM a encore démontré l’importance et le potentiel du partenariat économique bilatéral entre le Canada et le Mexique – un potentiel qui n’a pas encore été pleinement exploité.2 

GRAPHIQUE 1: COMMERCE ENTRE LE MEXIQUE ET LE CANADA 1993 À 2021
(MILLIONS $ US)

Source : Statistics Canada and Secretaría de Economía.

Comme le montre clairement le graphique ci-dessous, le commerce bilatéral entre le Canada et le Mexique a suivi une tendance constante à la hausse, sauf pour deux événements intermédiaires, la récession mondiale de 2008-2009 et la pandémie mondiale de 2020. La résilience et la robustesse du partenariat économique sont attestées par le fait que les échanges commerciaux ont rebondi rapidement et de manière significative dans les années qui ont suivi ces deux événements. Cela prouve que les principes fondamentaux du partenariat économique sont solides.

Étant donné la nature hautement intégrée de l’économie continentale nord-américaine, nous devons tenir compte de notre voisin commun, les États-Unis. Les États-Unis sont le premier partenaire commercial du Canada et du Mexique, représentant plus de 75 % du commerce international de chaque pays. Non seulement les relations commerciales actuelles entre le Canada et le Mexique sont sous-développées par rapport à leurs échanges respectifs avec les États-Unis, mais elles ne présentent pas non plus la même diversité. 

Le commerce entre le Canada et le Mexique est largement dominé par le secteur automobile, qui représente 35 % de toutes les importations canadiennes en provenance du Mexique (12 milliards $ par an). Les exportations du Canada vers le Mexique sont un peu plus diversifiées, englobant l’agroalimentaire, les véhicules à moteur et les biens de consommation, mais la valeur totale est nettement inférieure à la valeur des exportations du Mexique vers le Canada. Heureusement, il existe d’importantes complémentarités entre les deux économies, prêtes à être saisies.

Plus précisément, le Mexique a une population en âge de travailler beaucoup plus importante, avec plus de 38,8 millions de citoyens âgés de 20 à 40 ans, soit plus que la population totale du Canada. Les travailleurs mexicains se sont révélés inestimables pour l’économie canadienne en tant qu’immigrants qualifiés, travailleurs étrangers temporaires et travailleurs agricoles saisonniers. Le Canada étant actuellement confronté à une pénurie croissante de main-d’œuvre, une mobilité transfrontalière accrue de la main-d’œuvre pourrait avoir un impact immédiat.

Le Canada, quant à lui, possède une expertise considérable dans des domaines où la demande mexicaine est en hausse, notamment l’aérospatiale, les services financiers, les technologies vertes et les infrastructures énergétiques. À titre d’exemple, on a récemment annoncé que TC Energy allait construire le Southeast Gateway Pipeline, un projet d’infrastructure énergétique vital pour le transport du gaz naturel, d’une valeur de 4,5 milliards $. De nouveaux investissements dans des infrastructures favorables aux exportations sont désespérément nécessaires dans nos deux pays.

En outre, les gouvernements mexicain et canadien ont, à juste titre, donné la priorité aux efforts visant à assurer une plus grande participation des femmes, des autochtones et des autres groupes sous-représentés à notre économie continentale intégrée. Pour que la croissance économique bilatérale soit inclusive, durable, équitable et diversifiée, il est essentiel que nos secteurs publics et privés respectifs trouvent des moyens novateurs et imaginatifs de mobiliser et de tirer parti du plein potentiel de tous nos peuples.

Recommandations

D’après ce qui précède, et en réponse à la demande de recommandations concrètes, le CCA et le CMN proposent respectueusement que les secteurs public et privé du Mexique et du Canada se concentrent sur les cinq domaines suivants. Soyons clairs, cette liste n’est pas exhaustive. Nous reconnaissons que de nombreux autres domaines méritent, voire exigent, une plus grande attention, notamment des échanges culturels spécifiques et un éventuel centre universitaire pour des études économiques, politiques et sociales bilatérales.

Recommandation 1: Promouvoir les investissements bilatéraux dans les secteurs prioritaires 

Le Mexique et le Canada devraient promouvoir et privilégier les investissements bilatéraux dans les secteurs clés de l’innovation, notamment l’agrotechnologie, la technologie propre, la technologie médicale et la fabrication de pointe. En outre, l’investissement dans les infrastructures propices au commerce – infrastructures d’exportation énergétique, augmentation de la capacité des ports maritimes et modernisation des postes-frontières terrestres pour les transports routiers et ferroviaires – améliorerait la résilience de la chaîne d’approvisionnement, favoriserait l’externalisation proche et renforcerait les liens commerciaux entre nos deux pays et la compétitivité de notre continent commun. Un accord entre les régulateurs des valeurs mobilières et les bourses pourrait également aider les entreprises à accéder aux marchés de capitaux de chaque pays.

Recommandation 2: Simplifier la mobilité transfrontalière de la main-d’œuvre

Le Canada et le Mexique devraient collaborer à la création de processus accélérés pour l’approbation de permis de travail temporaire et la reconnaissance des titres de compétences de la main-d’œuvre dans les secteurs essentiels qui connaissent actuellement des pénuries de main-d’œuvre ou de compétences. La simplification de la mobilité de la main-d’œuvre entre le Mexique et le Canada permettrait d’accroître la compétitivité à l’échelle du continent et de renforcer les liens économiques bilatéraux. Parmi les secteurs prioritaires ayant un besoin urgent de main-d’œuvre qualifiée, et identifiés dans le Programme des travailleurs étrangers temporaires du Canada, figurent l’agriculture, les soins de santé, la foresterie, la construction, l’hôtellerie, la pêche, et l’exploitation minière. 

Recommandation 3: Élaborer une stratégie commune pour promouvoir des politiques qui garantissent la compétitivité de nos secteurs manufacturiers.

Une stratégie commune serait axée sur l’identification des intérêts communs du Mexique et du Canada en matière de politiques de commerce et d’investissement, avec un accent particulier sur la fabrication et l’innovation qui soutiennent la transition vers l’énergie verte. Un des principaux objectifs de ce travail sera de s’assurer que ces politiques renforcent la compétitivité nord-américaine. Cette stratégie pourrait être un volet permanent du Dialogue économique de haut niveau entre le Canada et le Mexique.

Recommandation 4: Donner la priorité à un plus grand engagement des gouvernements infranationaux

La relation bilatérale Canada-Mexique est presque toujours abordée comme une relation entre deux entités. Étant donné que d’importantes activités de développement économique relèvent de la compétence des 32 États du Mexique et des 10 provinces et 3 territoires du Canada, des efforts devraient être déployés pour promouvoir un engagement accru entre ces gouvernements. Un tel effort pourrait consister à établir une conférence annuelle sur le modèle de la rencontre SEUS-CP (Alliance des États du Sud-Est des États-Unis et des provinces canadiennes de l’Est) qui réunit des États américains et des provinces canadiennes pour identifier les possibilités de commerce et d’investissement au niveau infranational. 

Recommandation 5: Accroître la collaboration entre les secteurs public et privé pour protéger les infrastructures intégrées contre les cyberattaques et autres menaces pour la sécurité

Le Mexique et le Canada doivent travailler ensemble pour améliorer la résilience de notre chaîne d’approvisionnement intégrée, de nos infrastructures de transport et énergétiques face à la hausse et à l’évolution des cyberattaques et autres menaces. Un échange accru d’informations et de renseignements entre les gouvernements et les entreprises permettrait de mieux protéger les infrastructures essentielles contre ceux qui veulent perturber ou désactiver les principaux réseaux transfrontaliers. Le Canada et le Mexique pourraient également envisager de créer un Dialogue de haut niveau sur la sécurité pour compléter notre Dialogue économique de haut niveau (DEHN) bilatéral nouvellement établi.

Recommandation 6:  Examiner la possibilité de créer un centre d’excellence virtuel bilatéral pour les entreprises dirigées par des femmes et des minorités

L’objectif du centre serait de fournir aux femmes, aux minorités et aux entrepreneurs autochtones ainsi qu’aux chefs d’entreprise des informations allant du développement des marchés et des réglementations en matière d’exportation et d’importation à la gestion de la chaîne d’approvisionnement. Il pourrait inclure des modules de formation sur la manière d’accéder aux capitaux d’investissement, aux programmes de diversification des fournisseurs et aux aides gouvernementales. Le programme des femmes exportatrices d’UPS Canada et l’Institut mexicain pour la compétitivité (Mexican Institute for Competitiveness) du CMN pourraient servir de modèles pour un programme bilatéral qui comprendrait également les PME minoritaires et autochtones. Le centre pourrait offrir des possibilités de mise en réseau B2B (business to business) où des contacts et des relations d’affaires pourraient être établis. 

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Pourquoi l’Inde ? https://www.thebusinesscouncil.ca/fr/rapport/pourquoi-linde/ Thu, 04 Aug 2022 15:59:00 +0000 https://thebusinesscouncil.ca/?post_type=report&p=13424 Pourquoi l’Inde et pourquoi maintenant ? Le Canada dispose d’une grande richesse en matière de commerce international. Il est voisin du plus grand marché du monde. Grâce à des dizaines d’accords de commerce et d’investissement, les biens, les services et […]

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Pourquoi l’Inde et pourquoi maintenant ?

Le Canada dispose d’une grande richesse en matière de commerce international. Il est voisin du plus grand marché du monde. Grâce à des dizaines d’accords de commerce et d’investissement, les biens, les services et les capitaux canadiens bénéficient d’un accès privilégié aux États-Unis et à une grande partie du reste du monde.

Malheureusement, les exportateurs et les investisseurs canadiens ne profitent pas pleinement de la multitude de possibilités qui s’offrent à eux. Pour beaucoup d’entre eux, l’Inde est au mieux une réflexion après coup.

Pourquoi alors le Canada devrait-il s’efforcer d’accroître ses liens en matière de commerce et d’investissement avec l’Inde – un marché lointain et notoirement difficile à pénétrer ?

En termes simples : l’Inde représente une ouverture vitale pour l’avenir du commerce mondial. Le gouvernement canadien élabore actuellement sa stratégie tant attendue pour la région Indo-Pacifique. Et il n’y a aucun moyen de réussir dans cette région immense et d’importance stratégique sans établir des liens économiques solides et durables avec l’Inde – l’un des derniers grands débouchés commerciaux inexploités du Canada.

L’Inde ressemble à la Chine il y a vingt ans. Son économie est en plein essor, alimentée par une explosion des dépenses de consommation, une classe moyenne en pleine expansion et des investissements massifs dans les infrastructures et la numérisation.

L’avenir semble encore plus prometteur. La croissance économique devrait permettre à près d’un milliard d’Indiens de sortir de la pauvreté au cours des cinq prochaines années. Cela contribuera à propulser l’Inde – actuellement la sixième économie mondiale – au troisième rang d’ici 2030. Avec 1,4 milliard de consommateurs, l’Inde est le deuxième pays le plus peuplé du monde. Sa population est en bonne voie pour dépasser celle de la Chine d’ici 2027, selon les Nations Unies. L’Inde abrite également 17 des 20 villes à la croissance la plus rapide au monde. Au cours des trois prochaines années, l’Inde devrait être la grande économie à la croissance la plus rapide du monde, avec une croissance du PIB réel bien supérieure à celle de ses pairs en Asie, en Amérique du Nord et en Europe.

Dans un monde secoué par une inflation galopante, l’Inde offre des coûts de main-d’œuvre et de terrains relativement faibles. Le pays abrite la plus grande population en âge de travailler au monde. La moitié de sa population a moins de 25 ans, comparativement à environ un quart au Canada.

Et le moment est propice. Au début de 2022, le Canada et l’Inde ont annoncé la reprise des pourparlers en vue d’un accord de libre-échange global. Les deux pays souhaitent conclure un accord des « premiers progrès » d’ici l’année prochaine, lorsque l’Inde accueillera pour la première fois le Sommet des dirigeants du G20.

Élu en 2014 sur un programme qui mettait l’accent sur les réformes économiques intérieures, le premier ministre Narendra Modi a modifié sa stratégie en 2021, signalant une nouvelle ouverture au libre-échange et une intégration économique mondiale accrue. Depuis, le gouvernement Modi a signé des accords de libre-échange avec l’Australie et les Émirats arabes unis, et a entamé des négociations avec le Royaume-Uni, l’Union européenne, Israël et d’autres pays.

Le président américain Joe Biden a tout récemment lancé le Cadre économique pour la prospérité de l’Indo-Pacifique, un effort visant à contrer l’influence croissante de la Chine dans la région. Une douzaine d’autres pays, dont l’Inde, le Japon et l’Australie, ont adhéré à ce cadre, mais pas le Canada.

La signature d’un accord de libre-échange avec l’Inde donnerait aux entreprises et aux investisseurs canadiens un avantage sur leurs concurrents de nombreux autres pays. De même, si nous n’agissons pas rapidement, le Canada sera désavantagé.

L’ouverture économique de l’Inde au monde se fait dans un contexte de graves perturbations du commerce mondial provoquées par la pandémie de COVID-19, l’invasion de l’Ukraine par la Russie et le spectre d’une récession mondiale.

Le Canada est fortement incité à diversifier ses relations commerciales. Les États-Unis, qui représentent la plus grande partie de nos échanges commerciaux, sont devenus plus protectionnistes au cours des dernières années, tant sous les administrations démocrates que républicaines. Et notre deuxième partenaire commercial en importance, la Chine, présente désormais un risque beaucoup plus élevé pour les affaires dans un contexte de détérioration des relations bilatérales.

La performance commerciale du Canada en Inde, 2001-2019

À première vue, le commerce entre le Canada et l’Inde semble relativement robuste. Les exportations de biens vers l’Inde ont augmenté en moyenne de près de 12 pour cent par an entre 2001 et 2019, passant de 517 millions $ US à 3,9 milliards $ US. Au cours de la même période, les importations de biens du Canada en provenance de l’Inde ont augmenté à un rythme annuel de près de 10 pour cent. Le commerce bilatéral des services a augmenté encore plus rapidement, ce qui donne un aperçu des possibilités offertes par la libéralisation des échanges.

Cependant, ces chiffres ne disent pas tout. L’économie croissante de l’Inde engloutit davantage d’importations du monde entier. Mais son orbite commerciale s’est progressivement éloignée de l’Amérique du Nord et de l’Europe. Une part croissante de ses échanges se fait avec la Chine, les Émirats arabes unis et les pays membres de l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE) comme l’Indonésie, les Philippines, Singapour et le Vietnam.

Le résultat est que le Canada a perdu des parts de marché sur le vaste marché indien, qui connaît une expansion rapide. Une analyse de Ciuriak Consulting (commandée par le Conseil canadien des affaires et le Conseil de commerce Canada-Inde) révèle que la part mondiale du Canada dans le commerce bilatéral de marchandises avec l’Inde s’est érodée, passant de 1,02 pour cent en 2001 à 0,81 pour cent en 2021. Au cours des deux dernières décennies, le Canada n’a capté qu’un pour cent de la croissance des exportations mondiales de biens, de services et de propriété intellectuelle destinés à l’Inde. Les investissements bilatéraux sont également sous-développés, un signe inquiétant alors que l’Inde s’apprête à connaître un boom des investissements.1

« Le Canada a été loin d’être à la hauteur sur l’un des principaux marchés mondiaux », conclut Ciuriak Consulting.

Le Canada pourrait, et devrait, faire beaucoup mieux. Ciuriak Consulting estime que si nos échanges commerciaux avec l’Inde étaient équivalents à ceux que nous faisons avec des économies de taille comparable ailleurs dans le monde, nos exportations seraient près de 2 ½ fois plus élevées que maintenant. Cela représente plus de 3 milliards $ US par an en occasions d’exportation perdues. Selon l’analyse, les exportations canadiennes de produits agricoles, agroalimentaires et manufacturés vers l’Inde sont toutes inférieures à la moitié du niveau qu’elles devraient atteindre.

Ce déficit d’exportation fera plus que doubler d’ici 2027, à moins que le Canada ne fasse des efforts importants pour renverser la tendance. En 2035, le manque à gagner ferait plus que tripler. Le maintien du statu quo est une stratégie perdante pour le Canada sur ce marché prometteur et lucratif. 

Calculer les avantages du libre-échange avec l’Inde

Pour le Canada, l’expérience des deux dernières décennies en Inde n’est pas nécessairement de bon augure pour l’avenir.

La raison en est que la relation entre le Canada et l’Inde est marquée par un énorme potentiel inexploité. La question clé est de savoir comment la débloquer au mieux.

Les économies canadienne et indienne sont, dans une large mesure, complémentaires. Le Canada a besoin de ce que l’Inde possède, notamment, une population en croissance rapide de consommateurs de classe moyenne et une main-d’œuvre jeune et initiée aux technologies de l’information. De son côté, l’Inde a besoin d’une grande partie de ce que nous avons : énergie, technologie, produits agroalimentaires, engrais, diverses autres ressources naturelles, capitaux d’investissement, ingénierie et savoir-faire commercial.La modélisation économique de Ciuriak Consulting suggère qu’un accord de libre-échange avec l’Inde augmenterait le PIB canadien de 0,16 pour cent par an d’ici 2035, en supposant que l’Inde procède à des réductions tarifaires relativement modestes. Un accord plus ambitieux entraînerait une augmentation annuelle du PIB de 0,25 pour cent. Pour une famille canadienne de quatre personnes, cela représente un gain de 731 $ CA par an. Pour replacer cela dans son contexte, cet accord pourrait donner un coup de pouce économique plus important au Canada que l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP) de 2018, un accord qui a permis de renforcer les liens commerciaux avec 10 autres pays de la région Asie-Pacifique.2

Les prévisions sont fondées sur deux modèles possibles d’accord de libre-échange entre le Canada et l’Inde. Le premier est le Partenariat régional économique global (PREG), un accord commercial relativement modeste dirigé par la Chine entre les pays de l’Asie et du Pacifique, auquel l’Inde a jusqu’à présent hésité à se joindre. Le deuxième est l’accord bilatéral plus ambitieux proposé avec le Canada, surnommé l’accord de partenariat économique global (APEG). Les négociations sur cet accord ont débuté en 2010, mais sont restées au point mort par la suite.

Un accord plus ambitieux de type APEG permettrait de faire grimper le commerce bilatéral entre le Canada et l’Inde de 8,8 milliards $ CA par an, soit plus du double de ce qu’il était en 2019.

Quatre grands secteurs d’exportation de biens canadiens sont susceptibles de bénéficier le plus du libre-échange avec l’Inde : les fruits et légumes, les produits chimiques, le caoutchouc et les plastiques, les produits du bois et les minéraux. Le Canada peut également tirer parti de la croissance rapide de la demande de services aux entreprises en Inde.

Les estimations présentées dans ce rapport représentent un point de départ pour ce qui est possible. Le Canada et l’Inde peuvent faire beaucoup mieux.

L’Australie constitue un modèle que le Canada peut imiter. L’Australie semble avoir réalisé des gains importants dans le cadre d’un accord commercial bilatéral signé avec le gouvernement Modi en avril 2022. Selon les représentants australiens, l’accord supprimera les tarifs douaniers sur 85 pour cent des marchandises expédiées en Inde à court terme, puis sur 91 pour cent au cours de la prochaine décennie. L’Australie prend également des mesures importantes pour renforcer ses liens dans d’autres domaines. Le gouvernement australien s’est engagé à investir 280 millions $ (australiens) en Inde, notamment dans les technologies renouvelables, la défense et la coopération spatiale. Il a également créé le Centre for Australia-India Relations, qui a pour mandat de promouvoir le dialogue politique, de développer la culture commerciale australienne, de faire participer les communautés de la diaspora indienne et d’approfondir les liens culturels.

L’Inde a également beaucoup à gagner d’un commerce plus libre. L’abaissement de ses propres tarifs douaniers, historiquement élevés, rendrait l’économie indienne plus dynamique et plus compétitive, ce qui stimulerait la croissance de ses propres exportations. C’est précisément ce qui est arrivé à la Chine après son adhésion à l’Organisation mondiale du commerce en 2001. La Chine a considérablement abaissé ses tarifs douaniers, et ses exportations ont explosé.

Pourtant, il ne sera pas facile de renforcer les liens avec l’Inde.

Certes, le Canada et l’Inde ont des économies relativement complémentaires. Ils partagent également des liens personnels croissants, renforcés par l’augmentation du nombre d’immigrants indiens et d’étudiants étrangers au Canada au cours des deux dernières décennies. La diaspora indienne au Canada compte désormais 1,6 million de personnes, soit trois pour cent de la population canadienne. L’Inde est à présent la plus grande source d’immigrants admis au Canada, ayant dépassé la Chine en 2017.

Pourtant, l’Inde a toujours été un pays où il est difficile de faire des affaires. Le pays protège jalousement des secteurs sensibles tels que l’agriculture et l’industrie manufacturière. Il ne s’agit pas seulement de tarifs douaniers élevés. Les frontières de l’Inde sont notoirement « épaisses », marquées par une lourdeur bureaucratique, des règlements et d’autres barrières non tarifaires. Et plus encore que le Canada, son marché intérieur est très fragmenté, à tel point que les différents États indiens ressemblent parfois à des pays distincts.

Un accord de libre-échange ne suffira pas à ouvrir par miracle des débouchés pour les entreprises canadiennes. Les décideurs et les entreprises du Canada devront sortir de leur zone de confort lorsqu’il s’agit de l’Inde, et travailler fort pour tirer pleinement parti des liens économiques plus étroits et des possibilités d’ouverture des marchés. Cela signifie qu’il faudra risquer des capitaux, investir dans les talents locaux, accroître le soutien à la facilitation du commerce, et plus encore.

Plusieurs entreprises canadiennes sont déjà bien établies en Inde, témoignant ainsi que c’est possible.

L’Inde offre des possibilités, mais il y a aussi urgence. Les pairs du Canada, notamment le Royaume-Uni et l’Australie, prennent des mesures énergiques pour s’assurer un avantage commercial. Le Canada a l’occasion de se joindre à eux en concluant un accord commercial qui, s’il est bien fait, pourrait rapporter des dividendes économiques pendant des décennies.

Recommendations

Le gouvernement du Canada a reconnu l’importance de formuler une stratégie visant à approfondir son engagement envers la région Indo-Pacifique. De même, le Canada doit élaborer une stratégie globale à l’égard de l’Inde. L’Inde est la clé du succès dans la région en raison de sa grande taille, de sa croissance économique rapide et de son vaste potentiel inexploité.

  1. Le gouvernement fédéral devrait conclure un accord global de libre-échange et d’investissement. Un accord des « premiers progrès » avec l’Inde sera une première étape importante dans l’amélioration des relations, mais le Canada ne devrait pas s’arrêter là. Un accord global sur le commerce et l’investissement qui permet de réduire les tarifs et autres barrières, d’accroître la mobilité de la main-d’œuvre et d’améliorer la confiance des investisseurs apporterait des gains économiques importants aux deux pays.
  2. Investir dans la relation avec l’Inde. Pour démontrer l’engagement du Canada à resserrer les liens, les ministres fédéraux devraient s’engager à visiter fréquemment l’Inde. Idéalement, ces visites et missions commerciales seraient coordonnées avec les représentants des provinces, des territoires et des municipalités, ainsi qu’avec les organisations commerciales canadiennes. De plus, le Canada devrait s’assurer qu’il dispose de talents sur le terrain, y compris au niveau des États, des territoires et des municipalités, pour soutenir cette relation en pleine expansion. Le gouvernement devrait travailler en étroite collaboration avec les groupes d’affaires et les entreprises qui sont en mesure d’aider à ouvrir des portes en Inde. Il devrait également recueillir et partager des données sur les débouchés les plus prometteurs pour les biens et services canadiens.
  3. Les entreprises doivent élaborer leurs propres stratégies à l’égard de l’Inde. Tout comme elles l’ont fait avec la Chine il y a 20 ans, les entreprises canadiennes doivent réfléchir sérieusement à la place de l’Inde dans leurs plans d’avenir. L’Inde est en passe de devenir la troisième économie mondiale. Toute entreprise ayant des ambitions mondiales devrait avoir une stratégie pour saisir les occasions potentielles en Inde et suivre le rythme de ses concurrents. Cela pourrait comprendre l’établissement d’une présence en Inde afin de mieux comprendre les défis et les possibilités du marché indien, complexe et diversifié.

Les réussites canadiennes

Plus de 600 entreprises et organisations canadiennes ont établi une présence en Inde. Des centaines d’autres recherchent activement des occasions d’affaires dans ce pays. Exemples :

Investissements RPC

Le gestionnaire d’investissement mondial du Régime de pensions du Canada a ouvert son premier bureau indien à Mumbai en 2015. Investissements RPC comptent maintenant plus de 70 employés dans le pays, qui aident à gérer un portefeuille de 18,5 milliards $ CA d’actions immobilières, d’infrastructures, d’actions publiques et privées, ainsi que de fonds, de co-investissements et de crédits. Ces investissements représentent 3,4 % de l’actif total du fonds (au 31 mars 2022).

Parmi ses principaux actifs en Inde :

  • Investissement combiné de 668 millions $US pour une participation d’environ 20 pour cent dans ReNew Power Ventures Pvt. Ltd., l’une des principales sociétés d’énergie propre de l’Inde avec une capacité d’environ 10,3 gigawatts diversifiée entre les actifs de production d’énergie éolienne, solaire à grande échelle et solaire de toiture.
  • En mai 2018, L&T Infrastructure Development Projects Limited (IDPL) a lancé la première fiducie privée d’investissement dans les infrastructures en Inde – IndInfravit Trust, avec un portefeuille initial de cinq routes à péage en exploitation qui s’est agrandi au fil du temps. Investissements RPC détient désormais une participation de 43,8 pour cent.
  • Acquisition de 25 pour cent des parts de National Highways Infra Trust, une fiducie d’investissement en infrastructure parrainée par le National Highways Authority of India (NHAI), pour 15 029 millions INR (257 millions $ CA). La fiducie acquiert des routes à péage en friche auprès de la NHAI, l’agence gouvernementale responsable du développement, de l’entretien et de la gestion des routes nationales.
  • Investissements RPC a investi pour la première fois dans Kotak Mahindra Bank Ltd. en 2013 et a ensuite renforcé sa position par une série d’achats d’actions. Kotak est une importante société de portefeuille bancaire du secteur privé, avec des secteurs d’activité supplémentaires dans l’assurance vie, le courtage et la gestion d’actifs. À ce jour, Investissements RPC a investi 1,4 milliard $ CA, ce qui représente une participation de 4,3 pour cent dans l’entreprise.
  • Création de deux coentreprises avec Phoenix Mills. La première – dans laquelle Investissements RPC a investi 16,62 milliards INR (328 millions $ CA) – développe, possède et exploite des projets à usage mixte axés sur le commerce de détail en Inde. La deuxième, dans laquelle Investissements RPC a investi 13,5 milliards INR (231 millions $ CA), vise à développer un actif à usage mixte de bureaux à Mumbai.
  • En 2021, a investi 800 millions $ US dans Flipkart Group, l’une des principales entreprises de commerce numérique en Inde. Flipkart a permis à des millions de consommateurs, de vendeurs, de commerçants et de petites entreprises de participer à la révolution du commerce électronique en Inde.

Canpotex

La société de commercialisation de la potasse, basée à Saskatoon, exporte de la potasse de la Saskatchewan en Inde depuis un demi-siècle. Au cours de cette période, Canpotex – propriété des producteurs Nutrien et Mosaic – a vendu 25 millions de tonnes d’engrais en Inde.

La potasse est une importation vitale pour l’Inde, notamment parce que les agriculteurs cherchent à produire des cultures de meilleure qualité et des rendements plus importants à partir de terres arables limitées. Depuis 2016, Canpotex a investi 10 millions $ US dans des programmes d’éducation pour aider les agriculteurs indiens à améliorer la santé en appliquant un mélange équilibré de potasse, d’azote et de phosphate sur leurs champs.

Université Memorial

Basée à St. John’s, l’Université Memorial se trouve à plus de 10 000 kilomètres de Mumbai et d’autres grandes villes indiennes, et pourtant elle est devenue l’université de choix pour des centaines d’étudiants indiens de premier et deuxième cycles. Quelque 544 étudiants indiens étaient inscrits à l’Université Memorial en septembre 2021, soit une augmentation de près de 200 pour cent par rapport à 2016.

L’Université Memorial attribue cet essor à un processus d’admission spécial pour les élèves indiens du secondaire, ainsi qu’à des journées portes ouvertes virtuelles, des voyages de recrutement en Inde et des liens académiques croissants avec près d’une douzaine d’universités indiennes. Plusieurs membres du corps enseignant de l’Université Memorial sont actifs au sein de l’Institut indo-canadien Shastri, une organisation binationale qui encourage les échanges universitaires et les partenariats de recherche entre les deux pays.

Teck Resources Ltd.

L’Inde est devenue un des principaux marchés pour le charbon métallurgique canadien, car elle continue d’accroître sa capacité de production d’acier et prévoit de doubler sa production pour atteindre 240 millions de tonnes d’ici 2030. La croissance de la capacité de production d’acier s’accompagne d’une augmentation des importations de charbon métallurgique, car la production nationale de l’Inde est limitée et il est avantageux pour l’Inde de diversifier ses importations. 

Pour aider à répondre à cette demande croissante, la société Teck, dont le siège est à Vancouver, exporte maintenant entre 10 et 15 pour cent de sa production en Inde, ce qui représente entre deux millions et demi et quatre millions de tonnes de charbon métallurgique par an.  Une équipe interne spécialisée, de concert avec une équipe sur le terrain, supervise les ventes de Teck en Inde.

Teck a également un partenariat bien établi avec l’UNICEF pour soutenir le développement communautaire en Inde, y compris les soutiens COVID vitaux en 2021, et un programme Zinc & Santé qui existe depuis dix ans. Le programme Zinc & Santé a permis de toucher 23,6 millions d’enfants de moins de cinq ans grâce à des campagnes de sensibilisation intégrées, de former 29 200 agents de santé féminins à la prévention et à la gestion de la diarrhée, d’établir plus de 140 000 coins SRO (sels de réhydratation orale) – zinc pour améliorer l’accès équitable aux SRO et au zinc, et d’orienter 2,67 millions de personnes sur les pratiques quotidiennes de prévention de la diarrhée.

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Devenir plus forts ensemble https://www.thebusinesscouncil.ca/fr/rapport/devenir-plus-forts-ensemble/ Wed, 01 Dec 2021 13:41:00 +0000 https://thebusinesscouncil.ca/?post_type=report&p=11335 Introduction Tout au long de l’année 2021, les Canadiens de partout au pays se sont ralliés pour protéger leur famille, leurs voisins et leurs collectivités. Les grands employeurs du Canada étaient à leurs côtés, contribuant à la lutte contre la COVID-19 […]

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Introduction

Tout au long de l’année 2021, les Canadiens de partout au pays se sont ralliés pour protéger leur famille, leurs voisins et leurs collectivités. Les grands employeurs du Canada étaient à leurs côtés, contribuant à la lutte contre la COVID-19 et jetant les bases de la reprise économique. Dans ce message vidéo, Don Lindsay, président du Conseil canadien des affaires, ainsi que Goldy Hyder, président et chef de la direction du Conseil canadien des affaires, réfléchissent au rôle crucial que joue le secteur privé pour aider le Canada à réussir.

Plan de croissance économique pour le Canada

Le Canada doit viser la réussite au sein de l’économie mondiale après la pandémie. Il est temps d’adopter une stratégie de croissance audacieuse et ambitieuse qui est au service de tous, c’est-à-dire une stratégie qui procure des emplois bien rémunérés, attire les investissements et favorise des solutions novatrices pour relever les défis sociaux, environnementaux et économiques.

Le Conseil canadien des affaires a créé une feuille de route en vue de miser sur les forces du pays, de s’attaquer à ses faiblesses et de réduire les risques de perturbations futures. Notre plan de croissance repose sur quatre piliers clés :

  • Les gens : Nous devons cultiver et renforcer le capital humain, le fondement de notre réussite.
  • Le capital : Pour bâtir une économie plus forte et créer un plus grand nombre d’emplois de haut calibre, nous devons attirer des investissements, appuyer de nouveaux projets et encourager la croissance des entreprises existantes.
  • Les idées : La création de richesse est de plus en plus stimulée par le savoir et l’innovation. Nous devons promouvoir et exploiter les idées provenant du Canada.
  • La durabilité : Un partenariat solide entre les gouvernements et le secteur privé est essentiel pour que le Canada respecte ses obligations sur le plan climatique.

Pour en savoir plus

Développer le talent canadien

Bâtir un effectif agile et résilient, c’est-à-dire un effectif possédant le bon ensemble de compétences pour répondre aux besoins changeants du marché mondial, exige une concentration et une adaptation soutenues.

Les grands employeurs du Canada investissent dans le capital humain du pays grâce à un large éventail d’initiatives, notamment :

  • des programmes ciblés de « micro-certification » qui permettent aux employés éventuels d’acquérir les compétences dont ils ont besoin pour réussir dans un monde moderne et numérique;
  • des initiatives de perfectionnement professionnel qui accroissent les capacités des employés actuels;
  • des programmes de formation destinés aux groupes sous-représentés;
  • des occasions d’apprentissage intégré au travail qui aident les étudiants à effectuer une transition réussie entre les études et le milieu de travail.

Offrir une nouvelle formation aux travailleurs déplacés

Le Canada compte une population diversifiée et très instruite, mais, au fur et à mesure qu’évolue la technologie, notre effectif doit se transformer également. Palette Skills, un organisme national à but non lucratif, aide les travailleurs dont les emplois ont été touchés par des changements technologiques entre autres à effectuer rapidement la transition vers des postes en forte demande grâce à des programmes de formation ciblés et de courte durée. Le Conseil canadien des affaires est un partenaire fondateur de cette initiative importante.

Pour en savoir plus

Promouvoir des milieux de travail diversifiés et inclusifs

Lorsque les gens réussissent à titre individuel, nous réussissons tous.

Les grands employeurs du Canada sont déterminés à s’assurer que leurs milieux de travail sont ouverts et accueillants pour tous et ils désirent offrir un plus grand nombre de possibilités aux groupes sous-représentés, dont les femmes, les personnes racisées et les Autochtones.

Voici certaines des initiatives à cet égard :

  • partenariats économiques entre des entreprises et des groupes autochtones;
  • lutte contre le racisme systémique grâce à des programmes proactifs d’embauche, de mentorat, d’éducation communautaire et de ressources, et à des programmes pour lutter contre les préjugés inconscients;
  • renforcement du pouvoir des femmes entrepreneures.

Pour en savoir plus

Investir dans les gens et habiliter les travailleurs canadiens

Pour assurer une reprise économique saine, équitable et durable, les parents doivent avoir la capacité de poursuivre des carrières enrichissantes pendant qu’ils élèvent leurs enfants. Le Conseil canadien des affaires reconnaît que des services de garde et des services pour la petite enfance abordables et de qualité sont un élément essentiel d’une saine économie.

La pandémie de COVID-19 a fait ressortir l’importance des milieux de travail sains et sécuritaires sur le plan psychologique et des aménagements relatifs au travail. La santé physique est tout aussi prioritaire et c’est la raison pour laquelle de nombreux employeurs ont mis sur pied des cliniques de vaccination dans leurs collectivités, en plus de proposer des projets pilotes de dépistage rapide de la COVID-19 pour assurer la sécurité des employés.

Les employeurs mettent également au point de nouveaux protocoles de travail adaptés pour l’après-pandémie. Ils adoptent notamment des modèles de travail hybrides et de nouvelles technologies pour assurer la sécurité des gens dans les milieux de travail. Nous avons discuté de cet enjeu avec Satya Nadella, président et chef de la direction, Microsoft.

Pour en savoir plus

Aider le Canada à atteindre ses objectifs climatiques

Le Canada dispose de l’expertise, des ressources et du savoir-faire nécessaires pour atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Les grandes entreprises du pays agissent délibérément et de manière ambitieuse pour atteindre ces objectifs. Elles investissent également dans des technologies novatrices qui permettront à d’autres pays de réduire leur empreinte carbone.

À l’échelle internationale, le Conseil canadien des affaires a été l’un des premiers organismes représentant le milieu des affaires à recommander une tarification du carbone pour lutter contre les changements climatiques. Trois ans plus tard, en 2010, nous avons décrit la façon dont le Canada pouvait être un chef de file mondial au chapitre de l’innovation énergétique et environnementale. Cette année, nous avons publié le rapport Croissance écologique 3.0, lequel a élargi la portée de ces travaux pour s’attaquer à la trajectoire du Canada vers la carboneutralité, en mettant l’accent sur la nécessité d’établir des partenariats dans la transition énergétique et sur l’engagement à l’égard d’une croissance économique durable.

Ensemble, nous pouvons mobiliser les ressources naturelles et humaines du Canada pour mettre au point certaines des solutions climatiques les plus prometteuses, notamment l’électricité renouvelable, les carburants à faible teneur en carbone, l’hydrogène et les petits réacteurs nucléaires modulaires. Dans le secteur des transports, le Canada possède des expertises dans l’industrie automobile, et quantité de minéraux critiques représentent un potentiel inexploité. Ces deux éléments seront essentiels pour accroître la production de véhicules à émission zéro.

En innovant, en collaborant et en poursuivant des objectifs ambitieux, les entreprises canadiennes montrent la voie à suivre.

Par exemple :

Pour en savoir plus

L’innovation pour un avenir meilleur

Grâce à la recherche et au développement novateurs, les Canadiens ont la capacité de surmonter une vaste gamme de défis sociaux, économiques et environnementaux.

Qu’il s’agisse de bâtiments écoénergétiques ou de l’agriculture régénératrice, les entreprises canadiennes investissent dans des innovations de pointe qui aideront le pays et le monde à devenir plus intelligents, plus écologiques, plus sains et plus branchés.

Pour en savoir plus

Le leadership en action

La pandémie de COVID-19 a démontré que nous sommes plus forts lorsque nous travaillons ensemble pour atteindre des buts communs. La collaboration est cruciale pour assurer une croissance inclusive et durable.

Le Conseil canadien des affaires est fier de collaborer avec des partenaires partout au pays. Par exemple :

  • Nous avons été à la tête de la promesse d’APRÈS, une initiative dirigée par des entreprises pour assurer la sécurité des clients et des employés pendant que le Canada se remet de la pandémie.
  • Nous avons contribué à la création de la Coalition pour un avenir meilleur, laquelle réunit un groupe diversifié de citoyens et d’organisations résolus à concrétiser une nouvelle vision économique et sociale audacieuse pour le Canada.
  • Tout au long de la pandémie, nous avons travaillé étroitement avec d’autres grandes entreprises nationales du Canada : la Chambre de commerce du Canada, le Conseil canadien pour l’entreprise autochtone, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, Manufacturiers et Exportateurs du Canada et le Conseil canadien du commerce de détail. Ensemble, nous avons préconisé des politiques qui protègent la santé et la sécurité des Canadiens tout en préservant les emplois et en aidant les collectivités.
  • Nous avons mis sur pied la Table ronde des affaires + de l’enseignement supérieur, un organisme non partisan et à but non lucratif qui collabore avec les entreprises et les établissements d’enseignement postsecondaire en vue d’accroître les possibilités de carrière pour les jeunes Canadiens.
  • Nous avons contribué à créer l’Échange canadien de menaces cybernétiques (disponible en anglais seulement), un organisme à but non lucratif qui aide à protéger les Canadiens et les institutions canadiennes contre les cyberattaques.

De l’objectif aux retombées

Les dirigeants d’entreprises du Canada se sont engagés à faire part à d’autres de leurs expériences et de leurs connaissances, en travaillant de concert pour aider le pays à se rétablir de la pandémie de COVID-19. Grâce à la mobilisation des employés, aux allocutions publiques, à la sensibilisation communautaire et à d’autres efforts, les grands employeurs incarnent leurs valeurs dans leur travail.

Pour en savoir plus

Qui nous sommes

Le Conseil canadien des affaires réunit plus de 170 chefs de la direction de grandes entreprises canadiennes.

En nous appuyant sur les expériences et l’expertise de nos membres, nous fournissons des conseils judicieux et éclairés ainsi que des recommandations stratégiques pour bâtir un avenir meilleur pour les Canadiens. Les principaux domaines d’intérêt sont les suivants :

  • Stratégie économique
  • Ressources et environnement
  • Capital humain du Canada
  • Industrie et innovation
  • La place du Canada dans le monde

Les entreprises membres représentent 50 % du produit intérieur brut total du secteur privé au Canada. Les entreprises membres appuient directement et indirectement plus de six millions d’emplois canadiens et des centaines de milliers de petites entreprises.

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